DHKP 39: Nous avons perdu notre Commandant, notre Leader, notre Oncle
Date: Le 11 août 2008 * Nous le saluerons en amplifiant notre combat selon ses enseignements. * Sa vie révolutionnaire redéfinit les principes de l’engagement révolutionnaire ! * Nos condoléances aux peuples de Turquie et du monde. Nous venons de perdre un grand révolutionnaire.

Notre douleur est indescriptible, notre perte est immense: Notre commandant, dirigeant et camarade secrétaire-général Dursun Karataş est tombé en martyr le 11 août 2008 à 5h. du matin. Son cœur qui battait pour la révolution, pour la libération des peuples du monde, pour l’indépendance de notre patrie et l’émancipation de notre peuple depuis 38 ans s’est arrêté. Il a rendu son dernier souffle dans les bras de ses camarades, avec la quiétude d’avoir rempli sa mission envers son peuple et les peuples du monde.

Camarades!
Nous avons perdu notre « Oncle », lumière dans les ténèbres, boussole dans les chemins escarpés et tortueux, stratège dans notre marche révolutionnaire, celui qui nous aidait à nous relever quand nous chancelions, qui nous a appris à courir plus vite, celui qui était toujours à nos côtés avec ses conseils, ses directives et sa clairvoyance politique.
Nous avons perdu le guide de la révolution en Turquie, un maître-artiste qui a dessiné des merveilles sur notre vieux monde fatigué, chargé de douleurs et de bassesses.
Notre Oncle était un guide. Si nous sommes parvenus à ce jour sans nous égarer dans les ténèbres du fascisme, sans nous noyer dans les marais de l’oligarchie, sans disparaître dans les embuscades, nous le devons à ses grandes qualités de dirigeant.
Notre leader a symbolisé une volonté marquant l’histoire qui, à la fin du XXe siècle, s’est sensiblement raréfiée. Nous qui écrivons l’histoire depuis la résistance de Kizildere, l’histoire nous a honoré en réservant à notre mouvement une place privilégiée. Dans chaque page de cette histoire, on peut admirer sa main de maître, l’empreinte d’un cerveau qui fonctionne 24h sur 24 pour la révolution. Avec lui, nous sommes devenus un mouvement qui a offert à l’histoire des gestes grandioses, qui a écrasé les trahisons, qui a percé les encerclements, qui a prouvé l’invincibilité du socialisme au monde entier, qui a porté le drapeau de la lutte anti-impérialiste et internationaliste face aux agressions impitoyables de l’impérialisme.
Aujourd’hui, nous l’accompagnons vers l’éternité. Non, nous ne lui dédions pas une immortalité privée de sa base historique, politique et sociale, lui qui s’est tissé son immortalité pendant 38 ans par d’âpres efforts. Tout ce qu’il nous a légué est preuve de son immortalité, à commencer par le Parti et le Front pour lesquels il a voué son âme et son sang. L’œuvre théorique et pratique qu’il nous a confiée et qui jalonne chacune de ses phrases, chacun de ses pas sont l’illustration de son immortalité.
Sans lui, ce sera difficile, nous le savons. Nous serons privés de sa force et de sa volonté dans l’adversité. Mais nous ne nous priverons pas de ses conseils. Il restera notre exemple, notre guide, de par sa posture politique et de par sa vie. Il demeurera à nos côtés avec toutes les valeurs qu’il nous a léguées 38 années durant.

Notre peuple, camarades!

Notre dirigeant souffrait de cancer depuis 10 ans. Comme dans tous ses combats, sur le front de la maladie aussi, il était stoïque et endurant. Naturellement, sa maladie n’est pas apparue en une journée. Les tortures atroces, de longues années de captivité, ses dizaines de grèves de la faim, la tuberculose dont il souffrit durant le jeûne jusqu’à la mort (de 1984), la souffrance de l’exil; en bref, les intenses persécutions que le fascisme et l’impérialisme lui ont fait subir 38 années durant sont la cause directe de la détérioration de sa santé. Nous avons tout fait pour qu’il guérisse. Cependant, la science et la nature ont leurs limites. Ce sont dans ces limites que nous l’avons perdu. Des années durant, il n’a pas un seul jour, pris congé de son poste. Il était encore en fonction six jours avant son décès. Il avait tout planifié, même sa mort.

Nos cadres, nos sympathisants et notre peuple peuvent s’en assurer : tous les mécanismes de direction de notre organisation sont opérationnels et nous allons continuer son combat à la lumière de ses enseignements. Il a voué sa vie à la création d’une Turquie indépendante, démocratique et socialiste. C’est ce dévouement qui détermine chaque instant, chaque heure de sa vie dont il a consacré 38 années à la révolution. Son dévouement et son sens du devoir sont un héritage inaltérable et nous motivent à poursuivre notre marche vers une Turquie indépendante, démocratique et socialiste sans la moindre déviation.

