La convention de l’UMP tenue la semaine dernière nous présente, sur la Toile, les discours:

http://www.u-m-p.org/site/GrandDiscoursAffiche.php?IdGrandDiscours=194
http://www.u-m-p.org/site/GrandDiscoursAffiche.php?IdGrandDiscours=195
http://www.u-m-p.org/site/GrandDiscoursAffiche.php?IdGrandDiscours=196

de trois avocats qui semblent avoir dominé le débat ou en tout cas ses conclusions:

– L’actuel Ministre de l’Intérieur et Président de l’UMP Nicolas Sarkozy, l’un des deux associés du cabinet d’avocats parisien « SELAS Arnaud Claude – Nicolas Sarkozy » spécialisé notamment dans le droit immobilier, le droit bancaire… ; outre ses actuelles aspirations politiques (Matignon, Elysée), il a derrière lui une trentaine d’années de carrière bien remplies dans les appareils, successivement, de l’UDR, du RPR et de l’UMP, souvent lié au départ à Charles Pasqua ; auteur, depuis son arrivée en juin 2005 au Ministère de l’Intérieur , d’un certain nombre de déclarations à caractère polémique à propos des banlieues et de la magistrature ; devenu successivement conseiller municipal (1977), puis maire (1983) à Neuilly-sur-Seine, conseiller régional de l’Ile-de-France (1983), vice-président (1986) du Conseil général des Hauts-de-Seine dont il est devenu président en 2004 ; député depuis 1988 ; secrétaire général du RPR en 1998, président par intérim de ce mouvement en 1999 ; président de l’UMP en 2004, etc… Nommé Ministre du Budget en 1993, de l’Intérieur en 2002, de l’Economie des Finances et de l’Industrie en 2004 et Ministre d’Etat, Ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire en 2005.

– Le Garde des Sceaux Pascal Clément, président de la Commission des Lois de l’Assemblée Nationale avant d’être nommé à cette fonction, ancien ministre délégué aux relations avec le Parlement dans le gouvernement d’Edouard Balladur ; président du Conseil Général de la Loire depuis 1994 après en avoir été membre depuis 1982 et vice-président en 1982-994 ; député depuis 1978 ; en juin 2004, il déclare à l’Expansion: « je n’exerce pratiquement plus, même si je tiens à plaider encore quelques affaires en droit des sociétés » ; il est marié à une magistrate première substitute à l’administration centrale du ministère de la justice et actuellement mise à disposition d’un groupement d’intérêt public après avoir été chef du bureau de gestion de la détention à la direction de l’administration pénitentiaire.

– L’ancien ministre Patrick Devedjian qui a été longtemps avocat du RPR et de Jacques Chirac; il fut en 1964 (avec notamment Alain Madelin, Hervé Novelli, Claude Goasguen et Gérard Longuet) l’un des fondateurs du groupe activiste d’extrême droite Occident; devenu successivement maire d’Antony en 1983, député des Hauts-de-Seine en 1986, porte-parole du RPR en 1999, Ministre délégué aux Libertés locales en 2002 et Ministre délégué à l’Industrie en 2004, fonction qu’il a quittée en 2005 pour devenir conseiller politique de la présidence de l’UMP. Il a également été membre de la Trilatérale.

Voir leurs biographies sur Wikipedia et sur les sites officiels. Les trois avocats sont également des anciens élèves de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris. A tout point de vue, ils sont (malgré certaines tensions) proches des principales corporations impliquées dans l’affaire d’Outreau.

La première constatation qui s’impose est que ces trois avocats n’ont pas l’air d’être des avocats de « petits justiciables »: il est question de droit immobilier ou bancaire, de droit des sociétés, du RPR et de Jacques Chirac… Il s’agit d’ailleurs de trois politiques ayant participé de longue date à l’élaboration des lois du pays: ils ne peuvent pas valablement prétendre qu’ils n’y sont pour rien dans la spirale qui a conduit aux actuels dysfonctionnements de la justice. Ils cherchent à faire croire que la « droite » aurait eu au cours des deux dernières décennies une politique différente de celle de la « gauche », mais la réalité est que l’évolution vers une justice de plus en plus sommaire et expéditive résulte de lois de toutes les majorités politiques au cours de la dernière décennie. Quant à l’ « examen purement formel des requêtes », l’un des grands griefs formulés par les citoyens mis en prison sans raison valable, il s’agit malheureusement d’une « culture » qui s’est répandue dans l’ensemble des institutions françaises depuis les années 1980. Ce n’est pas un problème propre à la justice pénale, pas plus qu’à la justice seule : toutes les administrations, pouvoirs publics… souffrent de ces pratiques et les alternances politiques, résultant d’une répétition systématique de sanctions électorales en désespoir de cause, n’ont rien changé à cette évolution. Mais ce problème de fond, il n’est pas question de l’aborder.

