Le temps officiel est l’armature invisible de la domination dans les rapports de production. Reprendre le temps, confisqué par des conventions extorquées sur le fondement du besoin, vivre le temps d’après des finalités véritablement décidées en commun, est toujours le principe d’expériences fondatrices de projets sociaux, politiques, historiques, de nouveau possibles.

CASSER NOS MONTRES ET PENDULES : SABOTER LE TEMPS OFFICIEL PARCE QUE C’EST LA LE TERRAIN DE LA DOMINATION.

Il y a le CPE et le CNE, il y a aussi les variantes actuellement en préparation, qui sortiront à chaque moment charnière du mouvement actuel, pour plonger ce dernier dans l’incertitude et le fragmenter en frondes sporadiques de semaine en semaine.
La tactique avait fonctionné en 2003 avec la collaboration des centrales syndicales.

Derrière ces prochains « contrats » toujours plus labyirinthiques pour leurs victimes et simples pour leurs bénéficiaires (les employeurs), à l’image du glissant calendrier des semaines à venir bientôt disposé sous les pas de la jeunesse descendue dans les rues, et au-delà de l’émiettement des dispositions en cas particuliers imprévisibles et relevant d’un futur non-droit de fait à l’avantage des puissants, il y a l’unité du projet d’asservir rapidement la totalité du salariat de demain aux « règles » patronales, celles bien connues déjà de la flexibilité, de la mobilité, de la productivité.

Le projet néo-conservateur : remodeler la culture de façon à embrigader les générations futures dans le projet militaro-financier au moins dans l’esprit, de la guerre économique – économique dans le meilleur des cas et dans les lieux les mieux épargnés. Faire intégrer à tous et toutes un « devoir » d’adhésion aux valeurs boursières, et aux impératifs iniques et aveugles que la loi du profit peut à tout moment adresser à chacun ou presque. Disposer autour de l’individu tous les garde-fous à ses éventuelles « déviances » (biomètrie, rapports Bénisti et de l’INSERM sur la délinquance et les propositions parapolicières, péripolicières et propolicières pour sa prévention) afin de modeler le citoyen modèle du total-libéralisme.

Si le gouvernement peut donner l’impression de faire des concessions, ce sera de manière à ne pas céder. S’il peut n’avoir l’air de ne faire aucune concession, il en sera ainsi de préférence. La crédibilité du gouvernement, son image est en jeu devant les actionnaires auxquels il vend, comme les autres, l’histoire future et les institutions de la démocratie, la vie possiblement autonome des gens.

Le gouvernement usera évidemment de bien des diversions et des répressions pour essoufler le mouvement (c’est évidemment déjà le cas). Il se sera préparé à tenir au moins jusqu’à Pâques.
Mais l’image n’appartient pas à celui qui en est ou qui s’en fait l’objet. Elle s’efface en se déformant, pour laisser place à qui demeure, qui a plus de réalité qu’elle. Cela suppose de ne pas se laisser happer de nouveau par le temps officiel, qui est la véritable nasse psychologique dans laquelle échouent fianlement toutes les luttes, et de penser encore les raisons du mouvement, toujours plus loin que les tentatives indigentes des adversaires, sur le plan de la justice et de la justesse, de fonder leur coup de force légal.

La lutte doit donc continuer, mais en s’installant dans la perspective de tenir plusieurs mois, jusqu’à Septembre s’il le faut, et même après (pourquoi pas ?) Il ne faut pas attendre de la « société civile » qu’elle rende possible la vie dont vous rêvez si vous ne commencez de la vivre par vous-même). Il faudra être prêt à tout compromettre concernant l’inessentiel, c’est-à-dire ses examens, ses vacances, sa rentrée, ses liens avec sa famille éventuellement aussi, par exemple pour lui éviter des retombées policières ou juridiques, il faudra peut-être renoncer à ses moyens anciens d’existence matérielle. Développer des liens de solidarité totale et sans réserve entre luttants. C’est à ce prix qu’on changera la société en ouvrant la voie aux autres générations, aux installés incapables jusqu’à maintenant, de s’emparer du temps confisqué, pour le vivre réellement, ou bien au détriment d’intermédiaires entre eux et leurs besoins. SI LE SOUTIEN DES AUTRES GENERATIONS N’EST PAS A LA HAUTEUR DE LA DIGNITE HUMAINE DANS SON ENSEMBLE, entreprenez de renverser le consumérisme tout entier, car le CPE n’est que votre point d’entrée particulier dans la possibilité d’inverser le destin que vous forgent les classes d’âges et classes sociales dominantes, manipulées dans le meilleur des cas, par les gouvernements, les partis politiques et certains syndicats depuis une quarantaine d’années. Ouvrez la voie.

Eterniser le temps officiel pour en annuler les enchaînements qui donnent à tous l’apparence d’une nécessité économique et politique objective. Détruire ces abstractions qui détruisent la vie humaine en l’organisant en systèmes d’objets. De toute façon, la science, le savoir n’est plus, là où il s’est mis au service de la domination, de la prévision et du contrôle. Bloquer toutes les pendules, tous les systèmes et appareils de mesures dont le Capital se sert pour maintenir ses esclaves en en quantifiant les dimensions de l’existence.

Saboter les projets consuméristes autour de soi SANS VIOLENCE SUR AUTRUI, NI CASSE DELIBEREE ET GRATUITE, s’installer dans le refus total et absolu de l’exploitation, n’écouter aucune des sirènes pragmatistes, utilitaristes qui récupèrent la liberté dans les chicanes de l’abattoir consumériste, mais agir comme les grains de sables salvateurs dans les rouages de la mécanique du temps officiel qui nous broie. Créer et préserver l’impulsion d’un ordre humain, parce que volontaire et personnel de chacun pour lui-même. Bref, on en revient toujours à ce mot d’ordre créateur d’humanité, l’anarchie, qui est cela : changer la vie.

Mais ne comptez sur personne pour la changer à votre place. Ne vous laissez jamais récupérer ! Ne laissez jamais prendre en charge vos espoirs pour vous. Affrontez l’angoisse que cela génère pour commencer; mais vivez en même temps et pleinement, l’enthousiasme des pespectives insoupçonnées soudain ouvertes devant vous, parce qu’en vous !

Passer de l’autre côté du miroir… C’est bien parti ! …