Lettre des militant-e-s syndicalistes libertaires
Catégorie : Local
Thèmes : Actions directesArchives
Lettre des militant-e-s
syndicalistes libertaires Septembre 2003
EDITO
Remise en cause du droit de grève :
organisons la riposte syndicale !
Le 25 juin 2003, 97 députés ont présenté un projet de loi (n° 974) constituant un nouveau pas, sans précédent, dans la mise en cause du droit de grève dans les services publics. En voici la teneur :
“La décision de faire usage du droit de grève par les personnels mentionnés à l’article L. 521-2 doit faire l’objet d’un vote à bulletin secret des salariés à la majorité. (…) »
“En cas de cessation concertée du travail des personnes mentionnées à l’article L. 521-2, un service minimal obligatoire assure la continuité du service public de telle sorte que le fonctionnement normal du service ne soit pas profondément altéré. »
Laisser passer ce projet sans riposte, c’est condamner le syndicalisme à l’impuissance, c’est nous enterrer, nous enfermer en tant que salarié-e-s dans les impasses cogestionnaires dont l’ultime résultat sera la liquidation de nos droits. Face à un patronat de combat, c’est un syndicalisme de lutte de classe qu’il faut reconstruire.
La riposte doit être à la hauteur. C’est pourquoi nous lançons l’idée de pétitions, à reprendre au niveau de nos syndicats. Le texte pourrait être le suivant :
« Le projet de loi visant à remettre en cause le droit de grève dans le secteur public, déposé le 25 juin 2003 par 97 députés à l’assemblée nationale, constitue une provocation envers les salarié-e-s et une remise en cause sans précédent et inacceptable du droit du grève. Nous, syndicats attaché-e-s au rôle historique du syndicalisme, celui de la défense des intérêts du salariat, appelons à la plus grande vigilance et à une riposte d’ampleur face à cette loi liberticide, dont le but n’est autre que de liquider toute pratique de lutte et de réduire le syndicalisme à une caricature domestiquée ». Qu’on se le dise !
Débattre, reconstruire, et lutter !
C’est une rentrée morose. La faible mobilisation du 10 septembre dans l’Education Nationale prouve que l’enthousiasme n’y est pas. Face au rouleau compresseur du couple “MEDEF – gouvernement Raffarin”, la résignation semble gagner du terrain. Mais cela ne signifie pas que le feu soit définitivement éteint, loin de là ! Les sujets de révolte et axes de lutte ne manquent pas.
D’abord, le dossier des retraites n’est pas clos, pas pour nous. Car une loi, cela peut s’abroger.
Ensuite, le drame caniculaire a mis en évidence les conséquences d’une politique de “maîtrise comptable” de notre système de santé.
Et puis…
– 800 000 chômeurs voient actuellement leur durée d’indemnisation réduite de plusieurs mois ;
– La “contre-réforme” est lancée contre la Sécurité Sociale : Mattéi a donné, le 2 septembre, le “coup d’envoi” de ce qu’il appelle “le processus de modernisation de notre assurance maladie”. On va retrouver des discours bien connus : le pouvoir qui “modernise” et la CFDT qui signe pour “sauver” le système !
– des vagues de licenciements se succèdent ;
– des attaques franches et directes se préparent contre le droit de grève (voir notre édito ci-contre),
– le gouvernement s’apprête à supprimer un jour férié ;
– Et puis, le MEDEF voudrait bien aboutir sur le dossier de la formation professionnelle, pour réduire ce qui reste des droits des salariés dans ce domaine…
Les principales confédérations adoptent quant à elles des discours critiques mais une attitude de grande prudence.
