Des centaines de policiers blessés, des milliers de bâtiments publics brûlés, les émeutiers s’attaquent à l’État, à toutes ses structures, et ils ont raison. Le pouvoir, sous pression, sort les blindés pour mater le mouvement.

La bourgeoisie appelle sans cesse au calme et l’impose en déployant un arsenal répressif et une propagande médiatique sans précédent. Mais qui ordonne à la police de frapper, violer et assassiner ? Pour qui trime t-on au taff jusqu’à en crever ? Qui se fait des thunes sur nos logements pourris que nous galérons à payer ? Qui dirige la justice qui fout en taule ? Qui a peur que l’on brûle, pille et redistribue la marchandise que l’on se crève déjà à produire ? Ils nous mènent une guerre de classe, après un enième meurtre en banlieue, la réponse des quartiers est immédiate.

 

27 juin 2023, l’État tire à bout portant sur Nahel. Comme en 2005, les émeutiers frappent l’État qui les laisse crever. Ils attaquent les écoles, les bibliothèques, les mairies, les Pôle emploi, les CCAS. Bref tous ces lieux qui sappent notre émancipation et nous maintiennent dans la misère. Là où s’opèrent le tri social, la transmission de la culture bourgeoise et la morale citoyenne pour produire une main d’oeuvre docile au travail.Ils attaquent les prisons pour libérer les enfermés. Ils attaquent les commissariats pour se venger. Ils vont se servir gratuitement là où est la marchandise.

                                                                     Et ils ont raison.

On charbonne comme des bêtes pour fabriquer, transporter, vendre de la camelote pour que les patrons se gardent la plus grosse part. On construit nous-mêmes les ghettos dans lesquels nous sommes souvent forcés à vivre, réserves de main d’oeuvre surexploitée et parcages de chômeurs. Dans ce monde de merde, rien n’est gratuit et toute la journée on nous nargue avec « ce qu’on pourrait avoir » mais qu’on aura jamais. Alors les émeutiers rentrent dans les magasins et se servent. Des fois ils détruisent même la marchandise. On a rarement vu se multiplier ces pratiques avec une telle intensité.

  •      Les entrepôts crâment, la valeur part en fumée ; les patrons en sueur.

Une partie du prolétariat impose ses besoins de manière directe : pas de recherche de compromis. On ne revendique plus, on se sert directement. Tout s’est passé très vite : soit on prend le train soit on le loupe. Les émeutiers s’auto-organisent sans représentants et se battent pour leurs intérêts, qui résonnent avec ceux de la classe, avec une inventivité et une créativité sans pareilles. C’est une adresse claire à tout le monde : diffusion des points de rassemblement et des cibles sur les réseaux sociaux, union par-delà les embrouilles et divisions entre banlieues, débordement jusque dans les centre-villes et les plus petites villes.

La colère se propage comme une trainée de poudre, les villes se répondent et le pays s’embrase en quelques nuits. 

Attaque-bélier sur des magos, coupé-sport dans la façade d’un Lidl, fusils à pompe braqués sur les caméras, meuleuse sur les distributeurs de billets, tractopelle qui enfonce le bureau de tabac, shows pyrotechniques mieux qu’à Disneyland, détournements de poids lourds, de bus et d’engins de chantiers… Le mouvement des Gilets jaunes n’est pas si loin, les pratiques perdurent, la solidarité de classe aussi.Comme dans tous les mouvements, les constructions médiatiques pour diviser, brider et isoler les franges les plus déterminées de la révolte font rage. Aujourd’hui c’est la figure du « jeune de banlieue », représentation raciste et dépolitisante de ceux qui s’organisent concrètement et luttent pour vivre. Et cette figure elle est pas nouvelle, les exploiteurs sèment et entretiennent les divisions dans le prolétariat et nous montent les uns contre les autres. Le racisme qui traverse toute la société en est la preuve violente, des milices d’extrême droite à la bienpensance méprisante de gauche. Des bourgeois et leurs institutions jusqu’aux prols qui se trompent d’ennemis.

Le pays est retourné et pour retrouver l’ordre des choses, la dissociation marche à pleine balle et la répression s’organise. Tout le monde s’y met : Les bobos qui défendent les bibliothèques, les MJC et les écoles.

Les droitards et l’Etat qui rejettent la faute sur les darons, leur responsabilité pénale et morale.

Les gauchistes dans leur énième entreprise de récupération politique qui demandent une réforme de la police, réclament une justice sociale, tout en crachant sur les émeutiers.

Les fascistes qui montent des milices et appellent à tuer des arabes. Ils tabassent et menotent des gens pour les livrer à la police… quand ce n’est pas directement elle qui appelle à mater les émeutiers.

  •    Tous défendent ce vieux monde qui se meurt. 

La totalité du spectre politique est unanime pour appeler au calme et à la « justice ».  Tout le monde s’accorde sur l’urgence d’un retour à la normale, à l’ordre républicain – c’est l’union nationale.  Chaque parti ou syndicat défend sa vision de l’aménagement du capital lorsqu’il s’agit de faire son beurre électoral. Mais quand ça pète vraiment et que l’affirmation prolétarienne menace les intérêts bourgeois, tout le monde se range du côté de l’ordre.  Une union qui sert et justifie la répression hardcore qui s’abat sur tout ceux qui se soulèvent.

  • Histoire de mettre d’accord les maires et les mères.

Le capitalisme est en crise et ses gestionnaires n’ont rien pour l’arrêter. Entre réformes, intégration et répression des mouvements, l’Etat est à l’initiative de l’affrontement, il le pense, le prépare et se renforce en vue des futures batailles. Avant, en France et en Europe, il y avait le bâton et la carotte, aujourd’hui il n’y a plus que le bâton : la réponse première de l’Etat est de réprimer toutes les formes de révoltes, et ce en tapant fort. Une véritable boucherie dans la rue et les tribunaux ! Partout des blessés touchés par les tirs de la police (LBD, bean bags, grenades), des comparutions immédiates à la chaîne. Des peines de prison à la pelle et déjà, des morts et des gens dans le coma. La puissante solidarité qui a lieu dans la rue ne doit pas s’éteindre dans les tribunaux et les taules.

 

 

C’est l’extension de cette solidarité qui bouleversera tous les rapports sociaux.

 

Dans cette période surgissent une intensification et une multiplication des conflits de notre classe face à la bourgeoisie. Le contexte de guerre bouleverse les flux d’approvisionnement, fait monter les prix et les salaires baissent. Les conditions de vie se dégradent et l’Etat n’a plus grand chose à offrir. L’émeute est en flux tendu, on pille jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien, mais après ? Alors cette vengeance est un aperçu d’une rupture nécessaire avec le compromis social dans lequel on est enlisé. Il s’agit de rompre avec la revendication réformiste et imposer un rapport de force. Tout le monde crève la dalle et, ici comme ailleurs, le prolétariat est en ébullition. Nul doute que cette semaine explosive marquera en profondeur les prochains soulèvements.

 

*  De la flamme des banlieues jusqu’à l’embrasement généralisé, 

le renforcement de notre classe passera par l’extension et la radicalisation de la révolte.

 

 

   Dans ce système capitaliste qui se rêve immortel, une porte de sortie se dessine : la révolution.

      Ils ont les mortiers et la critique radicale contre le vieux monde.

 Ils s’organisent pour le futur.

     Nous en sommes.