La décision récente de la justice néozélandaise d’autoriser définitivement la diffusion d’images du procès des deux agents de la DGSE française impliqués dans l’attentat de 1985 contre le Rainbow Warrior a été suivie d’une déclaration d’un frère de la pré-candidate socialiste à la Présidence de la République, Ségolène Royal, sur le rôle d’un autre de ses frères, Gérard Royal, dans ce sabotage qui avait fait un mort et ému l’opinion internationale. Greenpeace a demandé la réouverture du dossier, mais le gouvernement néozélandais a refusé, au motif qu’il est lié par des accords passés avec le gouvernement français et que ce dernier n’accepterait jamais de remettre l’affaire sur le tapis.

Dimanche, la chaîne de télévision France 2 a évoqué ces
événements récents et diffusé des images de TVNZ, mais elle s’est faite incendier avec une rare unanimité par l’ensemble de la classe politique qui a crié à la « basse attaque » et fait valoir qu’on cherchait à mettre en cause Ségolène Royal à travers son frère.

Curieusement, médias et politiques se montrent d’une rare amnésie et d’un incroyable manque de curiosité sur l’implication directe de Ségolène Royal, en tant que chargée de mission de l’Elysée, dans la politique de l’équipe de François Mitterrand pendant cette période. Or, d’après l’Amiral Pierre Lacoste, la Présidence de la République avait directement donné le feu vert à l’attaque contre le Rainbow Warrior. Mais, apparemment, personne parmi les « gens sérieux » ne réclame une véritable enquête, pas plus que la transparence sur l’ensemble du dossier.

On accuse à présent ceux qui évoquent l'<a
href= »http://www.tahiti-pacifique.com/Articles.divers/17107.html »
TARGET=new>affaire du Rainbow Warrior de vouloir « faire revivre un dossier vieux de plus de vingt ans ». Mais les choses ne sont pas aussi simples. Du coté autorités françaises, la conduite de l’affaire a toujours été d’une grande opacité, et le gouvernement français <a
href= »http://www.greenpeace.org/luxembourg/rw20/le-10-juillet-1985/l-affaire-d-etat »
TARGET=new>n’a toujours pas présenté des excuses
officielles à la famille du photographe Fernando Pereira tué par le sabotage du bateau. De même, ce n’est que le 26 septembre dernier que la justice néozélandaise <a
href= »http://tvnz.co.nz/view/page/836279″ TARGET=new>a définitivement autorisé la chaîne TVNZ (Television New
Zealand) à diffuser les <a
href= »http://tvnz.co.nz/view/video_popup_windows_skin/838918″
TARGET=new>images du « plaider coupable » des faux « époux Turenge ». Ce que des commentateurs néozélandais ont considéré comme un événement historique et qui ne pouvait guère être un surprise, car en août dernier l’autorisation avait été repoussée à cause d’une procédure de dernière minute sur laquelle on s’attendait à un jugement rapide.

Quant à Ségolène Royal, la participation de son frère Gérard à cette opération était <a
href= »http://www.lexpress.fr/info/france/dossier/presidentielle/dossier.asp?ida=437372″
TARGET=new>connue depuis 1995. En revanche, l’implication de la Présidence de la République <a
href= »http://www.cr-poitou-charentes.fr/fr/region/presidente/index.dml »
TARGET=new>pour qui elle travaillait en tant que chargée
de mission <a href="http://www.meretmarine.com/article.cfm?id=184"
TARGET=new>n’a été dévoilée que récemment par Pierre Lacoste, à l’époque directeur général de la DGSE (Direction Générale des Services Extérieurs). Ségolène Royal déclare avoir eu pour domaine de compétence « les questions de santé, d’environnement et de jeunesse ». Ceux qui s’en aperçoivent sont parfois choqués du silence général à ce sujet. Un internaute <a
href= »http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=12339″
TARGET=new>écrit à ce sujet dans un article paru le 14 aôut sur le site d'<a
href= »http://www.agoravox.fr/auteur.php3?id_auteur=6710″
TARGET=new>Agoravox :

 » D’après l’Express du 16 mars 2006, Ségolène Royal, « ignorant, semble-t-il, l’activité de son frère, avait projeté de rallier l’atoll de Mururoa, en compagnie de militants d’associations antinucléaires ». Mais sa biographie spécifie qu’elle était de 1982 à 1988 « chargée de mission au secrétariat général de la Présidence de la République pour les questions de santé, d’environnement et de jeunesse ». La version des faits que répercute L’Express peut donc, à force de vouloir bétonner, susciter quelques interrogations. Comment une chargée de mission de la présidence de la République, liée à ce titre par une très forte obligation de réserve, pouvait-elle envisager de participer publiquement à une manifestation contre la politique nucléaire française ?  » (fin de citation)

La question paraît pertinente, sauf s’il s’agissait d’y aller en service commandé, et si le déroulement inattendu de l’affaire a contraint l’Elysée à changer ses plans. A quand la transparence sur le rôle des différents décideurs et conseillers dans cette affaire ? Non pas sur la base des déclarations a posteriori des uns et des autres, mais avec une véritable enquête. Mercredi, <a
href= »http://tf1.lci.fr/infos/media/france/0,,3338433,00-2007-segolene-royal-invitee-journal-20h-.html »
TARGET=new>au journal télévisé de TF1, Ségolène Royal a désavoué le sabotage du Rainbow Warrior qu’elle a qualifié de « détestable », et déclaré qu’elle était à l’époque favorable à l’action de Greenpeace. Mais dans ce cas, comment pouvait-elle être en même temps chargée de mission de la Présidence de la République, et le rester après l’éclatement du scandale ? <a
href= »http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=13881″
TARGET=new>Dans un autre article, le même auteur ajoute:

« Bloquer, bétonner, passer en force, faire la sourde oreille, banaliser, enterrer… voici qui semble être devenu une véritable méthode de travail. Face à de telles pratiques qui discréditent l’Etat français, des commentateurs parlent d’incompétence, de bureaucratie, d’avarice… Mais est-ce la bonne analyse ? Par exemple, pourquoi a-t-on cherché à « régler en cachette », par un attentat, le problème que pouvait poser aux essais nucléaires français l’affaire du Rainbow Warrior ? (…) N’y a-t-il pas eu, au départ, un calcul politicien que l’arrestation des époux Turenge a mis en échec ?  » (fin de citation).