Sa vie révolutionnaire appelle à une redéfinition du concept d’engagement révolutionnaire!

Parler de notre leader, c’est raconter l’histoire de notre mouvement révolutionnaire. Car, il se trouve à chaque instant, à chaque phase de notre histoire. Notre devoir envers notre dirigeant et envers le peuple de Turquie est de conter notre histoire, faite de bravoure, d’ambition, d’une volonté irréductible contribuant à élargir l’horizon de la révolution. Par ailleurs, à cette époque où l’engagement révolutionnaire et l’identité socialiste subissent une agression brutale et sournoise, nous devons souligner l’importance de sa conscience et de son mode de vie révolutionnaires.
Etre Dursun Karataş, c’est consacrer chaque instant de sa vie à la révolution ! A travers sa personnalité et sa vie, c’est l’engagement révolutionnaire qui doit être redéfini. Pour toutes celles et ceux qui nourrissent une ambition socialiste ou révolutionnaire, l’esprit qui se matérialise dans l’existence de notre dirigeant nous offre une mesure historique et un exemple inégalé permettant de jauger notre propre engagement. Depuis 38 ans, il était au cœur et à la tête de ce combat. Ces 38 années ont été le théâtre de chamboulements mondiaux, de milles épreuves que la révolution a dû surmonter et de grands sacrifices. Chacun de ces tournants historiques, ils les a passés sur les lignes de feu et les a abordés en visionnaire muni d’une grande imagination politique. Avec sa foi et sa fidélité en la révolution concrétisée par ses contributions théoriques et sa persistance scientifique à défendre le marxisme-léninisme, avec son abnégation et son irréductibilité face à l’ennemi, avec sa confiance inébranlable en son idéologie et en le peuple, notre dirigeant est l’auteur d’une vie exemplaire pour tous les révolutionnaires du monde. Ce sont toutes ces qualités qui lui ont fait gagner le titre de dirigeant. En affirmant qu’il faudra redéfinir l’engagement révolutionnaire à l’aune de son existence, nous souhaiterions en présenter quelques illustrations dans ces lignes.
Imaginez qu’en 38 ans d’existence militante, il n’a jamais été inféodé à l’ordre établi et n’a jamais prôné le statu quo. Il n’a jamais eu de vie légale. Durant toutes ces années où il fut contraint de vivre à l’étranger, il n’a jamais eu une heure de vie légale ou soumise à une autorité institutionnelle. Ses soins médicaux ont toujours été dispensés en clandestinité. Contrairement à tous ceux qui se prévalent de leur « passé fascinant », à tous ces « chefs » dont le seul mérite et d’être des « anciens », il n’a jamais voulu se créer un espace de vie dans les limites tracées par l’ordre établi. Toute sa vie durant, il n’a jamais attendu la moindre indulgence du système. Il n’a jamais rien possédé. Il eut pour seuls refuges, une adresse et son peuple. Malgré les innombrables théories fantaisistes de l’oligarchie à son encontre et les flèches empoisonnées de la guerre psychologique dont il fut la victime, il n’a jamais failli à sa mission. Il était pétri d’une passion, d’une volonté, d’un idéal et d’un enthousiasme implacables. Sa vie durant, il n’a jamais opté pour la moindre tendance réformiste ou la moindre déviation par rapport à la stratégie révolutionnaire.
Dans un pays où les capitulards, les pessimistes, les vaincus se font encore passer pour des « leaders », sa vie montre à tous ce que signifie d’être un dirigeant révolutionnaire.
Le décrire à travers une seule de ses qualités ou uniquement dans ses dimensions théorique, politique et militaire, c’est le décrire que partiellement. Lui, il était de la lignée de Mahir et des siens. Sa stratégie, son style de travail, sa conception de la vie et du leadership étaient distillés dans la théorie marxiste-léniniste. Il était à des lieues et des lieues de ces chefs qui plastronnent et se gargarisent des grandes théories socialistes, blottis bien au chaud dans les enclos du système. Il n’a jamais été un révolutionnaire de salon. Il n’a jamais vécu détaché de son peuple. C’était un dirigeant qui avait appréhendé la vie et la lutte sous toutes leurs facettes.
C’était un commandant, un dirigeant du peuple, un militant, un combattant. C’était un homme politique inventif…
