1 mort / 139 licenciements – A l’usine Yara de Montoir, la mobilisation continue !
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Catégorie : Local
Thèmes : EcologieengraisLuttes salarialesSantésevesoYara
Lieux : Montoir-de-bretagneSaint-Nazaire
COMMUNIQUÉ DU COMITÉ LOCAL DES SOULÈVEMENTS SUITE À L’ACTUALITÉ AUTOUR DE L’USINE YARA DE MONTOIR
L’actualité est brûlante : en quelques jours nous apprenons qu’un intérimaire intervenant sur le site de Yara est décédé a priori suite à des inhalations d’ammoniac, que l’usine Yara fermait sa production et licenciait dans le même temps 139 personnes. Le site de Montoir deviendrait une plateforme logistique pour les engrais azotés et NPK.
Depuis plusieurs mois nous dénonçons avec une dizaines d’associations locales le choix de la part des dirigeants de Yara de risquer la vie de salariées et des habitant.es alentours.
Depuis plus de 10 ans l’entreprise refuse de donner suite aux manquements de sécurités et de pollution de ses installation.
Les conséquences sont aujourd’hui tragiques. Alors que le site de la multinationale accumulait les incidents et que les préconisations des rapports d’inspection étaient rarement suivis et débouchaient sur des mises en demeure puis des amendes, nous pointons la pleine responsabilité de Yara dans ce décès inacceptable. Le parquet doit se saisir de cette affaire.
Dans le même temps, comme pour cacher la nouvelle, les dirigeants ont décidé de licencier froidement 139 personnes sur les 171. Ce licenciement est un mépris scandaleux fait aux salariées. Pire, la dénomination “licenciement économique” est un mensonge alors que la multinationale a choisi de se désinvestir de l’usine et n’a jamais fait autant de bénéfices et les a même multiplié par 7 entre 2021 et 2022. Les calculs des dirigeants de Yara doivent plus que jamais nous alerter sur les pratiques de l’agro-industrie qui considère ses salarié.es uniquement comme des variables d’ajustement de leurs activités.
Cette décision de fermer l’usine arrive alors que la mobilisation contre la multinationale grandissait. Les dirigeants auraient-ils eu peur de la mauvaise presse qu’on leur donnerait ? Nous ne sommes pas dupes de cette pirouette qui permettrait de renforcer sa légitimité et ses activités sur l’estuaire et ailleurs pour ne surtout pas questionner le modèle qu’elle défend.
Yara leader des engrais de synthèse représente tout un modèle économique et ici agricole dont nous ne voulons plus. C’est contre ce modèle que nous nous battons, et ce, en nous plaçant aux côtés des salarié.es de l’usine, des paysan.es partout dans le monde et de toutes celles et ceux que ce monde exploite.
Ainsi, au comité des Soulèvements de la Terre St Nazaire- estuaire nous appelons les habitant.es, associations et collectifs à dénoncer avec nous les pratiques voyous du leader des engrais de synthèse et à reprendre la lutte de plus belle contre ses activités nocives sur l’estuaire et dans nos espaces ruraux !
Par elle, mettons à mal tout le système de l’agro-industrie qui en dépend.
Plus que jamais organisons-nous contre les forces destructrices de nos liens sociaux et de nos milieux de vie sur l’estuaire et ailleurs et affirmons la paysannerie comme réponse politique
aux désordre qu’elles engendrent
YARA NI ICI, NI AILLEURS !
Entre Donges et Saint-Nazaire, la rive nord de l’estuaire de la Loire est une vaste zone industrialo-portuaire qui compte 9 sites Seveso. Parmi ceux-ci, l’usine Yara inquiète particulièrement les populations riveraines par ses infractions répétées en matière de pollution et de sécurité, mais elle bénéficie d’une véritable impunité de la part des autorités.
Yara, à Montoir, produit des engrais industriels, les ammonitrates, sur un site de plus en plus vétuste. Elle est régulièrement épinglée depuis vingt ans par les services d’inspection de la préfecture pour ses rejets dans l’eau (azote et phosphore) comme dans l’air (particules fines), ses fuites d’acide sulfurique (encore 13 t en juillet dernier) et ses carences en matière de sécurité.
Cette usine appartient au groupe chimique norvégien Yara international SA, multinationale majeure de l’agro-industrie mondiale. Son chiffre d’affaires se calcule en dizaines de milliards d’euros, pour un bénéfice de 2,7 milliards en 2022. Depuis sa création en 2004 par l’autonomisation de la branche engrais du groupe Norsk Hydro, le groupe Yara s’est développé sur les 5 continents. Il est impliqué dans de multiples affaires de corruption en Libye, en Inde et en Russie, et accusé depuis 2021 d’être un soutien actif de la dictature biélorusse. La firme s’agite beaucoup auprès des instances européennes : 12 millions d’euros dépensés entre 2010 et 2019 en lobbying, pour éviter toute régulation contraignante de son impact environnemental.
