EnricDuran, plus connu sous le surnom de « Robin des banques » (« Robin Bank » en Catalogne) est mis en examen, dans le cadre d’une instruction pour « blanchiment de cryptomonnaies en bande organisée ». Comme Sarkozy n’arrête pas de le rappeler quand ça lui arrive (souvent), être mis en examen, c’est encore être présumé innocent aux yeux de l’institution. La justice n’a donc pas encore tranché sur sa culpabilité mais elle le prive de liberté et elle a récemment confirmé que sa détention provisoire allait être prolongée de 4 mois.

Un intitulé de mise en examen qui jette le flou sur notre camarade

On a bien conscience que le motif de cette mise en examen est un repoussoir pour tout le monde : après toute l’énergie déployée depuis bientôt un mois dans la communication, le peu de relai que nous constatons aujourd’hui nous le confirme : milieu militant, presse même indé… rares sont les relais de communication, et on le comprend ! La différence pour nous, c’est qu’on connaît Enric et la force de son engagement révolutionnaire depuis presque 15 ans pour certain·es.

Il faut dire que si l’accusation « en bande organisée » est devenue un classique pour nous autres anticapitalistes, les autres termes sont hors sol pour nos milieux militants: « blanchiment » « cryptomonnaies » : ça sonne au mieux grand banditisme, au pire patronat ou politique politicienne !

Pour éclairer le contexte de cette affaire, on vous partage les éléments qu’on a entre nos mains et pour nous, ça ne fait pas l’ombre d’un doute : l’emprisonnement d’Enric est hautement politique et l’État français, voir l’État espagnol et le système bancaire n’y sont pas pour rien. On a la certitude qu’ils s’en frottent les mains.

Enric est du genre déterminé, il encaisse les coups avec philosophie, même s’il préférerait de loin être libre et lavé de tout soupçon. Il garde la tête froide et prépare sa défense activement, même si on se doute qu’il minimise la portée de ce qu’il ressent pour ne pas nous inquiéter.

20 ans d’engagement contre le système bancaire et financier

Suite à son coup d’éclat de 2008, les banques ne se sont bizarrement pas bousculées au portillon pour s’engager dans des poursuites contre lui. Il faut dire que lui offrir une tribune politique lors d’un procès leur aurait fait une mauvaise publicité dans un contexte où tout le monde en Espagne avait envie de les cramer… En 2013, c’est donc le FISC espagnol qui fait donc le sale boulot et demande 8 ans de prison à son encontre. Enric préférera partir en exil : il a passé 10 années dans la clandestinité pour attendre la prescription de cette affaire.

Mais pour notre camarade, il est impossible de rester les bras ballants pendant cette période. Il faut dire que c’est un vrai geek. Dès ses premiers pas dans l’activisme altermondialiste fin des années 90, alors qu’il travaillait régulièrement avec le mouvement zapatiste et le MST, son surnom a été « el hombre conectado » (« l’homme connecté »). Enric se rabat donc sur l’activisme en ligne en impulsant avec ses plus proches la FairCoop, une tentative de Coopérative intégrale planétaire. Il continue à travailler pour la « révolution intégrale » avec son appétence bien connue pour l’économie et plus précisément, pour le système financier et bancaire. Il ambitionne de construire une alternative aux banques, une structure décentralisée et soumise uniquement au contrôle populaire. Dans l’univers des cryptomonnaies, il voit l’opportunité de déployer un outil permettant de passer de l’échelle régionale d’une « économie coopérative intégrale » à l’échelle planétaire : la Bank of the Commons et le FairCoin prennent forme.

Déjà à cette époque, il dit vouloir « hacker le capitalisme ». Enric part du principe que tous les collectifs anticapitalistes du monde pourraient mener leurs actions de manière bien plus efficace s’il n’étaient pas fauchés en permanence. Il est persuadé que s’ils en avaient les moyens, les actions anticapitalistes seraient bien plus fortes et qu’on pourrait ainsi renverser la table. Il étudie donc l’ingénierie financière étatico-capitaliste pour utiliser ses outils (comme le font les capitalistes) et en détourner les bénéfices, non pas vers un quelconque intérêt personnel, mais vers nos luttes et nos alternatives autonomisantes. C’était déjà un fonctionnement de base de la coopérative intégrale catalane.

Son activité sur les cryptos vise le même objectif, tout en lui permettant de tirer le revenu nécessaire à sa subsistance et à celle de ses plus proches. Le documentaire Robin Bank a le mérite de proposer un portrait de notre ami : Enric n’a rien de l’escroc mais tout du révolutionnaire anarchiste !

Enric est plutôt du genre à déclencher lui-même les risques d’incarcération en rendant publiques ses actions dans la pure tradition de la désobéissance civile… Alors, quand la police l’a cueillit, il n’imaginait pas une seconde que ce soit pour des faits pareils. Quand il a compris de quoi on le soupçonnait durant l’interrogatoire, il a directement montré l’ensemble de la conversation qu’il avait eue avec « ses clients » sur la plateforme d’échanges. Mais la police n’a pas daigné prendre en compte le contenu de ces messages qui montraient qu’il n’avait connaissance ni de leurs intentions, ni de leurs pratiques frauduleuses. Elle ne les a pas non plus versés à l’instruction. C’est cet entêtement policier qui l’a, en tout premier lieu, mené à la case détention provisoire.

