Le journal de Kigali, le New Times, a réussi à se procurer un exemplaire de la lettre de Deus Kagiraneza au juge Bruguière et en révèle l’essentiel du contenu. Il décrit le rapport de 64 pages de Bruguière comme un tissu d’allégations bricolées visant à exonérer « les planificateurs du Génocide de 1994 et de dissimuler le rôle de la France dans le Génocide des Tutsis. »

Ex député du parlement de transition et aujourd’hui en exil volontaire en Belgique, Deus Kagiraneza a pris ses distances mardi dernier avec le rapport qu’il qualifie de bricolage mêlant on-dit et informations de sources manipulées.

« Votre rapport est faux et manque de rigueur au niveau de l’analyse. Toutes vos allégations se fondent sur des on-dit, des suppositions ainsi que sur des sources manipulées dont la crédibilité ne convaincrait pas même un enfant » dit Deus Kagiraneza
dans une lettre de 8 pages adressée à Bruguière, datée du 19 décembre.

Deus Kagiraneza est le deuxième témoin en moins de trois semaines qui vient nier tout poids aux accusations portées en novembre par le magistrat français et qui ont gravement tendu les relations entre Paris et Kigali.

« Dans tous les cas la France, qui refuse encore et toujours de reconnaître sa responsabilité dans le Génocide, est mal placée pour juger des actions relatives aux événements qui ont précédé le Génocide de 1994, surtout en se cachant derrière une soi-disant indépendance de la justice. Personne ne peut être juge de son « propre » cas ou affaire, » dit Deus Kagiraneza.

Il ajoute : « En plus du soutien apporté au régime génocidaire, la France est intervenue militairement dans la guerre et a occupé une partie du sud-ouest du Rwanda quand l’APR (armée patriotique rwandaise) alors branche armée du FPR gagnait du terrain sur les tueurs.

Les territoires occupés par les forces françaises étaient utilisée par les ex RAF (forces armées rwandaises) et les milices interhamwe ( les groupes qui ont largement perpétrés les massacres) pour chercher refuge dans l’ex-Zaïre (aujourd’hui République Démocratique du Congo) où ils continuent à échapper à la justice, » ajoute t-il.

Deus Kagiraneza affirme que Bruguière agit comme outil politique de la France et ajoute cinglant que la France ne lâche pas ses « intentions de déstabiliser la région de Grands Lacs ».

« Outre les manquements, l’arrogance et le cynisme qui apparaissent sur chaque page de votre arrêt, votre rapport contient des erreurs d’appréciation scandaleuses et des abus de procédures. Votre démarche est corrompue par le fait que vous agissez dans le sillage de politiciens français accablés par la disgrâce d’avoir délibérément soutenu et mis en oeuvre une politique d’extermination ethnique au Rwanda en 1994.

Vraiment, il n’est plus besoin de prouver que la France a entraîné et armé les milices interhamwe pour perpétrer le Génocide des Tutsis » stipule la lettre dont le New Times a obtenu une copie.

Il ajoute dans sa lettre : « Je souhaite, dans l’intérêt de la justice internationale, prendre mes distance avec vos actions motivées politiquement n’ayant le service de la justice que comme prétexte. »

Un peu plus tôt ce mois-ci un autre témoin avait pris ses distances avec les déclarations lui ayant été attribuées dans le rapport Bruguière, les qualifiant de mensonges.

Deus Kagiraneza conteste également la crédibilité de plusieurs autres témoins cités par Bruguière, soulignant qu’ils sont soit recherchés pour crimes de génocide, soit condamnés pour crimes de génocide, soit révisionnistes ou ayant fuit le Rwanda après avoir commis d’autres crimes.

D’après James Munyaneza The New Times Kigali 23 décembre 2006 traduit par Amilcar.