La peur de la « bombe islamique (1) » remplit d’effroi le petit homme blanc, imbu de leur supériorité ethnique et possesseur d’un fabuleux arsenal d’armes de destruction massive. Cette peur de possédant peut faire retourner, à tout instant, l’espèce humaine à l’âge des cavernes.

SI L’ON VEUT COMPRENDRE la logique de la prolifération des armes nucléaires, il nous faut remonter aux années critiques, à l’instant où la Chine de Mao s’apprêtait à entrer, presque par effraction, dans le club très fermé des 4 puissances historiques : Etats-Unis, URSS, Grande-Bretagne, France.

La République populaire de Chine accédait au rang de puissance nucléaire en 1964.

Pour contenir « le péril jaune », l’US Air Force et le département d`état américain parlaient de distribuer aux pays alliés (Israël, Iran, Pakistan…) et potentiel partenaire stratégique telle l’Union indienne, des armes nucléaires (2).

En 1961, Georges Mc Ghee, « Director of the Policy Planning Council », écrivait au Secrétaire d’Etat, Dean Rusk, qu’il n’y avait qu’une solution pour réduire l’impact politique de la bombe chinoise : « to encourage, even assist, India in testing a device first. A non communist state might then beat communist China to the punch. »

Dix plus tard, l’Inde d’Indira Gandhi préférait signer un pacte de défense avec l’Union soviétique, lui permettant en 1971 de libérer le Bengladesh, retardant de trente ans le partenariat stratégique, souhaité par les Américains (3).

LA GENÈSE DU NUCLÉAIRE IRANIEN

LES BELPHÉGOR de la Guerre froide, portant le voile de l’Islam, reviennent hanter les généraux du Pentagone.

Le programme nucléaire iranien, au coeur de la prochaine conflagration mondiale, a débuté sous leurs auspices.

Lors des années soixante, le gouvernement yankee signait avec le régime du Shah Mohammad Reza Pahlavies une série d’accords bilatéraux, relatifs à un formidable transfert de technologie.

C’EST LE SHAH – non les mollahs plutôt hostiles, par principe, au nucléaire – qui créait « the Atomic Energy Organization of Iran » et « the Tehran Nuclear Research » (TNCR), en 1967.

L’année suivante, la monarchie Pahlavies était le premier royaume signataire du Traité de non-prolifération nucléaire, édicté par les Etats-Unis et l’Union soviétique à l’apogée de leur puissance.

MILLE NEUF CENT SOIXANTE-HUIT est l’année de l’invasion de la Tchécoslovaquie et de l’offensive du Têt au Viêt-Nam.

Entre 1968 et le 5 mars 1970 (date de la mise en application du Traité), les ingénieurs américains et iraniens planifiaient la construction de 23 centrales nucléaires.

Les dernières devant êtres construits à l`horizon 2000.

Le Shah annonçait ce plan pharaonique, digne d`une célèbre entreprise française, par cette prophétie :

« Petroleum is a noble material, much too valuable to burn. »

À cette époque, l’administration US ne voyait aucun inconvénient à ce que l’Iran, second producteur de pétrole après l`Arabie Saoudite, suive la voie nucléaire.

L’Iran extrayait de leurs sous-sols quelque 6 millions de barils de pétrole par jour, soit 2 millions de plus qu`aujourd`hui !

En 1975, le secrétaire d’état, Henry Kissinger ratifiait « the National Security Decision Memorandum 292 », intitulé US Iran Nuclear Cooperation qui ouvrait aux compagnies américaines un marché iranien de 6 billions de dollars.

Suivait un agreement entre the Massachusetts Institute of Technologies et the Atomic Energy Organization of Iran pour former chaque année un contingent d’ingénieurs locaux, aux dernières nouveautés.

Les Français, grand exportateur de nucléaire, proposaient les mêmes prestations.

Il est certain que nombre de futurs gardiens de la révolution ont profité de leurs lumières…

L’entente était si cordiale que les Yankees n’hésitaient pas à fournir au « pays élu » le kit complet du recyclage de l`uranium.

