A la veille du premier anniversaire de la révolte des banlieues, la police et le ministère de l’intérieur nous inondent de statistiques.

Entre autres les violences « gratuites » dont sont victimes les « personnes dépositaires de l’autorité publique » qui sont en hausse de 9,4% par rapport à septembre 2005… une augmentation trois fois plus rapide que l’année dernière. Ceci illustre bien la gravité de la situation.

Ceci montre également, s’il en était besoin, la faillite totale de la « méthode Sarkozy » en matière de « gestion de la crise des banlieues »,… mais là n’est pas notre propos.

Ce qui est curieux, c’est que même en fouillant bien ces statistiques on ne trouve aucun chiffre sur les violences policières. Serait ce des violences moins « gratuites » ?. Or, quand on interroge les jeunes dans la rue, qui ne renient d’ailleurs pas les violences faites aux policiers, on constate curieusement qu’il s’agit souvent de « règlements de compte » avec les représentants de l’autorité qui, dans pas mal de cas, prennent les plus grandes libertés en matière de contrôle et d’interpellation abusives dans les banlieues. Il est vrai que, dans ces cas, les enquêtes et la Justice se hâtent plus que lentement pour ce qui est de « la recherche de la vérité ».

Alors de deux choses l’une : ou bien les jeunes des banlieues ne sont que des menteurs de même que les associations qui recueillent leurs témoignages, ou bien le ministère de l’intérieur et la police nous cachent des choses.

Pourquoi ne mettons pas en parallèle les deux séries de statistiques ? A-t-on peur, dans la police, que l’une explique, du moins en partie, l’autre… ce qui nécessiterait une explication ? S’agit-il d’un simple oubli ?

Les « contrôles » humiliants, le « délit de sale gueule »… aux yeux du Ministère de l’Intérieur et des syndicats de police, ça n’existe évidemment pas, toutes les victimes et les témoins, tous les multiples témoignages obtenus par les associations de défense des droits de l’homme,… ne sont que des fantasmes et affabulations de « mauvais citoyens » et autres « détracteurs de la police » !

Il est bien évident que, dans certains cas, les jeunes interpellés ne sont pas des « enfants de chœur » (encore faudrait-il savoir pourquoi ils en sont là), mais même dans ce cas, et à fortiori dans les autres, les actes d’humiliation et de brutalité lors des contrôles sont inadmissibles de la part de forces qui ont pour fonction officielle de maintenir la paix publique. Or, il apparaît clairement aux yeux de celles et ceux qui veulent bien voir la réalité en face, que certains comportements policiers sont proprement scandaleux.

« Ils sont minoritaires » diront certains. C’est possible, mais même dans ce cas on ne saurait les tolérer, et ces quelques cas discréditent non seulement l’uniforme de ceux qui le portent, mais même tous les uniformes… ce qui explique que les pompiers aujourd’hui, et demain les facteurs, se font et se feront agresser.

Soyons sérieux, tant que les faits nous serons présentés comme ils le sont aujourd’hui, la crédibilité des autorités, même si elle fait illusion auprès des électeurs, ne pèsera pas lourd dans les banlieues. Qui peut accorder le moindre crédit à une police qui a un lourd passif, jamais réglé et quasiment toujours impuni, ou si peu, en matière de violence et de bavures ?

Des exemples ? Mais il y en a des centaines, regroupés dans différents rapports et largement diffusés par les associations, sans parler des affaires en cours… mais curieusement ignorés la plupart du temps par la Justice et Monsieur Sarkozy. Un exemple précis : allez, au hasard, l’affaire Nicolas BILLOTET qui traîne depuis mars 2003 à Lyon : http://rebellyon.info/article2636.html.

Et qui peut sérieusement croire que c’est en déferant devant une cour d’assises des agresseurs de policiers que l’on va résoudre le problème de l’exclusion, des inégalités et de la délinquance dans les banlieues…. Car c’est bien cela qui est à l’origine des violences contre un ordre social qui n’a plus de sens pour les jeunes. Seul le cerveau perturbé d’un politicien en recherche permanente d’image a pu imaginer une telle solution que nombre de magistrats eux-mêmes trouvent délirante. Une telle mesure ne va qu’aggraver la situation… peut-être que c’est finalement ce qui est recherché car, électoralement, une telle situation, bien exploitée, peut être porteuse.

La police a une fonction ingrate et difficile c’est vrai… elle souhaite légitimement être respectée, c’est un soucis louable et tout à fait compréhensible, mais encore faut-il pour être respecté, être respectable, c’est-à-dire avoir une attitude correcte à l’égard des citoyens, de tous et indépendamment de la couleur de la peau et/ou de l’origine sociale.

Les violences faites à la police sont l’expression d’une « impuissance politique », elle-même conséquence d’une perte de sens du système pour les jeunes qui s’y livrent… Expression spontanée, besoin de révolte, riposte à une humiliation sociale et parfois policière, c’est à ce niveau quelles doivent être traitées. La brutalité, même baptisée de « républicaine » ne règlera évidemment rien.

Tant que des « Rambo » de pacotille, armés de jouets dangereux, séviront en toute impunité, officielle et syndicale, ils jetteront l’opprobre sur l’ensemble de la Police qui de plus a la « mission impossible » d’enrayer la décadence de notre système. Tant qu’il y aura ce genre de situation sociale et de pratique policière il est peu probable que la police obtienne satisfaction.

Les syndicats de police, toutes tendances confondues, feraient mieux d’être beaucoup plus objectifs dans leurs attitudes et sévères à l’égard des dérives de leurs collègues, que de les couvrir systématiquement au mépris du simple bon sens et de la vérité des faits.

Patrick MIGNARD

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