Dans ce contexte,il nous faut d’abord agir pour que perdurent les réseaux et les solidarités qui se sont créés lors de ce printemps. Les multiples “comités” et “collectifs”, symptômes des carences et insuffisances des structures confédérales traditionnelles, peuvent être des espaces constructifs, à condition qu’ils intègrent une perspective syndicaliste et ne dérivent pas vers une forme “d’antisyndicalisme primaire” en opposant des “collectifs d’individus” aux “syndicats” (sans distinguer syndicats de base et haute bureaucratie…)
Il nous faut également et absolument poursuivre les débats sur la (re)construction d’un syndicalisme de lutte, combatif, offensif sur la base de pratique démocratiques et surtout loin des actuels esprits de chapelles qui nous minent. Il faut en finir, dans nos organisations respectives, avec les tirades du genre “nous sommes les plus beaux, les vrais et les meilleurs”. Il est grand temps de comprendre, ENFIN, que des militant-e-s combatifs et combatives agissent dans quasiment toutes les organisations, que la division et l’émiettement du syndicalisme est suicidaire, qu’il faut “recomposer”, en partant des pratiques de la base, et en sachant qu’aucune organisation ne peut prétendre être LA cheville ouvrière de ce processus. Notre publication entend contribuer à lancer un vaste débat au sein du mouvement syndical, sans exclusive, et à son niveau, (voir notre rubrique “point de vue et débats).
L’organisation de rencontres entre multiples organisations, associations et collectifs, acteurs et animateurs des mouvements sociaux, est d’une impérieuse nécessité.
Ce pourra être le cas au sein du Forum Social Européen, ou lors du Forum Social Libertaire, ou encore lors d’autres rencontres, Assises, débats etc. à impulser au cours de cette année…
Jélif (militant de la CGT-FO)
Tirer les leçons de l’échec de juin
pour se donner les moyens de gagner
La reprise de la lutte syndicale sur le terrain de l’action directe qu’a caractérisé le mouvement d’avril-mai-juin sur les retraites et sur la décentralisation a été confronté à plusieurs obstacles : les efforts conjugués des différentes bureaucraties confédérales voire fédérales visant à empêcher toute extension du mouvement, l’incapacité dans de nombreuses régions de tisser à la base, entre syndicalistes et sections syndicales des liens interprofessionnels durables qui puissent être à la base d’initiatives et pallier la défaillance et la main-mise sur l’interpro de certaines UD, et enfin la difficulté, en l’absence de préparation syndicale suffisante, de faire basculer de large pans du salariat, notamment privé, dans la lutte.
Pour ce qui est de l’attitude des confédérations, elles ont tout fait pour éviter toute généralisation de la grève, conjuguant outre la trahison prévisible de la CFDT, le verbiage sans actes pour FO, dont le secrétaire général, Blondel, affirmait avec démagogie que la commission exécutive « recommandait la grève générale » après avoir appelé à la reprise dans le nettoyage à Marseille, ou alors que, majoritaire dans la chimie, aucun appel fédéral à la grève n’ait été produit, sans parler de l’absence de dynamique militante à la base ). La CGT adoptait une stratégie d’étalement des échéances de mobilisation, ce qui a conduit lentement à l’essoufflement du mouvement. Quant aux fédérations et syndicats autonomes, on aura noté la capitulation de la FSU, entérinant une remise en cause sans précédent du droit de grève, devant les pressions gouvernementales sur les épreuves du BAC, après avoir rechigner à étendre le mouvement, se contentant d’un opportuniste « appel à la grève partout où c’est possible ». Il faut rajouter le suivisme sans surprise de l’UNSA dans la stratégie de démobilisation. Enfin, en ce qui concerne les syndicats de luttes G10 et CNT, si leur positionnement a été beaucoup plus clair, ils se sont avérés bien incapables, par leur taille ou éventuellement leurs faiblesses structurelles, d’être moteurs et de sortir d’une position de suivisme, à part ponctuellement et localement dans les régions de forte implantation.
On peut expliquer cette volonté des bureaucraties des grandes confédérations et fédérations (CGT, FO, UNSA, FSU) d’empêcher à tout prix une grève générale par plusieurs facteurs :
– La gestion par la CGT des «fonds de pension éthique » qui représente une manne inespérée de financement des permanents et qui donne tout intérêt aux bureaucraties confédérales d’entériner la réforme. On soulève ici l’impasse de l’attitude cogestionnaire d’un type de syndicalisme qui n’est plus que l’ombre de lui-même.
– La volonté de la bureaucratie CGT de prendre la présidence de la C.E.S, ce en quoi elle avait besoin de l’appui de la CFDT et de l’UNSA, avec lesquelles elle ne pouvait assumer donc une rupture claire.
