[b]Le 27 septembre, avait lieu sur caen un rassemblement visant à dénoncer l’exploitation d’indiens péruviens dans le cadre de la foire de caen, mais également celle qui a lieu chaque année pour de nombreux travailleur-se-s dans le même cadre.
ou comment une exposition coloniale a revu le jour.
A la fin de cette foire, l’un des indiens est décédé.[/b]

[b][size=18]L’or volé des incas : l’exposition coloniale[/size][/b]

Pérou « à la carte » : des échanges culturels ou du tourisme transnational ?

Vendre l’exotisme péruvien, le voyage imaginaire pour 7 € à ceux qui ne pourront pas y aller, c’est une grande affaire quand il s’agit de 250 000 visiteurs en 10 jours (sans compter le prix des parkings).

Mais pour séduire une clientèle sélecte, « haut de gamme », des voyages « à la carte » sont organisés par une transnationale de tourisme qui opère au Pérou, Bolivie, Argentine et Brésil, en complément de l’envahissant tourisme de masse. Cette méga agence de voyages, interlocuteur exclusif des organisateurs de la Foire (d’après sa page web) se serait chargé de repérer des indiens artisans, danseurs, et musiciens, et d’obtenir leurs visas auprès de l’Ambassade du Pérou. Les reportages que l’on voit sur le JT de France 3 font aussi partie de l’encadrement de cette agence appelée « ATTRACTION ». Des mécènes désintéressés ?

L’or doré des incas s’est transformé en or vert de l’Amazonie, ou brun de la Pachamama des Andes (« mère nourricière » en langue quechua), ou bleu du lac Titicaca dans les hauts plateaux des aymaras, par les agissements de l’industrie du tourisme qui pervertit les coutumes et la culture des indiens et qui n’a aucun respect pour leur environnement, avec lequel ils sont intrinsèquement liés.

Non seulement l’or n’est plus sacré depuis l’arrivé des conquistadores (cet or que les indiens utilisaient pour le culte n’avait provoqué que la convoitise chez l’homme blanc et, par la suite, leur massacre et leur spoliation), mais l’industrie du tourisme est une nouvelle forme d’exploitation et d’humiliation de ces peuples.

Mise en scène des indiens pour le grand profit des marchands

On ne peut rien dire de ces péruviens résidants en France qui viennent nous offrir des danses aussi spectaculaires qu’occidentalisés du folklore natif, car c’est leur métier et ils sont conscients du mensonge culturel.
Mais l’utilisation, la manipulation et l’exploitation d’un petit groupe d’indiens quechuas et aymaras qui ont été ramenés depuis leurs terres, dépasse toute notre compréhension. On les a vus sous le chapiteau, tout comme d’autres pièces d’artisanat et d’exotisme, exposés pour amuser les passants : « Abel ».de Uros, île du lac Titicaca, au beau milieu d’une salle, entouré de ses bateaux en roseaux et jouant son rôle à la demande des organisateurs, ou « Francisca ». et « Apolinario », d’une communauté quechua, en train de jouer les tisserands sur un petit podium au milieu des stands d’artisanat péruvien gérés par des commerçants qui sont habitués aux allés-retours entre l’Europe et le Pérou.

Pire encore, cette mise en scène se déroule toute la journée, dès l’ouverture jusqu’à la fermeture de la Foire, avec des maigres pauses pour manger ou se reposer. Certes, on ne les a jamais vu manger au restaurant « El Picaflor », trop classe pour des indiens, mais ils sourient, ils semblent heureux de nous faire plaisir en nous montrant leur savoir-faire ; peut-être pensent-ils accomplir une mission d’échange culturel d’un peuple envers un autre. Leur a-t-on expliqué qu’il ne s’agit en rien d’un échange mais d’un commerce où la part du lion est pour les plus gros poissons (les dits « mécènes » de le foire expo)?
Il y a de quoi s’indigner : nous ne voulons pas participer au festin d’Indiana Jones et Tintin réunis !

La Foire de Caen « L’or sacré des incas » nous offre cette année un voyage fait à la mesure de la superficialité de l’industrie touristique, où se cache en définitive, derrière cette vitrine, une autre réalité : celle de la grossière utilisation d’une culture ancestrale et l’exploitation des précaires d’ici et d’ailleurs pour le grand profit de marchands de toute sorte.
Tout cela est fait avec le concours ou complicité, directe ou indirecte, des responsables des institutions d’Etat ou privés en tant que partenaires, tant françaises (Conseil Régional de Basse Normandie, Conseil Général du Calvados, Ville de Caen, France 3) que péruviennes (PROMPERU, dépendance du Ministère du commerce extérieur du Pérou, l’Ambassade de Pérou en France, une ONG censé protéger les indiens quechuas et leur expliquer le vrai but du voyage).
Ce n’est pas nouveau de dire que la Foire de Caen est un festin marchand : on voit bien que cette exposition coloniale n’a rien à voir avec une éthique « d’échange culturel ».

Nous aurions bien aimé inviter ces femmes et ces hommes quechuas et aymaras, non seulement à parcourir avec leur « négrier » (Attraction) le Mont Saint Michel pour qu’ils fassent des photos en preuve du bon traitement reçu en France, mais aussi avec nous, pour qu’ils connaissent la « réalité », notre quotidien, nos rêveries et nos vies précaires dans ce pays où il y a peu d’êtres humains, et surtout des consommateurs… mais ils n’avaient pas d’interprète pour nous comprendre. De plus, leurs passeports étaient bien gardés par des soi-disant intermédiaires.

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Même si les quechuas et aymaras étaient principalement présents dans le but de vendre leurs tissus -peut-être leur a-t-on dit que la Foire de Caen était une sorte de marché de dimanche péruvien-, n’est-il pas vrai que toute personne travaillant à la Foire de Caen devrait bénéficier d’un salaire français ? Les tisserands quechua et l’homme aymara d’Uros n’avaient pas de vrais moyens de communication, n’ayant pas d’interprète, et donc aucune possibilité d’établir de contact direct avec des acheteurs pour se défaire des intermédiaires (but initial d’un accord de commerce équitable). Toutes les informations leur ont été transmises en espagnol (qu’ils ne comprennent pas), et comme par hasard, l’adresse e-mail du seul indien bilingue aymara-espagnol était quelque peu modifié…!

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Travail précaire à la Foire de Caen : toutes les nationalités confondues.

Ce qui est le plus dramatique dans un emploi précaire c’est l’incertitude du lendemain. Quand un patron demande à quelqu’un de travailler pendant 10 jours à la Foire, et que le patron n’établit pas un contrat de travail, le travailleur/eusse n’a pas le choix, il/elle doit se soumettre et tout accepter. Tout ?
Le restaurant péruvien EL PICAFLOR (dont le siège est à Paris), et qui fait le plein tous les jours sous le chapiteau des Incas, nous offre un beau exemple : pas de contrats de travail pour les serveurs/eusses, pas des horaires établis (donc, on peut travailler comme un fou toute la journée ou être renvoyé chez soi, dépendant du goût du patron), intimidation verbale, et le comble, pas de droit aux pourboires.
Les conditions de vie précaire des gens et la pression du chômage, obligent à accepter tout type de travail, notamment un travail non déclaré comme c’est le cas à la Foire de Caen. Mais les précaires s’organisent, ils se relient en cachette, ils prennent leurs précautions pour se défendre au cas où… Attention les profiteurs !