Il s’est forgé toutes ces qualités grâce à d’immenses sacrifices. Ses camarades l’ont connu lorsqu’il était dans les premiers rangs de la lutte antifasciste des lycéens. Ensuite, toute la jeunesse stambouliote l’a connu; il fut un militant mais aussi un dirigeant de la lutte dans les universités, dans les logements étudiants, dans les embuscades fascistes, dans les actions antifascistes et anti-impérialistes de la jeunesse, dans la lutte sur les campus universitaires. Dans le même temps, les autres segments de la population ont pu le connaître lors des réunions populaires dans les bidonvilles et les résistances contre les destructions des habitations des pauvres. Et puis, il devint un dirigeant reconnu par toute la Gauche de Turquie pour être parvenu à créer avec audace et hardiesse un nouveau mouvement révolutionnaire. A l’époque, nombreux sont ceux qui se souviennent de sa phrase : « Aucune force ne nous empêchera de créer le parti et de réaliser la révolution ».
Durant les années de la junte fasciste du 12 septembre, alors que certains théorisaient la capitulation, la soumission et le statu quo, il développa une ligne révolutionnaire qui se résumait à cette phrase : « La junte ne soumettra pas un peuple de 45 millions d’âmes ». Dans années-là, il fut l’architecte d’une épopée de résistance. Il participa à la marche vers la mort de la grande grève de la faim de 1984 de 75 jours qui trône dans les pages les plus nobles de notre histoire. Selon sa conception du leadership, un dirigeant devait, s’il le fallait, avancer vers la mort, dans les premières lignes du combat. Et c’est ce qu’il fit.
Dans les années où le reniement du socialisme, l’abandon de la révolution et le légalisme étaient en vogue, il déclara : « Nous allons une fois de plus secouer le monde à partir de la Turquie ». Dans les années de destruction du système socialiste et des hurlements de victoire de l’impérialisme, il est de ceux qui ont appelé à brandir plus haut le drapeau du socialisme et l’un des tentants de l’approche scientifique qui proclame que « la solution des problèmes du socialisme se trouvent dans le socialisme ». Ceux qui ont brandi notre drapeau avec honneur se sont inspirés de ses mots.
Résister, résoudre les problèmes, combattre : nous pouvons dire que sa vie était un florilège de résistance et d’optimisme. Aux forces de gauche de notre pays et internationales, il a montré que les grèves de la faim jusqu’à la mort n’étaient pas le seul fait des « cadres supérieurs » et d’une manière générale, il a contribué à édifier l’héroïsme en œuvre collective. Il a réussi à faire de gens ordinaires des héros des masses. Simples, ordinaires mais bardés d’une volonté d’acier : dans nos rangs, telles étaient les qualités primordiales d’un cadre révolutionnaire. Si l’on a de la volonté, on peut résoudre le reste. Et c’est ce qui se passa.
L’essence et la définition de l’idéal que notre leader a voulu faire gagner aux cadres, aux combattants et aux sympathisants de notre mouvement sont limpides. Comme il dit, la foi révolutionnaire est un concentré de sentiments mélangé à la science et à la réalité. Cette foi n’est ni un sentiment abstrait ni une parole d’agitation. Elle n’est pas superficielle et encore moins conjoncturelle. Cette foi permet de trouver en soi le dévouement pour la révolution et la force et le sens du devoir que requiert l’engagement révolutionnaire. La révolution, l’action révolutionnaire, les épopées de résistance ne sont pas le fait de « surhommes » mais de simples gens pétris d’idéaux. Chacun doit pouvoir dire : « je peux le faire ». C’est précisément cette foi et cette assurance qu’il a enseignées. C’est grâce à lui que lors des assauts fascistes contre nos bases, nos cadres et nos combattants assiégés trouvaient l’audace de clamer au visage de leurs assassins « c’est à vous de vous rendre », de résister sous les rafales de l’ennemi par des « youyous » de victoire, d’écrire avec leur sang le nom de l’espoir sur les murs, de s’immoler pour faire cesser la tyrannie. Cette conviction, cet enthousiasme, cette volonté, cette audace, ce sens du sacrifice ont pris forme sous son leadership. Et de tout temps, nous lui avons rendu hommage par le slogan : « Vive notre dirigeant Dursun Karataş! »
Frères, amis, camarades, peuple ! Son nom continuera de retentir dans le ciel de notre pays et germera dans chaque révolte et dans le cœur de chaque révolutionnaire.