– L’absence de tout projet de rupture avec le système capitaliste : bien incapable de percevoir une quelconque perspective de changement social, les bureaucraties s’enferment dans la collaboration de classe. Il ne s’agit plus dès lors, hors de toute perspective anticapitaliste, d’arracher par la lutte au patronat une partie de ce qu’il nous vole, mais d’échanger des « avancées sociales » contre des régressions en termes d’acquis pour le salariat. Fini le rôle historique du syndicalisme : défendre les intérêts du salariat et rien que ceux-ci. Ce syndicalisme se préoccupe désormais, par déviation politicienne, de la bonne survie du capitalisme et du rapport d’exploitation. La question du partage des richesses était ainsi inexistante, sauf peut être dans le discours de FO, de SUD et de la CNT, et certains militant-e-s de bases ou représentants fédéraux de la CGT.
– L’impact d’une conception marxiste du syndicalisme : celle d’un syndicalisme qui n’a pas vocation à être autonome mais dont le rôle consiste exclusivement à créer un rapport de force dont les conséquences ne sauraient se traduire que par la victoire électorale d’un parti. Les réseaux des partis de gauche n’avaient aucun intérêt à une victoire syndicale, qui aurait signifiée leur inutilité. Les politiciens avaient tout intérêt à une défaite syndicale pour paraître comme la seule alternative : pas celle de la lutte des classes, mais celle de la délégation et du vote. Nul doute que nombre de militants syndicalistes de base affilié-e-s au PC ou au PS ne se retrouvaient pas dans cette perspective : mais le désarroi exprimé lors de nombreuses AG devant l’absence d’une alternative parlementaire a contribué à la faillite du mouvement : car c’est le syndicalisme, et de manière autonome, sans se soucier des simagrées politiciennes qui n’ont jamais apporté grand-chose au salariat, qui doit défendre les intérêts de ce dernier, par la lutte et le rapport de force. L’autonomie du mouvement syndical par la lutte, voilà un vieux principe anarcho-syndicaliste qu’il convient de réaffirmer, car la conception syndicale marxiste ne peut conduire qu’à la déviation des énergies de l’essentiel et du réel de la lutte syndical vers le virtuel de l’arène électorale.
Conscient-e-s de ces faiblesses, à nous de nous organiser pour briser la bureaucratie : en faisant circuler l’information, qui est le nerf de la guerre. En tissant des liens interprofessionnels. En faisant vivre les collectifs et assemblées interprofessionnelles de lutte dans la durée. En continuant le combat que nous avons entamé dans les syndicats contre la mainmise bureaucratique. En questionnant la cogestion qui liquide toute dynamique de lutte et toute défense des intérêts du salariat. En posant la question des permanents et leur rôle dans le développement et la permanence des bureaucraties. De reprendre l’offensive sur le terrain. Reconstruire un syndicalisme d’action directe, anti-bureaucratique, telles sont les conditions pour une victoire syndicale qui marquerait un coup d’arrêt à la démolition sociale du patronat et de l’Etat.
Sam (CNT Education 69 et 01)
Il est fini le temps des compromis !
Nous sommes face à des moments décisifs où notre responsabilité de syndicaliste est engagée : soit nous combattons un monde qui détruit chaque jour nos droits sociaux, qui tente d’imposer avec brutalité le pouvoir de quelques nantis, s’accaparant nos services publics, dans le seul souci d’en tirer un maximum de profit ; soit nous acceptons de nous compromettre avec ce projet, ignorant par là les dizaines de millions d’exclus et de précaires… Notre engagement à clairement montré notre choix : nous nous affichons pour un syndicalisme de lutte. Le temps de la compromission syndicale à montré ses limites. Elle ne fait que permettre au gouvernement et à son allié du Medef de justifier sa politique. Notre résistance s’appuie sur un principe simple : celui de la grève qui appartient aux grévistes , et c’est à eux-mêmes, dans des AG interpro. de mettre en place les moyens de lutte et non d’attendre les décisions des bureaucraties syndicales pour entrer en action. Les grandes organisations syndicales ont montré leur limite lors des mouvements de mai-juin en refusant de suivre les mots d’ordre lancés par la base. Ce syndicalisme de compromission, de corporatisme n’est pas le nôtre. Notre syndicalisme doit être porteur d’une stratégie politique de transformation de la société, élaborée en toute indépendance dans les luttes que nous menons, en prenant conscience des ravages du capitalisme. Ce slogan refusé par l’ensemble des grandes confédérations, si ce n’est l’Union Solidaires, fut celui de la grève générale interpro.