Pourtant, à Montoir, l’industriel refuse l’investissement de quelques dizaines de millions d’euros pour mettre en conformité ses rejets d’eaux industrielles et pluviales, installer un système de filtration des particules fines, protéger des risques d’incendie sa salle de contrôle de sécurité. L’usine a été placée en « vigilance renforcée » par l’Etat en 2021, et elle a subi des astreintes financières pour défaut de mise en conformité. Mais il est plus rentable pour les actionnaires de prendre des amendes de quelques centaines de milliers d’euros par an, qui pour la plupart ne sont pas payées.
Cynisme du capitalisme, qui dans son calcul bénéfice-risques préfère détruire l’environnement et mettre en péril la santé de ses salariés et des riverains, plutôt que de respecter les normes en vigueur.
Complaisance des autorités administratives et politiques, qui cèdent dans le rapport de force du chantage à l’emploi et de la récession économique, et soutiennent de fait une agriculture industrielle destructrice sous prétexte de nourrir la planète.
Poids de l’économie, qui fait que Yara bénéficie du soutien de tous les lobbies agro-industriels, au premier rang desquels la FNSEA, mais également le Grand Port autonome Nantes-Saint-Nazaire. Et par effet de conséquence d’une partie des syndicats de l’industrie et du port, qui considèrent toujours que leurs intérêts sont les mêmes que ceux de leurs patrons, tout en se revendiquant pour certains de la lutte des classes !
Les 1200 t de nitrate d’ammonium produites par jour par Yara Montoir, et stockées jusqu’à concurrence de 112 000 t sur le site, sont une véritable bombe à retardement. « Seules » 400 t de ce produit ont suffi pour la catastrophe d’AZF Toulouse en 2001 (30 morts, 2 000 blessés), et moins de 3 000 t sont à l’origine de celle de Beyrouth en 2020 (plus de 200 morts et une ville ravagée). L’usine se trouve entre la raffinerie Total-énergie et le terminal méthanier d’Engie, les conséquences de l’effet domino seraient incommensurables.
Cette situation date de plusieurs années, et déjà en octobre 2022 des associations de riverains avaient organisé un rassemblement pour la dénoncer, exiger une action des services de l’État et des réactions des collectivités locales… Mais depuis, rien ! Aujourd’hui, un collectif d’associations mène une campagne pour la suspension administrative de cette usine jusqu’à sa mise aux normes. En un mois, conférence de presse, pétition, réunions publiques, ciné-débat et manifestation ont permis de percer la chape de plomb médiatique et de faire connaître au niveau national un problème largement ignoré de la population locale. La manifestation à Saint-Nazaire a regroupé 400 à 500 personnes, le 14 octobre ; la pétition a recueilli à ce jour près de 2 000 signatures, et la prochaine échéance sera sa remise aux autorités, mais il faut accentuer le rapport de force pour espérer gagner.
Le 11 juin 2023, c’est à Saint-Colomban, au sud de Nantes, que la population manifestait contre l’extension de carrières de sableau profit du lobby du béton et des maraîchers. Le 14 octobre, une autre manifestation en Loire-Atlantique s’attaquait à l’agriculture productiviste en contestant le projet d’un méthaniseur dit XXL à Corcoué-sur-Logne. Le 18 octobre, à Saint-Nazaire encore, la communauté de communes organisait une réunion sur la santé dans l’agglomération qui établissait que la surmortalité par cancer chez les hommes de moins de 65 ans avait encore progressé par rapport à 2019 [1].
En Bretagne, la plate-forme d’information Splann, spécialisée dans les questions agro-industrielles [2], a montré dans son enquête « Bretagne bol d’air à l’ammoniac »comment le groupe d’engrais Roullier (concurrent français de Yara) empoisonne l’atmosphère de Saint-Malo – où, bizarrement, on rencontre également des taux de surmortalité par cancer. Le 21 octobre, c’est la plate-forme d’investigation de Radio-France qui révélait comment à Gabès, en Tunisie, ce même groupe Roullier (47e fortune française en 2023) gros consommateur de phosphate est à l’origine d’une pollution de la côte et de l’intoxication de la population [3]…
Ces quelques faits montrent à quel point les questions soulevées par le collectif d’associations nazairiennes dans sa lutte contre Yara dépasse largement une lutte locale. Le rapport de force contre le modèle de développement capitaliste mortifère doit s’intensifier en se politisant.
Pour l’heure, la lutte des associations est fondamentalement réformiste : elles demandent à l’Etat de prendre ses responsabilités et d’assurer la protection des populations. Dans les sphères militantes, personne n’est dupe et nul n’ignore que l’Etat ne le fera pas, hormis quelques militants de gauche (Verts, LFI) qui continuent de prétendre que, si on leur confiait la gestion des affaires, il en irait autrement. La prochaine étape devra donc franchir un pas en termes de politisation, et affirmer sans relâche que l’on foncera dans le mur tant que l’on ne prendra pas nos affaires en main. Communisme ou cataclysme, en quelque sorte.
