Le droit à la liberté d’expression est inscrit dans l’article 10 de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH)
et dans l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques
(PIDCP), auxquels la France est État partie. Le gouvernement français est donc dans
l’obligation de veiller à ce que la liberté d’expression soit respectée et
s’applique à toute personne se trouvant sur un territoire relevant de sa
souveraineté.

Les traités internationaux relatifs aux droits humains contiennent des dispositions
permettant aux États parties de restreindre la liberté d’expression dans certaines
circonstances, prévues à l’article 10(2) de la CEDH et à l’article 19(3) du PIDCP.
Toutefois, ces traités précisent clairement que toute restriction de l’exercice du
droit à la liberté d’expression doit être expressément fixée par la loi et ne peut
se faire, dans une «société démocratique», que pour l’une des raisons expressément
définies par le droit relatif aux droits humains comme nécessaires notamment «au
respect des droits ou de la réputation d’autrui» et «à la sauvegarde de la sécurité
nationale ou de l’ordre public».

Amnesty International considère que les restrictions à la liberté d’expression
autorisées par ces traités relatifs aux droits humains ne peuvent être appliquées à
cette proposition de loi. Amnesty International craint que la formulation vague de
la proposition de loi ne puisse être interprétée comme une interdiction de tout
débat pacifique visant à déterminer si les massacres de 1915 auraient constitué un
génocide au regard de la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du
crime de génocide si celle-ci avait été en vigueur à l’époque. Cette proposition de
loi, si elle était adoptée, pourrait amener à placer en détention des personnes qui
n’auraient fait qu’exercer leur droit à la liberté d’opinion et d’expression et
deviendraient de ce fait des prisonniers d’opinion.

En outre, Amnesty International ne considère pas que cette proposition de loi puisse
se justifier au titre de l’article 20 du PIDCP, qui précise que tout appel à la
haine nationale, raciale ou religieuse est interdit par la loi. À cet égard, le
PIDCP diffère de la loi française déjà existante rejetant tout déni de l’Holocauste
(Loi n° 90-615 du 13 juillet 1990 «Tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite
ou xénophobe») qui concerne le fait de nier l’existence de crimes contre l’humanité
tels qu’ils sont définis par le statut des tribunaux militaires internationaux de
Nuremberg, c’est-à-dire le de fait de nier que des massacres aient été commis par
les forces nazies. En revanche, la proposition de loi a pour effet de rendre
passibles de sanctions pénales ceux qui s’interrogent pour savoir si les massacres
commis contre les Arméniens constituaient un génocide – interrogation d’ordre
juridique – et non si des massacres ont eu lieu ou non – interrogation portant sur les faits.

Source : http://web.amnesty.org/library/Index/FRAEUR210092006