Un « traitement de faveur » pour le « Robin des Banques »

Au fur et à mesure qu’il découvrait le pot-au-rose, Enric a appris que ces fameux « clients » avaient mené leurs opérations illicites entre août 2021 et le début juin 2024. Les faits dont on le soupçonne ne portent que sur deux périodes assez courtes : du 20 novembre au 13 décembre 2023 et du 5 mars au 20 avril 2024. En regardant les dates, on comprend assez vite que d’autres acteurs des cryptomonnaies – des banques officielles a priori – et certainement d’autres sociétés ont été impliquées au même titre que lui. Les banques ont accès à des moyens de contrôle, ce que lui n’avait pas. Les autres sociétés ne sont pas inquiétées au même titre que lui : il est le seul à croupir derrière les barreaux pour cette sombre affaire…

A la fois très peu à l’aise avec la langue française, fort de sa bonne foi et peu informé du fonctionnement judiciaire français (même s’il n’est pas du genre naïf), notre ami catalan aura d’abord pris son mal en patience durant près de trois mois, sans prévenir au-delà de sa famille et de ses plus proches. Mais au fur et à mesure des différentes échéances de l’instruction et face à l’obstination de la Justice à ne pas vouloir considérer sérieusement des preuves à même de démonter la construction de son cas, il aura fini par se résoudre à appeler à la solidarité au travers de son premier communiqué.

Puis tout s’est enchaîné : le 27 septembre (veille de week-end), le juge d’instruction n’a pas fait sauter la bande organisée malgré les preuves apportées par l’avocate (l’intégralité des messages échangés et prouvant qu’Enric ne savait rien de ce que tramaient ses clients), le lundi suivant, le juge des libertés et de la détention a décidé de prolonger sa détention de quatre mois. L’appel qui devait avoir lieu le 10 octobre a finalement été repoussé au 17 octobre 2024 et la décision du JLD a été confirmée. Il ne sortira pas avant fin janvier et encore, rien n’est garanti… Il faut quand même préciser qu’une remise en liberté sous contrôle judiciaire aurait pu être envisagée : Enric loue un appartement à Nantes où il a des attaches et la Justice le sait pertinemment.

Ça c’était pour la partie explication du contexte dans lequel s’inscrit cette affaire. Pour nous, tout montre que cet emprisonnement est politique, comme trop d’autres en France et ailleurs. La police et la justice ont ferré un révolutionnaire anarchiste qui a eu le culot de s’en prendre directement aux banques en 2008 et s’acharne depuis à nuire aux banques et au système financier. Pire encore, Enric Duran a ouvertement menacé l’ordre bourgeois en place en invitant tout le monde à désobéir collectivement (campagne de désobéissance économique, système économique intégral hors capitalisme) et en générant une motivation énorme en Catalogne et ailleurs (comme en Bretagne historique) dans les mouvements sociaux.

Face à la machine étatique et judiciaire, soutenons Enric Duran !

En salissant son image, sa « notoriété » acquise auprès des classes laborieuses au prix de la mise en jeu de sa liberté, l’Etat tente de le couper de tout soutien de la part des mouvements sociaux. On n’est pas dupes. Et c’est pour casser cette stratégie qui, pour l’instant du moins, semble porter ses fruits, que nous vous avons rédigé ce communiqué. On espère que les éléments qu’on vous a partagés vous motiveront à rejoindre la dynamique de soutien. Vos relais sont plus que bienvenus !

On invite à construire des comités de soutiens partout en France et ailleurs, qui parlent de l’action d’Enric et des initiatives catalanes. A nos yeux, c’est une source d’inspiration pour nos luttes actuelles et à venir, d’autant plus face à l’offensive du gouvernement et plus largement, de la classe dominante… Le site web https://libertepourenricduran.fr va progressivement proposer des ressources pour soutenir cette dynamique. En tous cas, on s’active pour ça !

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Quelques mots sur le Comité Liberté pour Enric Duran et le comité catalan

A l’annonce de la situation de notre camarade et ami, le noyau dur de l’EcoRéseau du Pays Nantais (en dormance depuis 2017) s’est spontanément réactivé. Malgré les années qui se sont écoulées, les déménagements et les reprises de taf normé des un·es et des autres, des liens se sont réintensifiés, voire carrément réamorcés. Nous sommes aujourd’hui disséminé·es en haute Bretagne et peu nombreuses et nombreux mais nous mettons tou·tes la main à la pâte pour porter soutien à Enric et nous portons cet élan de solidarité avec nos camarades catalan·es.

Et depuis nos régions, terres de révolte ou l’anarchisme n’est pas qu’un vain mot, on se fait écho pour clamer ensemble :

LIBERTE POUR ENRIC DURAN  |  LLIBERTAT PER A ENRIC DURAN !

LIBERTE POUR TOUT·ES LES PRISONNIER·ES POLITIQUES | LLIBERTAT PER A TOTS ELS PRESOS POLÍTICS !

ET FEU A TOUTES LES PRISONS !  | I FOC A TOTES LES PRESONS !

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Pour aller plus loin :

La Cooperative Intégrale Catalane (en français) :

2013-2022 : https://side-ways.net/blog/les-cooperatives-integrales-ont-quelque-chose-de/

2015 : https://reporterre.net/Ni-capitalisme-ni-Etat-la-Cooperative-integrale-s-epanouit-a-Barcelone

https://reporterre.net/Hors-Etat-et-hors-marche-la

https://www.ababord.org/La-Cooperative-integrale-catalane

https://basta.media/la-cooperative-integrale-ou-comment-repondre-aux-besoins-individuels-et

2021 : https://colimacon.org/cooperative-integrale

2023 : https://www.demain-en-mains.info/fr/la-cooperative-catalane-refait-societe

https://www.humanite.fr/medias/arte/robin-bank-le-hold-up-du-siecle-dun-activiste-catalan

La Cooperative Intégrale Catalane (en français) :

Le site de la Cooperativa El Poblet (suite de la CIC qui s’est décentralisée) : https://cooperativa.cat/que-es-la-cic-2/com-ens-organitzem/

Le site d’info sur les EcoXarxès : https://ecoxarxes.cat/