Passant, va dire à Sparte que nous vivons pour n’obéir plus à ses lois.

Depuis le 7 décembre 2008, suite à l’assassinat d’un jeune garçon par des policiers athéniens, la Grèce est encore aujourd’hui submergée sous une intense marée de troubles et de révoltes spontanées. Un mouvement généralisé d’émeutes s’est répandu en un clin d’œil dans toutes les grandes villes de la péninsule avant de gagner bientôt de plus petites localités ordinairement plus assagies. Un fil secret relie les métropoles du monde ; le moindre quartier ne saurait s’embraser isolément : la contagion de cette fièvre enflamme tous les visages ; la révolte a déjà aboli les frontières.

Toujours davantage incontrôlée et soutenue largement par le reste de la population civile, la jeunesse du pays s’est engagée vigoureusement dans de tenaces combats de rues avec la police, dévastant les commissariats et les commerces, officines de la domination capitaliste dont l’arbitraire mondial est à présent contesté. De ces luttes urbaines a surgi de manière instantanée un large mouvement d’occupations sauvages, investissant les mairies, les universités et d’autres édifices publics. Transformés en véritables arsenaux, ceux-ci sont devenus les places fortes d’un soulèvement déjà qualifié d’insurrectionnel.

A considérer les signes de rébellions qui se pressent toujours plus nombreux, il est devenu manifeste qu’un mouvement de négation générale de la société moderne s’étend et s’intensifie, et ceci à l’échelle mondiale. Des usines chinoises agitées par de violentes grèves aux émeutes des banlieues de l’Occident, c’est la totalité du monde qui se trouve attaquée dans chacune de ses parties. Le soulèvement grec est le signe avant-coureur d’une crise universelle déjà présente. Le prestige ruiné des syndicats et des anciens partis d’opposition ne peut plus canaliser les rébellions d’une jeunesse de plus en plus impétueuse en ses audaces déterminées.

« Qui se cachera du feu, qui ne se couche pas ? » Ces troubles nous renvoient à nos propres consciences ravagées dans l’irréalisation de nos désirs. Ils sont l’aveu en actes de ce que nous n’avons pas su faire, et l’avenir que nous devions tracer. Cette revanche trouvera ses partisans. Les braises et les querelles refoulées dans l’in-conscience pacificatrice de notre époque couvent sous les cendres monotones des décrépitudes contemporaines. Il n’a fallu qu’une étincelle pour bouter l’incendie à la poudrière des misères sociales sur lesquelles la vieille Europe s’appuie et se fonde, en vacillant. La Grèce n’est elle-même que le théâtre momentané d’une pièce qui se joue partout. C’est cet effondrement qu’il s’agit de propager. Plusieurs autres pays ont répondu à l’appel enragé qu’exprimait un feu si intense, et l’inquiétude gagne les dirigeants d’un monde visiblement en faillite. Le berceau de la démocratie en sera le tombeau.

« EN S’AVANÇANT, LE FEU JUGERA ET CONDAMNERA TOUTES CHOSES. »