Dursun Karataş, c’est le nom d’une vie dévouée pour la révolution

Notre camarade Dursun Karataş est né le 25 mars 1952 dans le village de Kürdemlik (Cevizdere en turc) à Elazig. Il est issu d’une famille de travailleurs kurdes. Sa sympathie pour la pensée révolutionnaire commence avant les années 1970. Durant ses années de lycée, il forma un groupe qui, des années plus tard, allait donner naissance à l’organisation Devrimci Sol.
En 1970, il obtient son bac pour étudier les sciences forestières à l’Université d’Istanbul. Ces années sont celles du traçage de la voie révolutionnaire, du dépassement des traditions révisionnistes et réformistes, de l’éclatement du statu quo et de nouveaux clivages politiques et sociaux. Au plus fort de ces clivages, notre camarade a opté pour la ligne révolutionnaire de Mahir et des siens. Il était désormais un sympathisant du THKP-C.
Après la disparition physique de Mahir et de ses camarades le 30 mars 1972 à Kizildere, un nouveau potentiel porteur de l’héritage du THKP-C se dessine au sein de la jeunesse. Notre camarade Dursun Karatas s’engage alors dans les rangs de Dev Genç (Jeunesses révolutionnaires), une organisation qui défendait la ligne du THKP-C. A l’époque, il jouait déjà un rôle prépondérant dans le développement du mouvement tant à Istanbul qu’à Elazig.
Sa première garde à vue survint en 1974 lorsqu’il badigeonna sur les murs de la ville d’Elazig le slogan « Indépendance pour Chypre » et ce, pour dénoncer l’invasion et l’occupation de l’île par la dictature oligarchique. Dans cette action de chaulage, il était accompagné d’un autre militant, Niyazi Aydin qui, lui aussi, allait devenir un membre du comité central de Devrimci Sol. Par la suite, on le retrouvera tantôt dans une patrouille chargée de la sécurité des écoles soumises aux attentats fascistes, tantôt sur les barricades de Kocamustafapasa, à résister côte à côte avec ses camarades. Ainsi, son expérience montre que le leadership s’acquiert pas à pas dans le tumulte de la vie et de la lutte. Comme on dit souvent, le leadership ne se lègue pas, il se conquiert. Le leadership, cela s’acquiert au quotidien à travers des centaines d’actes, de réflexions et des comportements que l’on fait mûrir avec patience et résolution. Le résultat d’une telle maturation fait de vous un révolutionnaire qui écrit l’histoire, à l’instar de notre camarade…
L’époque où notre camarade Dursun Karatas organisa la lutte démocratique de la jeunesse étudiante au sein de l’Association culturelle des études supérieures à Istanbul (IYÖKD) autour de revendications antifascistes et anti-impérialistes, c’est aussi l’époque où il se hissa à la tête du mouvement étudiant révolutionnaire. Ses qualités de dirigeant et de militant faisaient de lui un homme suscitant la confiance et dont on écoutait volontiers les conseils et les opinions. C’est à cette époque que l’on commença à l’appeler « Dayi », l’Oncle (maternel). C’est ainsi que tant au sein de l’Association IYÖKD que dans les baraquements des étudiants d’Elazig, il eut de nombreux neveux et de nièces. Son surnom se répand à telle enseigne qu’il supplante son véritable nom. Bien entendu son surnom d’ « oncle » n’exprime pas un lien purement affectif ou de parenté mais la camaraderie, le respect et la confiance qu’il suscite.
« L’Oncle » allait peu à peu devenir celui sur qui l’on peut toujours compter, celui à qui l’on peut toujours faire confiance, celui avec qui l’on peut se battre les yeux fermés.

La question que l’Histoire se posait alors était ce qu’il allait advenir du THKP-C. La réponse, c’est Dursun Karataş !