OCL Saint-Nazaire
24 octobre 2023
Notes
1) Sur ces différents points, voir votre collection de Courant alternatif : Méthanisation et Corcoué-sur-Loire, CA 317, février 2022 ; Sablière et Saint-Colomban, CA 312, été 2021 ; Cancers à Saint-Nazaire, CA 304, novembre 2020.
2) Splann est entre autres connu pour avoir accompagné la sortie du film Les Algues vertes, dont la protagoniste, Inès Léraud, est membre fondatrice de l’association. Voir, sur splann.org, « Bretagne : bol d’air à l’ammoniac ».
3) « Derrière les engrais en France, une ville sacrifiée en Tunisie », par Elodie Gueguen.
P.-S.
Contact de la campagne pour la suspension administrative de l’usine Yara : http://www.aedzrp.com/ ou aedzrp44@gmail.com
NB : Après le décès fin octobre d’un ouvrier d’une entreprise sous traitante intervenant dans des opération de maintenance, pour des causes à cette heure inexpliquée, l’info est tombée le 6 novembre : plutôt que se mettre aux normes YARA annonce l’arrêt de la production à Montoir et la transformation du site en dépôt logistique d’imports export d’engrais produits ailleurs….. Ce qui a priori ne changera rien au problème ni à la classification Seveso du site, si ce n’est des licenciements et un plan social… Un point plus complet sera fait dans le CA de décembre
https://oclibertaire.lautre.net/spip.php?article3979
L’usine de production d’engrais azotés Yara à Montoir-de-Bretagne a annoncé l’arrêt de son activité de production du site ainsi que le licenciement brutal de 139 employé·es.
Cette fermeture est un dénouement amer pour les habitant·es, élu·es et collectifs dont Extinction Rebellion, qui se battaient pour demander à l’Etat d’intervenir contre l’entreprise.
L’usine fait peser depuis des années un risque d’explosion (En stockant de très grandes quantités de nitrates d’ammonium, à l’origine des accidents industriels d’AZF à Toulouse et du port de Beyrouth.) et met en danger l’environnement et la santé des habitant·es et travailleur·euses par ses rejets de polluants. Condamnée à de multiples reprises pour ses non conformités, Yara a sans cesse refusé de faire les travaux de mise au norme.
L’Etat n’a que peu réagi, avec des amendes ridicules par rapport aux milliards de bénéfices de Yara.
Pas étonnant, dans la mesure où le système agroindustriel est complètement dépendant de ces usines et impose un diktak auprès des politiques et du monde agricole.
Le maire de Montoir-de-Bretagne dénonçait ainsi la pression et les menaces des lobbys agroalimentaires comme la FNSEA sur le sujet.
L’entreprise a donc préféré fermer le site que faire ces travaux. La fermeture de ce site polluant sera bénéfique pour le bassin nazairien, où la pollution industrielle cause maladies et surmortalité, mais on se doute que le problème ne sera que déplacé. Yara construit (au Royaume-Uni récemment) et construira d’autres site de production dans d’autres pays moins regardants sur les normes de sécurité et d’environnement.
Difficile de se réjouir d’une fermeture dans de telles conditions : Quel sera l’avenir de ces salarié.e.s licencié.e.s ? Comment sera mise en place la dépollution du site ?
Et surtout que faire de toutes ces années de nuisances écologiques et sociales passées ?
Aujourd’hui, les employés licenciés paient le laisser-faire de l’Etat, la logique capitaliste et le cynisme de l’entreprise qui refuse de prendre ses responsabilités. Nous leur exprimons toute notre solidarité.
Nous avons aussi appris la mort dramatique d’un travailleur dans l’usine, que l’on soupçonne causée par l’inhalation d’ammoniac, toutes nos pensées vont à sa famille et son entourage.
(Rappelons qu’en 2022, 780 personnes sont mortes d’accidents du travail, la France est à l’avant-dernière place du pire pays d’Europe pour l’insécurité au travail (mais le sujet semble indifférer (le gouvernement qui préfère parler de “la magie des usines”).)
🌽 Il est temps de réduire notre dépendance aux engrais azotés, à leurs pollutions. Leur mode de production responsable de 2,4% des émissions de gaz à effet de serre mondiales(1) et leur utilisation est un facteur majeur de l’effondrement de la biodiversité(2).
La France, de loin le plus gros consommateur européen, doit tenir ses engagements de réduction d’utilisation.
C’est un changement de régime général qui est nécessaire, pour ne plus dépendre des engrais et leurs sites dangereux et polluants.
Extinction Rebellion Nantes & XR Saint-Nazaire
Sources :
1- Stefano Menegat, Alicia Ledo, Reyes Tirado et al. Greenhouse gas emissions from global production and use of nitrogen synthetic fertilisers in agriculture, 22 October 2021
2- Farmland practices are driving bird populations decline across Europe. Rigal, S et al. PNAS, 15 mai 2023.