Un petit rappel : l’idée de grève générale est apparue dans les mouvements ouvriers parisien au début des années 1880, puis a été reprise par le syndicalisme anti-autoritaire des années 1890 et par les anarcho-syndicalistes au tournant du siècle après avoir tiré un constat d’échec avec la “propagande par le fait”. Impulsée par ces mêmes anarcho-syndicalistes, elle devient l’idée phare lors du congrès d’Amiens, en 1906, congrès qui devrait être une référence en matière syndicale. C’est l’apogée de cette idée, et dès 1906 elle entame un net déclin avec l’échec du mouvement pour les huit heures : pour les dirigeants de la CGT elle devient un mot d’ordre de moins en crédible. La grève générale interpro doit être le mode d’action qui peut permettre une transformation de la société en organisant les travailleurs à la base et de manière autonome .
Dans une conception syndicale qui reste celle de la défense d’acquis sans remise en cause de “l’environnement” économique et social, elle ne peut être exprimée par les grandes confédérations, cela reviendrait à remettre en cause toute leur conception du syndicalisme.
La grève générale a un caractère profondément révolutionnaire et son application doit répondre d’une longue réflexion : trop de slogans dans les manifestations en ont donné une image plutôt romantique ! On doit réapprendre le caractère révolutionnaire de son application : son opposition à l’Etat, aux classes dominantes. Bloquer une économie ce n’est plus pique-niquer sur des boulevards, mais enclencher un processus qui peut se montrer violent. Il y a une violence contenue dans les rapports de classe que la grève générale interpro peut faire exploser. Depuis quelques années on retrouve cette explosion lors de réactions locales à des licenciements brutaux et avec les menaces que les victimes de la politique du Medef font peser sur leur outil de travail, voire sur l’environnement.
Je ne crois pas qu’aujourd’hui le caractère révolutionnaire d’une grève générale puisse être un fait de masse et ce n’est pas la CGT, premier syndicat, qui nous porte à beaucoup espérer. En revanche, elle peut le devenir grâce aux relais de ces militants, qu’ils soient à l’intérieur de la CGT, de FO, de la FSU …ou de l’Union-Solidaires. Le travail risque d’être long et la grève générale révolutionnaire ne pourra se construire qu’au travers des luttes qui uniront, associeront les travailleurs dans la rue.
Elle doit se préparer au travers d’autres actions : présence sur le terrain, actions spectaculaires, actions directes, qui doivent être considérées comme une sorte de harcèlement social, de guérilla sociale.
Il ne nous faut laisser aucun répit au capitalisme. La grève générale ne peut être que l’arme qui achèvera le monstre déjà malade !
Eric (SUD Education)
Communiqué
Encore un syndicaliste devant les tribunaux
Nico, militant du groupe libertaire d’Ivry (Fédération anarchiste) et de la CNT, a été licencié par son employeur, la société Idex & Cie. Cette sanction a été prise dans la foulée du mouvement de défense des retraites. Elle prend pour prétexte un article publié dans le Monde libertaire («Climat pesant à la BNF», n°1321). Nico y exposait la situation qui était la sienne, technicien intérimaire puis embauché. Il y dénonçait, entre autre, le manque de personnel et l’ambiance délétère, cause d’un grand nombre de départs.
Ce licenciement est tout à fait abusif, parce que tant le Code du travail que la jurisprudence reconnaissent le droit d’expression des salariés. L’affaire sera jugée au tribunal des Prud’hommes le 16 septembre. Mais ce n’est pas tout. Dans un effort désespéré pour éviter la déroute devant la juridiction paritaire, Idex traîne notre compagnon devant le tribunal correctionnel, pour diffamation et injures publiques. Ne reculant devant rien, cette « société en commandite simple au capital de 800 000 euros » exige d’un ouvrier le paiement de sommes qui, cumulées, frisent les 10 000 euros, pour un préjudice imaginaire !