La lutte croissante des Jeunesses révolutionnaires qui défendait le THKP-C avec sincérité nécessitait une nouvelle forme d’organisation. Le « Groupe Libération » (Kurtulus Grubu) qui s’est articulé sous la direction de notre camarade Dursun Karataş incarne l’une des étapes qui répondit à cette urgence. A partir de ce moment-là, Karataş a cessé d’être un dirigeant des étudiants d’Istanbul pour devenir le dirigeant de la lutte antifasciste qui se menait dans tous les terrains de la vie. Les Jeunesses révolutionnaires, avec notre dirigeant à sa tête, devenaient du coup, une force motrice dans les grèves ouvrières, les résistances des habitants des bidonvilles, les actions des employés et parfois même des paysans. Notre camarade dirigeant était à la base de l’organisation de toutes ces activités et ces actions. Grâce à son sens pratique et à son mûrissement précoce, il allait exceller dans l’art de la politique et de la direction révolutionnaire.
Les Jeunesses révolutionnaires luttaient alors aux quatre coins du pays et leur vœu commun était d’unir le potentiel du THKP-C. Les urgences de la lutte nécessitaient une pareille organisation. C’est dans ce cadre qu’en 1977, Dursun Karataş et ses camarades ont créé l’organisation de la « Voie révolutionnaire » (Devrimci Yol), fruit de débats qui ont débouché sur la proclamation d’un Manifeste. Le but des auteurs du Manifeste de la Voie révolutionnaire était d’assurer la netteté idéologique et la création d’un parti qui se situait dans la perspective du THKP-C. Cependant, Devrimci Yol n’a pas réussi à devenir la plateforme requise pour cet objectif. Car la tendance qui s’affirma à Ankara faisait mine de défendre le THKP-C alors que dans la pratique, elle se refusait à créer les structures organisationnelles adéquates. Les partisans de cette tendance s’évertuaient plutôt à imposer leurs conceptions droitières dans la perspective non pas de créer un parti mais une scission. Les nombreux écrits et critiques adressés par Dursun Karatas aux dirigeants de la scission d’Ankara restaient lettre morte. Au lieu de débattre, les scissionnistes planifiaient de liquider le potentiel militant et révolutionnaire dirigé par Dursun Karataş qui était dominant à Istanbul. Se refusant à liquider l’idéologique du THKP-C et la structure révolutionnaire, ces derniers décidèrent de « liquider » les liquidateurs. Notre camarade Dursun Karataş prit à ce moment-là une décision, sans doute l’une des plus importantes de l’histoire révolutionnaire de notre pays, qui pendant des décennies, allait marquer la révolution en Turquie par son rôle historique : étant donné que les tâches de poursuite de l’héritage idéologique du THKP-C et de la refondation du parti ne pouvaient être laissées à d’autres, dans cette phase historique déterminante, notre camarade Dursun Karatas dénonça les liquidateurs de Devrimci Yol et créa en 1978 l’organisation Devrimci Sol.
Un nouveau mouvement politique venait de naître dans l’histoire de la lutte des classes de notre pays.
Ce mouvement allait axer la lutte révolutionnaire dans la ligne du THKP-C et dans la perspective de recréer le parti, allait suivre le manifeste de Kizildere dans sa lutte antifasciste et anti-impérialiste, allait créer de nouvelles traditions de lutte et se faire accepter tant par l’ami que par l’ennemi.
Dans l’histoire de la révolution en Turquie, il n’existe aucune autre « rupture » qui ait connu un essor aussi rapide, une constance aussi solide et un enracinement social aussi profond que l’organisation Devrimci Sol. La qualité du leadership de notre camarade Dursun Karataş se mesure au courage dont il a fait preuve dans sa décision de mener une rupture révolutionnaire, dans son intelligence politique et sa capacité à anticiper les événements et à organiser un mouvement. Cette phase a été décisive dans l’édification de sa personnalité de leader.