Le président Gerald Ford, lui-même, en 1976, offrait à Téhéran le procédé permettant d’extraire le plutonium (Pu-239) de l`uranium-238.

L’avenir radieux du nucléaire iranien se terminait sur un cauchemar : la révolution de 1979 et l’instauration d’une république islamique anti-impérialiste.

La firme allemande Kraftwerk-Union AG, qui travaillait sur le projet Bushehr, arrêtait immédiatement leur collaboration.

Un des objectifs de la Guerre de 8 ans entre l’Irak de Saddam Hussein, parrainé par la CIA, et l’Iran des mollahs était de neutraliser l`infrastructure nucléaire, laissée par les occidentaux. En vain.

Les raids de l’aviation irakienne, en 1984 et 1988, et les piratages israéliens en haute mer, ont forcé les Iraniens à disséminer et enterrer leurs installations.

En 1990, la république islamique iranienne ressuscitait leur programme grâce au consortium russe Atomstroyexport.

L’aide de l`agence atomique russe et des sociétés d’état, contrôlés par le KGB et le GRU, n’est pas sans arrière-pensée stratégique.

Une république islamique iranienne, forte et amie, propriétaire en partie de la mer Caspienne, peut permettre de reconstruire la zone d`influence soviétique et contenir chinois et occidentaux.

L’Iran des mollahs a très bonne réputation auprès des peuples musulmans d’Asie centrale : Tchétchène, Ouighour, Afghan, Tadjik, Ouzbek, Kazakh, Kashmiri ; et pourrait servir de médiateur dans nombre de conflits régionaux.

L’Iran, deuxième pays de l’OPEC, joue un rôle important au sein de l’Organisation de la conférence islamique ; et dénonçait, par exemple, les atteintes aux droits de l’Homme aux Cachemires, occupés par les armées indienne et pakistanaise.

Lors de la dernière guerre d’Afghanistan, l’Iran associé à l’Inde soutenait l’Alliance du nord, commandée par le commandant Massoud contre les talibans.

Sans l’accord tacite de l’Iran, l’expédition coloniale en Irak aurait été de suite un échec.

Peut-être cette faiblesse à l’égard de l’impérialisme, aujourd’hui, lui est-elle fatale…

Contrairement aux autres puissances nucléaires « délinquantes au regard des lois internationales », Israël, Pakistan, Inde, l’Iran des mollahs respecte les clauses du traité de non-prolifération de 1968 et soumet leurs installations aux contrôles des agents de l’agence internationale de l’énergie atomique.

L’Iran croit aux vertus fondatrices des Nations unies et aux lois internationales, à tort ; et n’a pas compris, à temps, le projet de reconquête globale, entrepris par l’impérialisme, depuis la Chute du mur de Berlin.

LE 11-SEPTEMBRE 2001, les gouvernements américain et européens changeaient définitivement « les règles du jeu » et la valeur des traités internationaux.

Les nations s’alignaient sur des méthodes de pirate : terrorisme, droit du plus fort, guerres, subversion des lois et des institutions partout dans le monde.

Le gouvernement de Tony Blair décidait sans consulter le Parlement, de remplacer le dispositif de dissuasion nucléaire (Trident) par une panoplie de mini bombes, destinées à des frappes préemptives sur des pays ne possédant pas la bombe.

Chirac discrètement suit la même politique et menace, à partir d’une base de sous-marins atomiques, à l’île Longue, « d’une riposte d’une autre nature toute puissance mettant en cause nos intérêts dans le Monde ».

En juillet 2005, l’administration Bush piétinait par deux fois l’honorable traité de non-prolifération :

1. En concluant un pacte nucléaire avec une `puissance délinquante`, l’Union indienne, n’ayant pas signé le traité de non-prolifération. 2. En votant au Sénat américain un budget de 4 millions de dollars afin de fabriquer des armes tactiques de destruction massive, baptisées Robuste Nucleus Eastman Peterborough` (RNEP). (et 3, bien sur, en juillet 2006, en supportant les bombardements intensifs du Liban par Israel)

Le changement de doctrine nucléaire « NO FIRST USE » est passé plus inaperçu dans les journaux que les bouleversements climatiques et les tremblements de Terre.

