LES PROCES

Le premier condamné a été le policier fédéral Julio Simon, alias le Turc Julian. Le deuxième, le commissaire de la province de Buenos Aires Miguel Osvaldo Etchecolatz. Lors des prochains procès, qui commenceront en février ou mars, il n’y aura toujours pas de militaires sur le banc des accusés. Il est difficile de croire que cela soit dû au hasard.

A La Plata, sera jugé le prêtre catholique apostolique romain Christian von Wernich, chapelain de la police de la province de Buenos Aires, impliqué dans la torture et le meurtre de personnes détenues-disparues. Dans la Capitale, les policiers fédéraux Juan Carlos Lapuyole, Carlos Enrique Gallone et Miguel Angel Trimarchi, directeur des services de renseignements et chefs de deux des Brigades de la SS Fédérale, responsables directs du massacre de Fatima, le meurtre en juillet 1976 de 30 personnes qui, dans les environs de Pilar, ont été exécutées et ensuite dynamitées. En revanche continuent d’attendre les inculpations du Corps I de l’Armée et de l’ESMA (Ecole de Mécanique de la Marine, le plus important centre clandestin de détention), bloquées dans le pervers entonnoir de la Chambre de Cassation Pénale. Dans ce tribunal (endroit peuplé d’épouvantails, selon les dires de Arslanian (actuel ministre de Sécurité de la province de Buenos Aires) fait il y a quinze ans lors de sa démission comme ministre de Justice de Menem), les inculpations dorment pendant des années, en attente de l’expiration de tous les délais sans jugement pour libérer les imculpés. Un des recours qui y est toujours sans résolution se rapporte à la constitutionnalité des grâces (« indultos »). Tans que la Cassation ne se prononce pas, le sujet ne peut pas être discuté par la Cour Suprême de Justice. Un autre concerne la constitutionnalité de la loi d’annulation du Point Final et de l’Obéissance Dûe. La La Cour Suprême l’a déjà résolu dans le dossier Poblete, de manière à ce qu’une opinion différente est impossible, raison pour laquelle ce retard manque de justification.

Dans tout le pays il y a une centaine d’inculpations ouvertes. En plus de Simon et Etchecolatz, trois employés de l’Armée ont été condamnés, pour appropriation d’enfants de personnes détenues-disparues, un délit qui n’a pas été pardonné par les lois d’impunité. 254 militaires, policiers, agents pénitentiaires et agents civils sont détenus, desquels 70 le sont chez eux. Cent autres sont morts sans arriver au procès. Il y en a 44 qui se sont enfuis pour échapper à la condamnation et 44 autres sont sortis de prison, la majorité parce que tout délai raisonnable d’incarcération préventive sans jugement a expiré. A aussi été accordé le manque de mérite a été ou la liberté provisoire à 45 inculpés, pour lesquels continuent les investigations. Dix ont fait l’objet d’investigations et on ne connaît toujours pas la décision judiciaire sur leur situation, six ont été acquités et cinq déclarés incapables, parmi eux l’ex-amiral Emilio Massera, qui a survécu à un accident cérébro-vasculaire mais sans capacité d’affronter un procès.

Cette semaine la Chambre Fédérale de la Capitale a prorogé la prison préventive du Turc Julian, en inculpation pour deux centaines de séquestrations et de tortures. Simon a été condamné à 25 ans en août 2006 pour la séquestration, la torture et le meurtre de Jose Poblete et de Gertrudis Hlaczik, dont la fille Claudia Victoria a été remise à un colonel de l’Armée qui l’a inscrite comme la sienne. Mais Simon a seulement été un des responsables et les Poblete à peine deux de ses victimes, dans les centres clandestins de concentration d’Olimpo, de Banco et Atletico, où des centaines de séquestrés ont été martyrisées par des dizaines de répresseurs. Les mêmes témoins qui ont déclaré l’année dernière seront de nouveau convoqués. Cela montre l’importance de regrouper les dossiers par camp de concentration. Une des formes de protéger les témoins est d’organiser les dossiers de manière plus rationnelle, pour accélérer les procédés et empêcher que les mêmes personnes doivent répéter plusieurs fois leur histoire traumatique et s’exposer aux risques de représailles.

Horacio Verbitsky, Pagina/12 (Argentine), 07 janvier 2007. Traduction : Fab, santelmo@no-log.org

Voir aussi : Argentine : « Terreur » en faveur de l’impunité, http://www.hns-info.net/article.php3 ?id_article=10113