Il paraît évident que, si le Gouvernement français avait réagi au grand jour et en temps utile, par des voies d’autorité légales, à des actions de Greenpeace jugées par lui illégales ou dangereuses, la facture aurait pu être lourde pour le Parti Socialiste du côté du mouvement écologiste, quelques mois avant les élections législatives de 2006. La question mériterait donc une réponse claire et circonstanciée, avec un dossier à l’appui.

Naturellement, Ségolène Royal n’était que l’un des membres de l’équipe de François Mitterrand. Et il y a aussi la question de la responsabilité du gouvernement que présidait un autre « pré-candidat » socialiste aux Présidentielles de 2007, Laurent Fabius, lequel semble avoir toujours nié la moindre implication personnelle. L’arrivée de Jacques Chirac en tant que premier ministre, en mars 1986, n’a rien changé à l’attitude institutionnelle, bien au contraire. Le rapatriement définitif en métropole, en décembre 1987 et mai 1988, des faux « époux Turenge », passant outre aux engagements pris auprès du gouvernement de la Nouvelle-Zélande, a conduit à un <a
href= »http://www.eleves.ens.fr/home/mlnguyen/droit/DIP/rainbow_warrior.html »
TARGET=new>arbitrage international du 30 avril 1990 où le Tribunal arbitral « déclare que la République française s’est rendue coupable d’une violation substantielle de ses obligations envers la Nouvelle-Zélande ». C’est donc le rôle de toute la « classe politique » et, globalement, l’ensemble de ce dossier et d’autres dossiers (Tchernobyl, essais nucléaires, amiante…) qui mériterait une enquête transparente rendant toute l’information publique, au lieu de demander aux citoyens de voter pour des personnes et des groupes qu’en réalité ils ne connaissent pas vraiment.

C’est un éternel problème de cette « démocratie ». Les
politiques disent aux citoyens : « ne cherchez pas à en savoir plus, nous avons fait le nécessaire pour defendre vos intérêts », mais souvent les citoyens ont envie de répondre: « montrez-nous d’abord de quoi il s’agit, et on verra ensuite quel est notre intérêt ». Et que reproche-t-on vraiment au <a
href= »http://jt.france2.fr/20h/index-fr.php?jt=2&start=52″
TARGET=new>téléjournal de France 2 ? Est-ce le fait d’avoir parlé de Gérard Royal, ou celui d’avoir montré le aveux des deux agents français jugés et condamnés en Nouvelle-Zélande, ainsi que des déclarations de la fille de Fernando Pereira et d’un responsable de Greenpeance… ?

Curieusement, sauf méprise, aucun média « professionnel » ni groupe politique français n’a souhaité rappeler la présence de Ségolène Royal parmi les collaborateurs directs de François Mitterrand pendant la crise du Rainbow Warrior. On cherche également à faire semblant de ne pas voir ce qui se passe et se dit dans le monde. Alors que le responsable de TVNZ Bill Ralston se réjouit du fait que « toute une nouvelle génération de Néo-Zélandais pourra maintenant être témoin visuel d’un moment essentiel de l’histore du pays », on ne voit pas en France un seul « pré-candidat » aux Présidentielles, même parmi ceux qui se disent écologistes, s’engager publiquement de façon claire à faire toute la lumière sur les origines et la suite de l’affaire du Rainbow Warrior, pas plus que sur les autres dossiers à propos desquels les citoyens peuvent se poser un certain nombre de questions graves.

Pourtant, lorsque Greenpeace <a href="http://tvnz.co.nz/view/page/838641"
TARGET=new>a demandé la réouverture de l’enquête, c’est au nom des accords passés avec le Gouvernement français en 1991 que la Première Ministre néo-zéladaise Helen Clark <a
href= »http://tvnz.co.nz/view/page/839892″ TARGET=new>a
écarté l’éventualité de démarches telles qu’une demande
d’extradition. La clé du verrou se trouve donc en France. On aurait pu espérer qu’au moins, un candidat français aux présidentielles de 2007 se déclare prêt à libérer le Gouvernement de la Nouvelle-Zélande de cette contrainte et à rendre accessible toute l’information. A ce jour, tel ne semble pas être le cas.

Comme d’habitude, l’intérêt « national », « général », « supérieur »… a bon dos. Car, quels intérêts a-t-on cherché, exactement, à défendre avec le verouillage de l’affaire du Rainbow Warrior? Les politiques disent aux citoyens : « ne cherchez pas à en savoir plus, nous avons fait le nécessaire pour defendre vos intérêts », mais souvent les citoyens ont envie de répondre: « montrez-nous d’abord de quoi il s’agit, et on verra ensuite quel est notre intérêt ».

Que peut-on attendre, dans ces conditions et si rien ne
change, des élections presidentielles et législatives prévues pour 2007, si ce n’est la pérennisation du même comportement institutionnel ?