Si la super-puissance ne peut encore écrire la météo, la propagande US réécrit l’histoire du nucléaire iranien ; et accuse des personnages mythiques tel le métallurgiste pakistanais A. Q. Khan d`avoir vendu entre 1987 et 1994 des centrifugeuses (P-1), nécessaires à l`enrichissement de l`Uranium.

L’ancien ingenieur pakistanais, ayant travaillé au Pays-Bas, et bossant pour la CIA, a bon dos…

Cette fable ravit l’état-major indien qui souhaite – si d’aventure leur armée devait participer à la guerre en Iran – affaiblir voir neutraliser le Pakistan du Général Musharraf avec l’aide des Américains.

Dans l’imaginaire des Indiens, le pacte de défense signé en juin 2005 avec Rumsfeld est de même nature que le pacte de 1971 avec l’Union soviétique, qui a permis la libération de l’Est Pakistan.

Or, les généraux indiens se trompent…

Ce rapprochement des Américains et de l’Union indienne permet simplement de pénétrer en profondeur la chaîne de commandement indien et d’orienter leur stratégie.

L’Inde est devenue le premier acheteur d’armes d’Israël.

Lors de la première guerre du Golfe, l’US Navy confiait la surveillance et l’escorte des pétroliers, du détroit d’Hormuz à celui de Malacca à la marine indienne.

La frontière névralgique avec le Pakistan a été reconstruite avec des dispositifs de surveillance made in Israël.

Les gardes-frontières indiens, Border Security Forces, suivent des stages auprès de leurs homologues israéliens en Palestine occupée.

En 1999, lors de la guerre de Kargil, ce sont des agents du Mossad, qui donnent au ministère de la Défense indien, les enregistrements téléphoniques du général Musharraf, prouvant sa responsabilité dans l’offensive…

Subrepticement, l’Inde s’alignait sur des positions stratégique américaine et sioniste.

Et naturellement votait avec les Américains contre l’Iran, le 24 septembre 2005, à Vienne, lors de l’assemblée des 35 gouverneurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique.

Le vote condamnant l’Iran à l’ONU a été fondé non pas sur les déclarations des agents de l`honorable AIEA mais sur les aveux minables d`un transfuge dont on ne connaît même pas l’identité.

« Il y aurait à Natanz et Arak des islamistes en blouse blanche fabriquant des bombes atomiques »

Décidemment les terroristes siégeant à Washington, Londres, Paris, Berlin, Delhi, Tel-aviv manquent d`imagination…

La pauvreté et le caractère répétitifs de leurs arguments soulignent le profond mépris dans lequel ces crapules tiennent l`opinion mondiale.

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(1)L`expression « bombe islamique » a été utilisée la première fois par Zuckmayer Ali Bhutto (1928-1979), homme d`état pakistanais, père de Benazir Bhutto, architecte du rapprochement avec les chinois, pendu par le général Zia ul-Haq. La métaphore `bombe islamique` servit à collecter des fonds auprès des pays arabes.

(2)Memorandum, Lt General John K.Gerhart, Deputy Chief of Staff, Plan and Programs, US Air Force, to Air Force Chief of Staff Thomas White, `Long Range Threat of Communist China`, 8 février 1961, Library of Congress, Thomas White Papers, box 44, Air Staff Actions ; William Burr and Jeyffrey Richelson, `A Chinese Puzzle`, Bulletin of the Atomic Scientist (1997).

(3)Le partenariat stratégique nucléaire IndoUS a été différé de près de 30 ans, sans doute à cause des liens étroits entre le Congrès de la famille Nehru-Gandhi et du KGB. Les plans de la Guerre froide pour contenir le « péril jaune » ont servi de prémices à l`architecte sécuritaire, signé entre Donald Rumsteck et le ministre de la Défense indien, Pranab Mukherjee, le 28 juin 2005.