Pourtant, les méthodes de plus en plus expéditives de l’administration des impôts frappent très durement les petits et moyens contribuables, les expulsions d’étrangers empruntent également des voies de plus en plus sommaires… Les litiges qui en découlent relèvent de la juridiction administrative. Les auteurs des « grands discours » de l’UMP n’ont même pas daigné faire le point sur le fonctionnement de ces parcelles des pouvoirs publics et de la justice. Ce ne sont que deux exemples, auxquels on pourrait ajouter la question de la communication de documents administratifs: comment contrôler vraiment le fonctionnement des administrations, si une simple demande de copie d’un document peut déboucher sur la nécessité d’intenter un procès, et si une demande plus conséquente peut se solder par une qualification de « demande irrecevable » ou de « recours abusif », l’administration prétextant que ça l’oblige à effectuer des recherches ou que c’est en réalité une « demande de renseignements », etc… Mais c’est vrai que l’avalanche d’ « affaires » des deux dernières décennies ne porte pas, précisément, à croire que les institutions françaises tiennent particulièrement à pratiquer la transparence envers les citoyens.

Et les litiges concernant les fonctionnaires « de base », de plus en plus sous pression? Il paraît évident que les responsables de l’UMP n’ont aucune envie d’en parler.

Et les licenciements de salariés, les litiges de la Sécurité Sociale… relèvent d’autres juridictions. Au moment où les licenciements font rage et les situations de détresse se multiplient, n’y a-t-il pas un état des lieux à faire sur les juridictions dites « sociales » ? En tout cas, c’est l’UMP qui a imposé l’obligation de ministère d’avocat pour les recours de cassation sociale. Voir, par exemple:

http://paris.indymedia.org/article.php3?id_article=30287

Ensuite, où est passée la question des « experts », dont la responsabilité dans la catastrophe d’Outreau avait été largement évoquée ? Qu’ils s’agisse de professions libérales, de « sommités » académiques ou hospitalières, ou encore de « vedettes » associatives avec des appuis politiques, apparemment on n’en parle plus. C’est vrai qu’il aurait fallu mettre en cause des méthodes de la coupole scientifique et académique, voire même la réalité scientifique de certaines disciplines, et que « ça ne se fait pas »…

Et la question des avocats commis d’office dont des justiciables de l’affaire d’Outreau s’etaient plaints? Et le problème plus global que cette constatation suscite, à savoir, celui des prestations aux « petits justiciables » d’un milieu professionnel dont l’évolution marchande n’est un secret pour personne? Comment faire, notamment, pour garantir à tous, sans ambiguïté, un accès suffisant à l’aide d’un avocat dans un procès difficile, lorsque la partie adverse est riche ou (et) influente, ou lorsqu’on doit faire face à un fort préjugé ? D’autant plus que l’Ordre des avocats de Paris admet lui-même la réalité de l’évolution depuis vingt ans du métier d’avocat devenant à la fois « défense » et « conseil », un concept généré par les activités des grandes sociétés mais qui donne la mesure du dévéloppement des inégalités sociales devant la justice.

Quant à l’aide juridictionnelle, on remarquera que le dossier présenté à la convention de l’UMP:

http://www.conventions-ump.org/Justice/dossier_justice.pdf

reconnaît l’existence d’un réel problème, même si le constat est incomplet. Mais le sujet ne semble pas intéresser les trois auteurs des « grands discours » de la convention.

Et les réseaux d’influence, dont personne ne nie plus la réalité et le rôle dans la société capitaliste « moderne »? Mais c’est vrai que le monde politique est le premier à les cautionner et à en faire partie.

Et l’évolution de la Cour de Cassation vers un fonctionnement de plus en plus sommaire, grâce à une loi de 2001 qui lui permet de déclarer les pourvois irrecevables par une simple décision type sans motivation circonstanciée? Voir, par exemple:

http://paris.indymedia.org/article.php3?id_article=30074

N’y a-t-il pas, dans de telles dispositions, un encouragement ouvert à des fonctionnements de plus en plus sommaires et expéditifs en première instance et en appel? Après avril 2002, les gouvernements UMP ont appliqué et renforcé la politique définie par cette loi du gouvernement Jospin.

Enfin (mais c’est loin d’épuiser le sujet), curieusement Nicolas Sarkozy, qui attaque de manière très virulente les organisations syndicales de la magistrature et réclame depuis l’année dernière le recours à des sanctions contre les juges, ne souffle mot des voies moins « musclées » qui pourraient permettre d’éviter qu’on en arrive des situations extrêmes: les voies de récusation permettant en principe de dessaissir un magistrat ou un tribunal. Il parle d’ailleurs de pouvoirs, mais jamais de contre-pouvoirs.

Etc….

Il faudra examiner l’ensemble de ces problèmes, et bien d’autres, plus en détail. Mais, en somme, tout porte à craindre qu’à l’issue de l’enquête sur Outreau rien ne changera vraiment et que les « petits justiciables » ne verront pas leur sort s’améliorer. D’autant plus que, comme nous l’avons déjà signalé, des avocats prestigieux semblent plutôt vouloir appliquer les « enseignements d’Outreau » aux problèmes qui intéressent les milieux d’affaires. Voir, à ce sujet:

http://paris.indymedia.org/article.php3?id_article=59462

Justiciable

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