Être Dursun Karataş c’est créer un mouvement porteur d’espoir

Lorsque Devrimci Sol apparut dans l’arène politique, c’était en 1978, une époque où la terreur des milices fascistes était à son paroxysme. Peu après la fondation de Devrimci Sol, l’armée allait décréter l’état d’urgence et notre organisation allait devoir se structurer dans des conditions encore plus difficiles. C’est dans ces dures conditions que notre mouvement placé sous sa direction, s’est démarqué du révisionnisme, de l’opportunisme et des déviations de droite et de gauche de la ligne du THKP-C. Et c’est là, l’une des principales qualités de notre Oncle. Toute sa vie durant, il savait faire la part des choses. Doté d’une lucidité sans faille, il était hostile aux conceptions théoriques ou pratiques qui rendaient la ligne révolutionnaire floue. La ligne militante révolutionnaire que l’on suivit sous sa direction contre la terreur fasciste en est une belle illustration. Alors que les formations révisionnistes et opportunistes encourageaient à la passivité face à la terreur fasciste qui ensanglantait la rue et se réfugiaient dans les théories de la provocation, Devrimci Sol menait des actions de représailles visant à dissuader les terroristes fascistes et devint ainsi l’avant-garde de la lutte antifasciste. Face à la terreur d’Etat, notre organisation a pris les institutions de l’Etat pour cible ce qui, en soi, était une innovation stratégique parmi les forces de gauche. L’une des caractéristiques principales de Devrimci Sol, c’est son audace et avant tout, le courage politique de notre direction. Devrimci Sol et le DHKP-C ont toujours été reconnus et appréciés pour leur vaillance. Celle-ci est indistincte de notre ambition à conquérir le pouvoir. Notre camarade dirigeant a toujours tenté de doter ses cadres de cette ambition.
En une période d’à peine deux ans, Devrimci Sol est devenu l’un des mouvements politiques majeurs de notre pays et un espoir pour les masses. En même temps, il commençait à influencer les autres forces de gauche lorsque, le 12 septembre 1980, notre mouvement a dû soudainement affronter de nouvelles épreuves. Tout le monde allait devoir passer une nouvelle épreuve. L’histoire allait ainsi, une nouvelle fois, passer les théories, les stratégies et les leaders au crible. Certains décidèrent de battre en retraite. D’autres ont carrément choisi de vivre comme réfugiés politiques pour fuir l’arène de la lutte. En revanche, Devrimci Sol a décidé de résister à la junte. Dans le communiqué intitulé « La junte fasciste pro-américaine ne soumettra pas un peuple de 45 millions d’âmes », nous avions clamé haut et fort notre résolution à résister. Ce document historique fut l’œuvre de notre camarade dirigeant et la résolution qui s’en dégage allait devenir des années durant un manifeste de la résistance et un témoin du sens des responsabilités à l’égard du peuple qui animent les cadres et des militants de Devrimci Sol.
Notre camarade dirigeant est tombé en captivité à peine quelques jours après le coup d’Etat militaire. Alors que, au dehors, la lutte se structurait selon sa conception organisatrice, il se trouvait sur un nouveau front de lutte. Sur ce front aussi, il développa une politique de résistance contre la stratégie coercitive de la junte du 12 septembre et endossa la mission de diriger pratiquement ces résistances. Les prisons de Turquie furent alors les témoins d’une résistance implacable et d’un héroïsme grandiose. Tandis que les illustrissimes dirigeants de nombreux mouvements politiques usaient de leurs connaissances encyclopédiques pour théoriser la capitulation, notre Oncle développait avec ses camarades la théorie et la pratique de la résistance. En 1984, il y eut une campagne visant à bloquer le décret militaire prévoyant le port obligatoire de l’uniforme en prison. Le point culminant de cette campagne fut une résistance par le jeûne de la mort dans laquelle culmina notre camarade dirigeant. Il fit partie du premier détachement de grévistes de la faim jusqu’à la mort, c’est-à-dire qu’il était dans les premières lignes de cet âpre combat. Au bout de 75 jours de jeûne de la mort, trois cadres de Devrimci Sol (et un camarade de tranchée de l’organisation TIKB) tombèrent en martyrs. De notre Oncle et des autres résistants, il ne restait plus que des corps squelettiques en survie mais ils venaient de signer là un acte de résistance avant-gardiste pour la révolution en Turquie.
L’histoire de notre camarade Dursun Karataş nous montre qu’il est un brillant enseignant et commandant des résistances « pionnières ». Il est le dirigeant politique et pratique de toutes nos résistances : celles des Equipes de lutte armée contre la terreur fasciste, celle des Unités révolutionnaires armées, celle des jeûnes jusqu’à la mort, sa tonitruante plaidoirie depuis les tribunes de l’oligarchie ainsi que celles des nos combattants irréductibles retranchés dans nos bases assiégées « sans jamais se rendre ».
Le procès principal de Devrimci Sol qui commença le 15 mars 1982 à l’encontre de 1453 révolutionnaires a lui aussi été le théâtre de résistances pionnières et historiques. Ce procès a été immortalisé par des images où l’on voit nos camarades accusant le pouvoir oligarchique, trahissant ainsi le caractère politique de ce procès. Ces images consacrent la défense politique du mouvement, une œuvre collective à laquelle il a intensément contribué, intitulée : « HAKLIYIZ KAZANACAGIZ » (Le droit est de notre côté. Nous vaincrons.) Lorsqu’il prit la parole à la tribune avec en mains cette plaidoirie de 1753 pages, tout le monde savait l’importance historique de ce moment. Là encore, nos idéaux de révolution en Turquie étaient à nouveau déclarés devant notre peuple et devant l’histoire. La première signature qui figurait sous cette déclaration et ce serment, c’était la sienne.
Notre camarade dirigeant mit fin à sa captivité par une action d’évasion en octobre 1989 et accéda au poste de direction de la lutte ardente. Avant de quitter la prison, notre Oncle avait laissé une lettre afin qu’elle soit lue lors des audiences du procès de Devrimci Sol. Cette lettre dit notamment : « La liberté ne s’offre pas, elle se conquiert. Nous usons de notre liberté pour rejoindre la guerre de conquête de la liberté ». Après son évasion, l’oligarchie a lancé un ordre de l’abattre sans sommation. Pendant ce temps, il était déjà occupé à préparer la « phase d’élan » dans notre pays.

