Dans le numéro de mars 1973 de Rosso, le journal du groupe Gramsci de Milan, les ouvriers des ateliers Mirafiori (Fiat) à Turin racontent que « tout commence le jour où ils font une assemblée sans les bonzes du syndicat ». Les défilés dans les usines vont bientôt se faire avec de jeunes ouvriers à leur tête, le visage masqué par un foulard rouge, qui punissent les chefs, les gardiens, les jaunes et les indics, cassent les machines, sabotent les produits finis. C’est le début d’une période où le langage, les comportements politiques, les formes de vie même sont bouleversés par le

mouvement autonome, du nord au sud de l’Italie. Les relations entre l’Autonomie et les autres mouvements de l’extrême gauche italienne – de Potere Operaio à Lotta Continua, de Lotta Communista au Manifesto – sont expliquées dans la théorie et dans l’action. Comme les grands moments de l’Autonomie – un communisme « impur, qui réunit Marx et l’antipsychiatrie, la Commune de Paris et la contre-culture américaine, le dadaïsme et l’insurrectionnalisme, l’opéraïsme et le féminisme ». Autonomie ne fut jamais, écrit Tarì, le nom d’une organisation : il faudrait toujours se référer aux autonomies, celles des ouvriers, des étudiants, des femmes, des homosexuels, des prisonniers, des enfants, « de quiconque aurait choisi la voie de la lutte contre le travail et contre l’État, de la sécession avec le fantasme de la société civile et de la subversion de la vie ensemble avec d’autres. » Et si le mouvement finit par succomber sous les forces conjuguées de la machine étatique et du Parti communiste, son histoire est celle d’une aventure révolutionnaire dont l’incandescence est plus que jamais actuelle.

Marcello Tarì est chercheur indépendant, spécialisé dans l’histoire de l’Italie des années 1970. Il a récemment publié Movimenti dell’Ingovernabile. Dai controvertici alle lotte metropolitane (2007) et a contribué à Gli autonomi. Le teorie, le lotte, la storia (2007).

– 7h00 – 10h00 : petits déjeuners
– 12h00 : cantine
– 19h00 : cantine

PRÉSENTATION
Lors du dernier mouvement contre la réforme des retraites, à l’automne 2010, nous avons réquisitionné les anciens locaux de la CFDT pour y installer la Maison de la Grève. Ça allait de soi : se doter d’un lieu pour s’organiser de manière déterminée par-delà les corporatismes et identités sociales (étudiants, travailleurs, chômeurs, travaillant dans le public ou le privé…). Un lieu pour partager nos analyses de la situation et coordonner nos actions, faire une caisse de grève pour s’entraider financièrement, organiser des cantines de grévistes alimentées en partie par des paysans nous soutenant, se retrouver dans des fêtes. Et imaginer comment faire durer la grève.

Au bout d’un mois et demi, la mairie de Rennes nous a expulsés, comme d’autres socialistes et toutes sortes de dirigeants organisent l’austérité ailleurs en Europe, et répriment ceux qui ne veulent pas plier. Après cette expérience, retrouver un lieu, cette fois pérenne, était une évidence. Pour construire, au fil des temps, une force locale déterminée à vivre autre chose que le capitalisme. Nous avons fini par nous installer dans les locaux d’une association au 37 rue Legraverend.

La Maison de la Grève est un lieu politique mais pas celui de professionnels de la politique. Ici, vous ne trouverez pas la clef pour sortir de l’impasse. La Maison de la Grève n’est qu’une ébauche, un commencement ici et maintenant d’autres possibilités. Avec son lot de difficultés et de joies.

Il est impossible de dire ce que la Maison de la Grève recouvre exactement et ceci pour une bonne raison : elle est plus que la somme des activités qui s’y passent, des événements qu’elle provoque ou auxquels elle prend part. Elle a la prétention de réussir à être en même temps plusieurs réalités, positions politiques, initiatives parfois même contradictoires sans se perdre dans l’éparpillement des luttes et le cloisonnement dans les manières de s’organiser.

Nous ne voulons plus laisser notre quotidien au hasard de ce monde. Nous voulons nous en ressaisir collectivement, partager et étendre des pratiques offensives. S’organiser contre le réaménagement de nos espaces, soutenir les grèves, imaginer des actions en dehors des mouvements sociaux, tout en se liant avec des initiatives d’ailleurs. Être un lieu d’où partir et où revenir, un lieu pour se projeter collectivement. Un lieu pour une mise en échec pratique et politique du pouvoir.

A la Maison de la Grève, vous trouverez une cantine, une université populaire, un atelier informatique, un magasin gratuit, une imprimerie (photocopieurs, sérigraphie), pour apprendre, manger, échanger, avancer. Vous pourrez aussi vous y rendre sans raison, pour prendre un café, trainer avec un ami, trouver un livre. Parce que la constitution d’une force tient autant dans sa capacité matérielle, à ses savoirs-faires, qu’à sa façon d’être et de marcher ensemble.

Ces dix jours ne sont qu’un debut ! Vous êtes les bienvenus !