La plupart des États occidentaux soutiennent Israël de manière inconditionnelle, tout en exprimant de plus en plus haut leur réprobation. Mais les termes mêmes de cette réprobation visent à détourner l’attention, et à édulcorer et naturaliser la réalité du génocide.

Une mesure emblématique de ces déplacements d’attention est celle des sanctions contre les colons extrémistes en Cisjordanie. Si le regain des violences en Cisjordanie est effectivement préoccupant, cette mesure opère un certain nombre de déplacements, qui obèrent la réalité de la situation :

– un génocide est en cours à Gaza, et là aucune sanction n’est prise ;

– la situation en Cisjordanie n’est pas le fait que de quelques colons extrémistes, elle est liée à une politique de colonisation menée en violation du droit international, accompagnée de spoliations et de violences, qui est ancienne et implique tant l’armée que le gouvernement et l’État d’Israël ; au reste des représentants des colon extrémistes siègent au gouvernement.

Les sanctions contre les colons extrémistes détournent donc l’attention de l’inaction occidentale vis-à-vis du génocide à Gaza, et banalisent la réalité de la colonisation et des exactions qui l’accompagnent en Cisjordanie (et à Jérusalem Est) et l’implication de l’État d’Israël.

La focalisation sur l’aide humanitaire pour ce qui concerne la situation à Gaza procède du même mécanisme. Les États-Unis et l’Union européenne non seulement s’abstiennent de sanctionner Israël, mais soutiennent son action par la fourniture d’armements, le soutien économique, le renseignement, la dissuasion de tout soutien au peuple de Gaza.

La mise en scène de l’aide humanitaire (les parachutages, l’acheminement par bateau, la jetée artificielle…) fait apparaître le génocide comme une catastrophe naturelle, sur laquelle il ne serait pas possible d’agir. De même que l’acceptation des restrictions du gouvernement israélien à l’accès de l’aide humanitaire légitime la mainmise de celui-ci sur le territoire de Gaza et l’action qu’il y exerce.

Les appels à la démission de Nétanyhaou de la part du président du groupe démocrate au Sénat, approuvé par Biden, circonscrit  encore le problème et déplace sa solution. Certes la trajectoire personnelle de Nétanyahou est un facteur de la violence exercée par Israël à Gaza, par sa volonté de s’appuyer sur la guerre pour se maintenir au pouvoir et retarder les poursuites judiciaires à son encontre, ou par son alliance avec l’extrême-droite pour assurer sa survie politique. Mais son maintien au pouvoir est aussi la conséquence de la difficulté de la classe politique israélienne de constituer jusqu’à présent une majorité politique alternative stable. Et surtout on ne voit sur quelle majorité, dans le paysage politique israélien, pourrait s’appuyer une autre politique vis-à-vis du peuple palestinien, permettant de s’acheminer vers une paix dans la justice. Faire de Nétanyahou le seul responsable du problème, c’est dédouaner la politique de l’État d’Israël.

Politique que continuent de soutenir les États-Unis, l’Union européenne, la France, jusque dans sa traduction génocidaire.

https://blogs.mediapart.fr/philippe-wannesson/blog/060424/gaza-ou-comment-rendre-le-genocide-acceptable