Lorsque nous sommes parvenus entre les martyres et les trahisons à notre premier objectif –la création du parti- notre guide, c’était encore lui

Au début de son retour à la tête de notre mouvement, il publia une analyse de la situation pour répondre à une question cruciale qui est également le titre de l’ouvrage, « A quelle étape de notre parcours sommes-nous ?» dans laquelle il décrivait la nouvelle phase stratégique que nous appelons la « phase d’élan ». C’est sous le slogan « Nous devons courir plus vite » que s’amorça cette phase qui allait avoir un impact et une importance politique mondiale. En effet, alors que le bourbier du réformisme et du légalisme gagnait du terrain et que les vents de la contre-révolution soufflaient sur le monde, nous avons intensifié la lutte armée et brandi plus haut le drapeau rouge. Les vents contre-révolutionnaires attisés par l’impérialisme ainsi que l’enchaînement des processus de négociations avec les dictatures fascistes qui ailleurs, devenaient la mode et la norme, se sont heurtés au mouvement marxiste-léniniste de Turquie. Le dirigeant de ce mouvement s’appelait Dursun Karataş. La résistance idéologique qu’il livra à l’impérialisme et son obstination à se battre pour la révolution allaient faire de lui une cible de premier choix de l’impérialisme et de l’oligarchie.
Au bout de deux ans et demi d’intensification de la lutte armée qui répondait aux aspirations de justice populaire, notre mouvement est parvenu à un stade où il pouvait proclamer « Nous voilà à la veille du Parti ».
Durant cette phase, nous avons payé un lourd tribut. Suite aux opérations policières du 12 juillet 1991 et des 16 et 17 avril 1992, les membres de notre comité central Niyazi Aydin, Sinan Kukul et l’épouse de notre leader Sabahat Karataş sont tombés en martyrs. Pour nous, leur perte fut très lourde. Notre dirigeant qui était lui aussi confronté au danger de ces opérations, a poursuivi sa mission avec détermination, prêt à affronter toute situation dommageable. Face aux pertes humaines considérables, il a fait prendre conscience de l’âpre réalité de la lutte à nos cadres et à nos combattants, ce qui a permis de remettre le mouvement sur pied de manière plus durable.
Au plus fort du développement de notre mouvement, le 13 septembre 1992, une bande de traîtres putschistes l’agressèrent lâchement et le mirent en captivité. Cela se passa dans notre base centrale à l’étranger.
L’histoire le défiait à nouveau. Et une nouvelle fois, il allait agir en conformité à son titre de dirigeant : il allait en effet parvenir à remettre notre mouvement sur les rails de la révolution en usant de patience et de perspicacité. Tandis que les acteurs de cette entreprise crapuleuse et nauséabonde ont regagné les poubelles de l’histoire, il renforçait sa mission historique de dirigeant révolutionnaire irréductible et incorruptible. Notre dirigeant était désormais plus fort et plus conscient de son rôle historique.
Malgré les dommages considérables causés par les traîtres putschistes, il est parvenu à quasi tout recréer et à relancer notre élan. Sa volonté de fer, sa clairvoyance infaillible et ses directives politiques pertinentes nous ont permis de revenir sur notre mission fondamentale : le processus de conversion de notre mouvement en parti.
Pour y parvenir, le 30 mars 1994, les cadres dirigeants de notre mouvement se sont réunis en congrès pour la fondation du Parti révolutionnaire de la libération du peuple. Lors de ce congrès, Devrimci Sol a décidé de poursuivre sa marche révolutionnaire en tant que Parti révolutionnaire de libération du peuple (DHKP) et d’élire notre camarade Dursun Karataş, secrétaire-général du DHKP. Ce premier objectif de fonder le Parti malgré le martyr de nombreux camarades et les trahisons, nous le lui devons indiscutablement. Notre camarade assumait cette mission depuis 14 ans et ce, jusqu’à son dernier souffle.

Notre dirigeant a rejoint la caravane de nos martyres;
Son nom est désormais notre serment, notre testament et notre drapeau.