La vérité, c’est que ce patronat de combat ne supporte pas le vrai syndicalisme, ni qu’on expose au grand jour la façon dont il honore ses contrats commerciaux. La vérité, c’est que notre compagnon paie pour avoir défendu ses droits et ceux de tous les travailleurs.
Nous n’accepterons pas, nous ne pouvons accepter, qu’on nous ferme la gueule. Même si nous avons bon espoir de voir la société Idex totalement déboutée, devant les deux juridictions, nous appelons tous ceux qui ont à coeur la défense du monde ouvrier à protester vigoureusement, et à soutenir Nico. Celui qui s’en prend à l’un d’entre nous, c’est à nous tous qu’il doit avoir affaire !
Nous appelons à deux rassemblements :
Mardi 16 septembre, 10 heures, devant le Conseil des prud’hommes, 27 rue Louis-Blanc, M° Louis-Blanc, Paris 10e
Jeudi 18 septembre, devant le tribunal de Paris, 6, bld du Palais, Paris 1er, M° Cité, à partir de 13 h 30.
Groupe libertaire d’Ivry.
Le 10 septembre 2003.
Débats et points de vue
Chaque mois, la Lettre des militant-e-s syndicalistes libertaires offre un libre espace d’expression et de réflexion à ses lecteurs. Dans notre numéro de juin 2003, nous avions publié deux textes pour alimenter la discussion : une lettre ouverte du G10 “Un mouvement social porteur de débat pour le syndicalisme” et un article de Jélif (militant FO) exprimant un point de vue critique vis-à-vis des stratégies adoptées par la CGT et FO durant le mouvement de mai/juin 2003.
Ce mois-ci, nous reproduisons dans nos colonnes “l’appel” issu de la semaine de Forcalquier, organisée par l’Ecole Emancipée. N’hésitez pas à nous faire part de vos réflexions et à nous adresser vos contributions ! La Rédaction
Appel de l’Ecole Emancipée
Pour la poursuite et l’unité des luttes interprofessionnelles
Personnels enseignants, IATOSS, CO Psy, surveillantEs, emplois jeunes… actifs-ves, retraitéEs ou miSEs au chômage, dans les différents secteurs de l’Education, de la Recherche, de la Justice et de la Culture, des différents syndicats (FSU, SUD Education, CNT, CGT, UNSA, SGEN…) ou non syndiquéEs), nous avons été des acteurs-actrices, dans nos villes et nos différents départements, du plus important mouvement de grève depuis 68, contre la décentralisation, la précarité, les licenciements, pour la sauvegarde et l’amélioration des retraites, au côté des centaines de milliers de grévistes et de manifestantEs d’autres secteurs, tant du public que du privé, souvent au côté des intermittentEs du spectacle, comme des plus précaires. Nous avons continué la lutte pendant l’été, ne ratant aucune occasion (14 juillet, tour de France, festivals, rassemblements militants…) pour maintenir la mobilisation. Loin d’être fatiguéEs, ni vaincuEs, nous avons beaucoup appris et nous avons construit dans ce mouvement les outils pour poursuivre la lutte. Les reports et les replis tactiques du gouvernement ne font que retarder l’attaque globale contre tous les statuts. Nous considérons que rien n’est réglé, qu’il n’y a pas eu “d’acquis significatifs”. Bien au contraire, les positions acquises si chèrement par les luttes des travailleurs sont frontalement attaquées par ce gouvernement, ce Président de la République et cette assemblée à la solde du MEDEF issus des 19 % du 21 avril. Cette droite de combat, dans la droite ligne de Thatcher et Reagan, utilise, pour casser les travailleurs-ses et leurs luttes, les différents pouvoirs mais aussi les projets que la “gauche” plurielle, toute occupée à sa gestion du libéralisme, lui a abandonnés.
Notre objectif est de faire échec à l’offensive frontale, libérale et conservatrice qui entend casser les mobilisations et les forces sociales qui les portent. Il nous faut donc analyser pourquoi nous n’avons pas gagné alors que les grévistes ont, partout, fait tout ce qui était en leur pouvoir pour développer et populariser le mouvement avec le soutien de l’opinion qui ne s’est jamais démenti.
