À Nantes, la gauche est particulièrement présente, avec des groupes, des locaux, des associations, et une culture généralement partagée. Cette contribution est applicable à Nantes, mais elle est aussi transposable partout en France. Elle vaut principalement pour les soirs des élections des législatives anticipées prochaines (30 juin et 7 juillet 2024). Avant de faire état de quelques idées, une remise en perspective s’impose.

Nouvelles tactiques de l’extrême droite : les violents sont les antifa, et stratégie de la victimisation

Cette contribution est utile pour proposer un cadre permettant de faire face à la mutation de la stratégique de l’extrême droite extra-parlementaire aujourd’hui. Une grande partie de ces groupes les plus radicaux (les moins teubé) sait qu’il est dangereux de s’exposer trop tôt et de donner le bâton pour se faire battre, alors que certains subissent depuis récemment la dissolution de leur groupe ou certaines inculpations dans un relatif sursaut du système pénal à leur égard. De plus, les plus modérés en façade savent jouer d’une stratégie de victimisation face à la figure violente de l’antifa construite depuis plusieurs années.

Quelques illustrations nantaises récentes : – en 2022, des militants de Zemmour collaient pendant la campagne des présidentielles, et se sont fait attaquer par des militants antifa les ayant remarqué. Au final, ça a abouti à la condamnation pénale de militants antifa, et nourri médiatiquement cette image de l’antifa violent, les militants zemmouristes ayant l’avantage de ne pas avoir été à l’initiative de l’action violente. – en 2023, des militants de l’UNI tenaient une table sur le campus du Tertre pour des élections étudiantes, dans le contexte de la lutte contre la réforme des retraites. Des personnes masquées ont alors perturbé cette table, et détruit/volé une partie du matériel de l’UNI. En conséquence, on a eu l’UNI qui a fait sa victime dans tous les médias qu’ils ont contactés/qui les ont approchés, avec une communication en face qui ne pouvait convaincre que les déjà convaincus, et sans que le public ne puisse s’identifier avec les personnes masquées.

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Cette mutation n’est pas hégémonique : certains militants d’extrême droite radicale s’inscrivent dans d’autres dynamiques servant d’autres stratégies tandis que d’autres… sont simplement trop teubés et se tirent une balle dans le pied. Ces propositions sont particulièrement valables dans le cas où ceux d’en face font mine de jugeote, mais elles ne sont pas inintéressantes dans un contexte de lutte frontale contre l’extrême droite.

Quand ?

On l’a vu : les victoires politiques et l’ambiance fascisante motivent ces troupes. Malgré la faible présence de ces groupes à Nantes, on observe une progressive implantation ces derniers temps. De plus, certains loups solitaires pourraient émerger et laisser aller leur colère de manière désorganisée et imprévue.

L’attention doit être particulièrement portée aux soirs des élections, après la communication des estimations de résultats. Ainsi, dès 20h et pendant quelques heures, c’est là que le risque sera le plus fort de sortie de ces militants. Peu probable mais néanmoins : il peut être utile de prévoir une vigilance antifasciste les jours suivants, si des renseignements confirmés sur une présence de fachos justifient une telle présence. À défaut de tels renseignements, ne pas se fatiguer inutilement est une bonne option, pour garder de l’énergie aux moments qu’il faut.

Tactique de vigilance antifasciste : défense des cibles de l’extrême droite radicale, et quelles cibles

Il ne s’agit pas d’attaquer, mais de se défendre. Publiquement, il s’agit de montrer ce qu’attaque l’extrême droite sur la base de précédents, et non pas de faire état de combats entre milices opposées. Nos adversaires les plus malins n’attendent que ça de se faire traquer dans les rues et de ne faire que répondre à une agression : une fois le premier coup donné, ils pourront se lâcher tout en prétextant dans les médias qu’ils ne faisaient que se défendre, alimentant la figure de l’antifa violent et dangereux. La force contre le désordre, c’est une image de fond qui irrigue notre société très profondément ces derniers temps. Il s’agit de renverser cette image.

Pour appliquer cette tactique, il suffit de voir quelles sont les cibles habituelles de ces groupes : les locaux de gauche ou présumés comme tels. À Nantes, plusieurs locaux associatifs rue Fouré ont régulièrement été touchés ces dernières années : Cimade, Nosig par exemple. De même pour des bars dans le centre : Hopopop par exemple. Il y aurait sûrement tout un inventaire à faire, mais ces cibles ont déjà été attaquées par le passé.

