Andrea Dworkin s’affirmait déjà comme un phare éclairant un chemin alors presque désert – il y a 30 ans, on ne se faisait pas plus d’ami-e-s qu’aujourd’hui à dénoncer les industries du sexe dont les femmes et les enfants constituent la matière première à la disposition de certains hommes.

Peu d’écrits d’Andrea Dworkin ont été publiés en français. Cet automne, Les éditions Sisyphe (Montréal) proposent en traduction française, sous le titre Pouvoir et violence sexiste, cinq textes de cette penseuse féministe radicale sur des réalités que de nombreuses femmes vivent comme radicales. On trouve, notamment dans ce livre, la conférence qu’elle a donnée à Montréal, le 6 décembre 1990, pour commémorer l’anniversaire du massacre de l’École polytechnique; un texte – monumental – qui dissèque minutieusement le pouvoir masculin et ses effets sur la vie des femmes, et aussi, une conférence sur la prostitution présentée à des étudiantes en droit d’une université américaine. Le premier chapitre, “Écrire”, présente un extrait d’un roman et le livre se termine par une exhortation dont l’intitulé “Souvenez-vous, résistez, ne pliez pas” résumerait bien la vie d’Andrea Dworkin elle-même.

Pour “corriger les défauts du féminisme”

De la prostitution, Andrea Dworkin écrit: “Nous ne pouvons pas corriger les défauts de notre féminisme si nous sommes prêtes à accepter la prostitution des femmes. (…) Il est toujours extraordinaire, quand on regarde cet échange d’argent, de réaliser que dans l’esprit de la plupart des gens, l’argent vaut plus que la femme. (…) L’argent permet à l’homme d’acheter une vie humaine et d’effacer son importance de tous les aspects de la reconnaissance civique et sociale, de la conscience et de la société, des protections de la loi, de tout droit de citoyenneté, de tout concept de dignité humaine et de souveraineté humaine. Cinquante maudits dollars permettent à n’importe quel homme de faire cela. (…) Je veux vous dire que si ces hommes arrivent à faire ce qu’ils font, c’est à cause du pouvoir de la classe des hommes, un pouvoir qu’ils s’arrogent parce que les hommes utilisent la force contre les femmes. Si vous voulez une définition de ce qu’est un lâche, c’est avoir besoin de réprimer toute une classe de gens de façon à pouvoir leur marcher dessus.» (Dans le chapitre 4, “Prostitution et domination masculine”).

Outre les problématiques du viol, de la violence conjugale, du harcèlement, de la pornographie, de la prostitution, Pouvoir et violence sexiste aborde globalement les violences psychologiques quotidiennes engendrées par la domination masculine qui détruit l’existence des femmes, entrave leur liberté de créer, de travailler, d’aimer, de vivre en sécurité. Les analyses sans compromis et le langage exempt d’euphémismes, parfois cru, de l’écrivaine Dworkin surprendront peut-être celles qui la liront pour la première fois. Mais cette lecture confortera dans leur action celles et ceux qui mènent une lutte persévérante et courageuse contre toutes les formes de violences, et elle leur donnera peut-être un éclairage nouveau pour comprendre les obstacles qu’ils rencontrent. Dans le dernier chapitre de ce livre, la penseuse et militante féministe encourage les femmes à s’unir pour prendre la parole, résister, agir, se réapproprier leur vie. “Nous savons comment pleurer. La vraie question est: Comment allons-nous nous défendre?”, écrit-elle dans “Tuerie à Montréal. L’assassinat comme politique sexuelle” (chapitre 2), dont http://sisyphe.org/article.php3?id_article=2720 présente un court extrait.

Andrea Dworkin, Pouvoir et violence sexiste, Les éditions Sisyphe, Montréal, 2007, Coll. Contrepoint, 128 pages. Préface de Catharine A. MacKinnon. Traduction de l’américain et texte de présentation de Martin Dufresne. En librairie en novembre en Europe (Distribution Nouveau Monde/Librairie du Québec, Paris).