Notre commandant, dirigeant et oncle avait un jour déclaré durant sa plaidoirie dans les tribunaux de l’oligarchie: « Cette lutte est une lutte de classes. Cette lutte se poursuivra jusqu’au renversement des classes ennemies. Je suis fier d’être un guerrier de Devrimci Sol qui combat dans cette perspective…. Car Devrimci Sol est l’avenir de notre pays et le drapeau de la libération de nos peuples. »
En 1994, ce drapeau a pris pour nom DHKP-C, des initiales dont leur évocation est inséparable de la mémoire de notre camarade dirigeant. « Notre combat se poursuivra jusqu’au renversement des classes ennemies » avait-il déclaré à raison.
Depuis la fondation de notre Parti, chaque action punitive qui ébranla la dictature oligarchique, chaque résistance carcérale, notamment les jeûnes de la mort de 1996 et de 2000-2007, chaque organisation et chaque résistance des habitants pauvres des bidonvilles, chaque lutte ouvrière, paysanne ou de la fonction publique, chaque pas franchi par nos guérilleros dans les montagnes de notre pays exhalaient sa sueur, ses convictions et son enthousiasme. Car il a toujours été au cœur de la vie. Il était l’organisateur de la vie révolutionnaire sous toutes ses couleurs, s’acquitta,t de toutes ses tâches, grandes et petites, sans la moindre distinction. Tout ce qui concernait la révolution, même des questions de détail, entrait dans son champ d’intérêt.
Que les luttes sociales progressent ou régressent, que notre mouvement subisse des coups et des échecs sur tel ou tel front, l’espoir et la foi de notre camarade dirigeant étaient intarissables. Il était toujours convaincu que nous pouvions faire plus et a toujours encouragé à se surpasser. Cet esprit d’abnégation a maintes fois permis de remplir des tâches que d’aucuns pensaient irréalisables. Cet esprit d’abnégation est à la base de nombreuses résistances et de nombreux actes héroïques. Pour s’en convaincre, rappelons-nous de la Grande Résistance de 2000-2007 et de nos guerriers fédayins qui, bandeau rouge sur le front, s’étaient donné le corps aux flammes aux cris de: « Vive notre dirigeant Dursun Karataş!”.
Notre dirigeant vivra à jamais !
L’impérialisme et l’oligarchie ont tout fait pour l’assassiner. En vain.
A présent, ils ne pourront se réjouir un seul instant de sa disparition.
Nous ne ferons pas plaisir à nos ennemis, nous n’attristerons pas nos amis ni notre peuple.

A notre peuple !
Vous avez perdu un fils, un commandant héroïque irréductible et insaisissable, un professeur qui pendant 38 ans a entretenu vos espoirs et offert des solutions. Nous, cadres, guerriers et sympathisants du Parti et du Front révolutionnaire de libération du peuple, nous qui sommes ses disciples, nous vous faisons le serment que nous ne vous ferons pas ressentir la perte de votre fils, commandant et professeur. Nous poursuivrons notre combat jusqu’à la victoire sur la voie qu’il nous a tracée. L’un des objectifs pour lesquels il a consacré sa vie était d’établir le Pouvoir révolutionnaire du peuple. Ce pouvoir populaire dont il a lui-même jeté les bases naîtra tôt ou tard sur nos terres. Nous y parviendrons ensemble, avec vous.

Camarades !
Notre Oncle n’est plus. Il est désormais notre drapeau. Maintenant, il attend de nous que nous fassions preuve de fermeté et que nous défendions la révolution et notre mouvement avec une volonté plus grande. Le courage dont il a fait preuve en menant sa mission jusqu’aux derniers jours de sa vie, c’est là son testament. En tant que cadres du Parti-Front, pour combler l’immense vide qu’il laisse, nous devrons défendre la révolution et notre organisation sans perdre un seul instant et assumer nos devoirs révolutionnaires avec une plus grande audace et un plus grand enthousiasme. C’est le seul vœu de notre dirigeant et la seule attente que peuvent avoir les cadres d’une révolution qui a perdu son leader.

Peuples de Turquie et du monde!
Nous allons marcher sans lui mais avec lui !

Nous avons perdu notre Oncle. Notre douleur et notre perte sont immenses. Mais notre foi, notre détermination et nos devoirs actuels sont encore plus grands que notre douleur. Sa voix qui proclamait que nous ressusciterons le THKP-C de la Turquie des années 1970, que nous recréerons le parti et marcherons vers la révolution était une voix annonciatrice. Nous l’avons entendue et avons suivi ses enseignements. Le défi qu’il lança à la « junte qui ne pourra vaincre un peuple de 45 millions d’âmes » était la proclamation de notre irréductibilité. Notre invincibilité, nous l’avons prouvée devant l’histoire. En déclarant que « les problèmes du socialisme se résolvent dans le socialisme » alors que les régimes révisionnistes s’écroulaient un à un, il a indiqué la direction irréversible du cours de l’histoire. Nous continuerons d’avancer dans cette direction. Nous marcherons sans mais avec lui. Cette voix que l’on ne peut taire et qui résonne en s’amplifiant, c’est sa voix. Quel qu’en soit le prix, nous parlerons avec sa voix, marcherons avec ses pas solides et sûrs et tôt ou tard, nous planterons notre drapeau sur les forteresses de l’oligarchie avec ses mains.

DURSUN KARATAŞ EST IMMORTEL !

Notre commandant, notre leader, notre Oncle, notre guide révolutionnaire continuera d’illuminer notre chemin!

Devrimci Halk Kurtuluş Partisi

Parti révolutionnaire de libération du peuple