Être présent aux abords de ces endroits offre un triple intérêt :

  • être là où ils risquent le plus d’attaquer,
  • défendre les bastions où nous faisons avancer nos causes,
  • et soutenir ces acteurs face à la peur de l’agression.

Modalités de mise en œuvre : légitime défense, …

PARTIE LA PLUS IMPORTANTE, car il ne s’agirait pas de reproduire des erreurs contre notre camp, mais que ce soit le leur qui les commettent, et discréditent de fil en aiguille tous leurs alliés. Dans cette optique de renversement, il y a deux outils que nous pouvons utiliser, qui sont bien trop peu exploités par notre camp : la légitime défense et l’interpellation citoyenne.

La légitime défense est un cas d’exonération de la responsabilité pénale. Ainsi, ce cas permet de commettre une infraction pour faire cesser/prévenir la commission d’une infraction par une personne, et d’échapper à la mise en jeu de la responsabilité pénale pour la première. Voici l’article 122-5 du code pénal décrivant ce cas :

« N’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte.

N’est pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre l’exécution d’un crime ou d’un délit contre un bien, accomplit un acte de défense, autre qu’un homicide volontaire, lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la gravité de l’infraction. »

Ce qu’on doit particulièrement retenir pour entrer dans ce cas, c’est :

  • la stricte proportionnalité de la riposte par rapport à l’acte initial pour faire cesser l’atteinte injustifiée contre une personne ou un bien
  • l’immédiateté, l’actualité de la riposte. Ce qui permet de différencier la vengeance, de la défense
  • la nécessité de la riposte.

Il y a aussi le cas de légitime défense putative, qui permet une riposte en cas d’agression vraisemblable.

Attention : ce n’est pas parce qu’on agit conformément à ces critères qu’on ne risque pas d’être arrêté et d’être confronté à la police. L’infraction pour riposter a bien été commise. Mais si les critères sont remplis et que les preuves de la légitime défense sont établies, alors la responsabilité pénale des auteurs de la riposte ne pourra pas être retenue par le juge.

Enfin, l’interpellation citoyenne suppose une collaboration active avec la police, ce que nous refusons, à raison. Mais il paraît utile de la mentionner pour information : https://consultation.avocat.fr/blog/antoine-le-gentil/article-40994-un-simple-citoyen-peut-il-intervenir-lors-de-la-commission-d-une-infraction-pour-en-interpeller-l-auteur.html . À défaut de l’exploiter dans nos pratiques, il s’agit de savoir qu’elle existe, car c’est une pratique que l’adversaire pourrait être capable d’exploiter.

… puissance collective,

Cette mise au point sur la confrontation physique étant faite, il ne faut pas laisser de côté ce qu’implique aussi la vigilance antifasciste. De plus, la lutte nous a appris que la complémentarité des moyens de lutte peut être utile en fonction de nos stratégies, du contexte et des positions personnelles des militants. Il y a donc besoin d’avoir différents types de profils présents dans ces moments de vigilance, car les tâches à mener sont diverses : documentation sur les fascistes et leur présence, plaidoyer, résistance physique, dépôt de plaintes, etc.

… et légitimité à résister

Ces modalités permettent possiblement d’élargir le champ des personnes pouvant faire preuve de vigilance antifasciste de rue, mais en même temps en éloigner du fait de la peur générée, qu’elle soit due à l’agression physique, au risque de fichage par la police ou à celui effectué par l’extrême droite. Concernant le fichage, toutes les pratiques de sécurité et de formation juridique sont à considérer. Mais s’y enfermer ou surinvestir ce champ peut éloigner des personnes de la lutte. Les modalités ainsi présentées permettent de rappeler une chose : il est possible de résister de manière légale. Enfin, l’investissement personnel public suppose toujours une forme d’affichage, et donc un risque de recueil d’informations par les pouvoirs policiers. Il faut toujours considérer des priorités dans ce qu’il faut éviter le plus : la judiciarisation des situations est celle qui nous impacte le plus, plutôt que le fichage en lui-même.

Pour terminer, et car c’est important d’en être assuré : nous avons le soutien d’une grande majorité silencieuse. Nous sommes légitimes à résister au regard des enjeux démocratiques et de l’histoire de notre camp et du pays, et d’autant plus légitimes quand nous le faisons dans les formes que la bourgeoisie a inscrites dans les lois, n’en déplaise aux politiciens et autres éditorialistes.