Les vertus de la salade verte.

Opposer économie et écologie est une aberration. Et laisser certains économistes en chronique s’arroger quelque sentiment de supériorité quant à la marche du monde est un risque majeur pour l’humanité. Si l’on s’en tenait à cette première opposition, on pourrait paraphraser Eric Le Boucher et retourner facilement sa formule : « le réchauffement climatique est un problème trop sérieux pour être laissé… » aux économistes. Mais nous ne le ferons pas parce que nous ne sommes pas stupides. Economie et écologie sont intimement liées et de même niveau; l’économie comme ensemble des relations des hommes entre eux et l’écologie (dans son acception anthropique) comme ensemble des rapports de l’homme avec son milieu. Et, ne lui en déplaise, l’économie n’est pas seulement cette belle invention éthérée et supérieure dont l’homme s’enorgueillit, elle est aussi exploitation triviale des ressources de la terre; elle émerge de la boue et de la moiteur des forêts tropicales. L’économie ne peut donc pas faire l’impasse sur son rapport au milieu, à la terre, dont elle tire une part non négligeable de ses ressources, donc de l’approche écologique.

M. Le Boucher semble avoir eu la révélation de sa vie sur le réchauffement climatique en lisant le rapport de « l’économiste de renom, Nick Stern ». Toutes les voies sont bonnes et le rapport de M.Stern est sans aucun doute exemplaire. Néanmoins cette révélation montre, s’il est besoin, que certains économistes de la pensée unique et dominante n’écoutent qu’eux mêmes, ne comprennent que leurs propres discours, aveugles et sourds à ce qui ne vient pas d’eux. Pourtant, s’agissant d’approche globale et intelligente de la situation du monde, l’écologie n’a rien à envier à ce genre d’économie. Avec l’idée et le projet « Penser globalement, agir localement », l’écologie a posé assez tôt les bases de la pensée globale et cette idée fonde encore, et plus que jamais, la vision d’une autre économie prônée par l’altermondialisme aujourd’hui.
Aussi, l’attitude de M. Le Boucher visant à rétrécir le champ et la portée de l’écologie au débat franco-français de l’avant campagne présidentielle, et à l’opposer à la belle économie qui voit loin et grand, est-elle pure démagogie et pure tromperie.
La bonne marche du monde appelle un changement radical de point de vue, auquel ne contribue pas une telle chronique à la fois légère, prétentieuse et inepte.

Et ce point de vue nouveau, c’est celui de la salade verte justement.
Lorsque M. Le Boucher, dans sa métaphore de l’écologie, nous demande d’arrêter la salade verte, il nous demande ni plus ni moins de faire taire, d’étouffer une parole qu’il ne souhaite pas entendre, ou bien entendre déformée par la seule voix de l’économie qu’il défend. Or, si l’on file la métaphore, la salade verte, dans sa réalité végétale, peut nous éclairer dans ce débat de l’économie et de l’écologie. La salade verte est une petite plante que l’homme fait pousser pour se nourrir. Extrêmement simple à cultiver, elle n’en est pas moins essentielle à l’équilibre nutritionnel de l’être humain, pour lutter contre l’obésité (d’une économie de boulimie par exemple).
Et en matière de salade verte, il y a deux types d’hommes, qui correspondent à deux visions du monde.
Tout d’abord ceux qui opposent économie et écologie et qui n’auront de cesse de gonfler la croissance à coup de salades produites par toujours plus de technoscience et par une agro-industrie chimique très rentable. Et ceux-là même n’hésiteront pas à piétiner cette salade, à la faire taire, lorsqu’elle nous livrera de précieux indices sur le passage d’un nuage radioactif au-dessus de la France.
Et puis, il y a ceux qui n’opposent pas économie et écologie et qui, en matière de salade, pensent le monde en la cultivant avec attention et en la regardant pousser, sans technoscience et sans nucléaire. Ceux-là pensent, qu’outre ses vertus nutritives, la salade verte a aussi des vertus spirituelles.