Les reports et aménagements mineurs du gouvernement attestent de sa fragilisation, qui est aggravée par les actions de cet été (et par le vote de la Corse, qui le met en difficulté sur la décentralisation). L’heure est donc à la poursuite, à l’extension et au durcissement de la mobilisation interprofessionnelle, pour gagner cette fois :
Nous défendons l’objectif de ne pas assurer la rentrée : il est plus facile de continuer la mobilisation que d’avoir à la reprendre plus tard. De même, il est plus facile de ne pas prendre des élèves avant d’être fixéE sur les conditions objectives de leur accueil : transfert de TOS, effectifs et conditions de travail, encadrement en adultes lié au maintien du statut des étudiantEs surveillantEs et au refus de celui d’assistantEs d’éducation, ainsi qu’à la titularisation sans conditions des emplois jeunes, des vacataires, des contractuelLEs et des auxiliaires, enseignantEs ou non.…
Nous proposons de conserver les structures et les réseaux mis en place lors du mouvement, de les construire là où ils n’existent pas encore, en privilégiant l’interprofessionnel, en améliorant leur fonctionnement démocratique et en imposant leur représentativité. Ainsi nous n’aurons pas tout à reconstruire à la reprise de la mobilisation.
Nous insistons sur la nécessité d’articuler mouvement syndical et organisation autonome des luttes.
Dans l’épreuve de force engagée contre les projets de la droite revancharde, et pour une alternative sociale, le mouvement syndical a une responsabilité historique et joue sa crédibilité et sa survie. A commencer par les directions syndicales nationales les plus “représentatives” qui ont pris des risques exorbitants : elles n’ont donné aucun signal pour la généralisation de la grève, comme le mouvement le leur demandait aux moments où la mobilisation était la plus forte. Au contraire, elles ont souvent, par leurs annonces, discours, pressions dans les AG, joué un rôle de frein. Elles ont tenté d’ignorer ou de contourner les formes d’organisation que se sont données les grévistes. Elles ont fondé l’unité sur le plus petit dénominateur commun et exclu SUD-Education et la CNT des réunions intersyndicales nationales…
Les directions syndicales doivent enfin rompre avec ces pratiques inacceptables qui jouent contre les luttes. Mais cela ne suffira pas pour gagner, si nous n’apportons pas des réponses aux difficultés structurelles du syndicalisme :
L’éparpillement du syndicalisme pose le problème du retour à l’unité organique du mouvement syndical, qui n’a rien à voir avec le syndicat unique de type totalitaire. C’est au contraire l’unité des travailleurs dans une même structure, avec l’organisation du pluralisme et de la démocratie dans le syndicat et donc la reconnaissance du droit de tendance.
La faiblesse du syndicalisme tient aussi à sa difficulté d’implantation dans le privé, ce qui nous conduit à proposer la mise en place de comités permanents d’unité dans les quartiers, regroupant des travailleurs-ses, syndiquéEs, non syndiquéEs, du public, comme du privé.
L’affaiblissement du syndicalisme, lié à son organisation pyramidale et hiérarchique autant qu’à celle de son manque d’indépendance par rapport au politique et qu’aux positions réformistes qu’il défend, doit conduire à cesser d’abandonner le syndicalisme aux bureaucraties. Il faut rejoindre les syndicats, s’impliquer davantage dans leur instances pour contrôler leur fonctionnement démocratique, proposer une orientation de transformation sociale et veiller à ce qu’ils jouent tout leur rôle de défense des travailleurs-ses :
– organiser et soutenir les plus fragiles,
– retrouver un rôle de formation syndicale des personnels,
– favoriser la circulation de l’information tant au plan géographique qu’interprofessionnel,
– construire l’action à partir des secteurs les plus mobilisés,
– favoriser l’auto-organisation des luttes (Assemblées Générales de grévistes souveraines, comités de grève et/ou coordinations à tous les niveaux…)
Appel à l’initiative des participantEs à la Semaine
de l’Ecole Emancipée, juillet 2003, à Forcalquier
Comments
Les commentaires sont modérés a priori.Leave a Comment