PRENONS LA PAROLE !

Tout est fait pour nous empêcher de nous rencontrer
Priorité à la création partout de lieux pour nous retrouver

Pourquoi nous battons-nous ? Pour le seul retrait du CPE ? Pour quémander le droit d’être un esclave moderne, soumis à la vie de « métro-boulot-télé-dodo » avec un contrat à « durée indéterminée » ?

Le CPE n’est qu’une expression avancée de la logique capitaliste où l’être humain n’a d’existence qu’à condition de nourrir le profit du capital. Cette logique conduit à la généralisation de la précarité pour les exploités. Elle conduit à soumettre les plus jeunes aux plus humiliantes conditions d’embauche dans les pays développés. C’est elle qui fait qu’aujourd’hui sur la planète un enfant meurt de misère toutes les quatre secondes, que la guerre tue des milliers de civils un peu partout dans le monde. C’est encore elle qui amène la Terre au bord d’un irréversible désastre écologique.

C’est cette logique infernale qu’il faut briser. La casser passe par la généralisation de l’idée que les partis politiques de gauche et les organisations syndicales de tout poil qui prétendent représenter et défendre les exploités, situent en fait leur action entièrement au sein de la logique capitaliste et n’aspirent qu’à gérer et finalement à soutenir ce système. Sous leur direction, toute lutte est condamnée à l’impuissance.

N’oublions pas que l’échec de l’énorme mobilisation des luttes de 2003 en France contre la réforme des retraites et de l’éducation nationale ne fut possible que grâce à l’habile coopération entre gouvernement et centrales syndicales, CGT en tête. A ce propos, rappelons ce que le journal Le Monde rapportait le 17 juin 2003 : « Le ministre [Fillon], sait gré à la centrale de Montreuil de s’être évertuée à empêcher la généralisation d’un mouvement qui risquait d’échapper à son contrôle ».

Le problème n’est pas en soi l’ignominie de ces bureaucraties cyniques et manœuvrières. Le problème c’est d’affirmer notre puissance, notre volonté contre tous ceux qui entament notre détermination. Ce n’est pas facile d’apprendre à nous organiser par nous mêmes, sans autre contrôle que celui de nos assemblées, mais comme le montre l’actuelle expérience des étudiants et lycéens, c’est possible.

C’est clair, les travailleurs ont un autre poids dans la société que les étudiants vu que c’est grâce à eux que la société fonctionne. C’est pourquoi gouvernement et syndicats ont une priorité essentielle : empêcher la convergence entre le monde des salariés et le monde des jeunes scolarisés qui ne sont jamais que les futurs actifs précaires. C’est pour cela qu’ils ont tout fait pour empêcher que le meeting prévu à la fin de la manif parisienne du 23 mars se tienne, à l’aide entre autres de provocateurs (casseurs de vitrines et de manifestants) suivis et aidés par quelques centaines de paumés manipulés comme l’attestent des témoignages de plus en plus nombreux. La décision, sous prétexte de sécurité, de fermer des sites universitaires va dans le même sens de priver le mouvement de lieux où se réunir et s’organiser.

Notre priorité est de contrer ce sabotage. Il faut prendre la parole. Il faut créer des lieux pour se rencontrer, discuter, réfléchir ensemble, prendre des décisions, partout où c’est possible : à la fin et pendant les manifs, dans les facs, les lycées, les lieux de travail, salles de spectacles, etc., en particulier en fin de journée pour permettre la venue de ceux qui travaillent. Brisons les séparations. Créons des lieux où la force du mécontentement généralisé puisse se concrétiser en puissance active.

Le capitalisme n’est pas une fatalité due à une quelconque mauvaise nature humaine. Pas plus que l’esclavagisme antique ou le féodalisme, le capitalisme n’est éternel. Les lois inhumaines qui le constituent sont les survivances de temps arriérés. Il ne survit que par la force des appareils étatiques et par notre soumission entretenue quotidiennement à coups de milliards dépensés pour l’endoctrinement idéologique quotidien.

Profitons de ces moments de lutte, où nous relevons la tête, pour nous rendre à l’évidence : un autre monde est possible, si nous le voulons. Un monde où l’homme n’est plus obligé de se vendre pour survivre, où les rapports humains ne seront pas détruits par l’argent. Un monde fondé sur la gratuité et l’abondance. Nous savons que les moyens matériels existent. Il faut nous émanciper de notre peur et de nos faux « représentants ».

Des Internationalistes – 26 mars 2006

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