Cette mobilisation toutefois n’a pas permis le recul du Gouvernement qui a obtenu la validation par le Conseil d’Etat de la disposition relative au Contrat Nouvelle Embauche. Cependant, il est souhaitable que la mobilisation se poursuive au niveau judiciaire compte tenu du caractère hybride et étrange de ce type de contrat qui ne relève, durant les deux premières années d’exercice, ni du contrat à durée indéterminée, ni du contrat à durée déterminée, contrairement à ce qui est énoncé au premier alinéa de l’article 2 de l’ordonnance du 2 août 2005. Nous sommes confrontés à un type de contrat de travail que l’on pourrait qualifier de « CVNI » (Contrat Volant Non Identifié) !

Il est une autre disposition dans la même ordonnance du 2 août 2005 sous le titre « Aménagement des règles de décomptes des effectifs » qui a suscité moins de mobilisation, mais qui affecte tout aussi gravement les droits fondamentaux du salarié, participant à une déconstruction du droit du travail initiée depuis 2002.

Selon l’ordonnance du 2 août 2005, toute nouvelle embauche d’un jeune de moins de 26 ans n’est pas prise en compte dans l’effectif du personnel de l’entreprise pour calculer les seuils déclenchant l’application des obligations du Code du Travail se référant à une condition d’effectifs.

Cette exclusion ne concerne toutefois pas, comme il est d’usage, les dispositions relatives aux seuils pour la tarification des risques d’accident du travail et de maladie professionnelle. Lorsque le jeune salarié embauché atteint l’âge de 26 ans, il est à nouveau pris en compte dans l’effectif de l’entreprise selon les dispositions de droit commun prévues par le Code du Travail. Outre le fait qu’il est totalement arbitraire et injustifiable par le seul motif de leur âge inférieur à 26 ans, de priver les salariés d’être pris en compte dans le décompte des effectifs, les excluant ainsi indirectement de la communauté de travail que représente l’entreprise, les dispositions de l’ordonnance du 2 août 2005 comportent des conséquences attentatoires, notamment au droit de la représentation syndicale. En effet, pour la première fois depuis la loi du 27 décembre 1968 élargissant la représentation syndicale dans l’entreprise fixant le droit à un délégué syndical à partir de 50 salariés, ce droit est remis en cause par le nouveau mode de détermination du seuil des effectifs, tout comme d’ailleurs d’autres dispositions protectrices du salarié. Sans être exhaustif, citons quelques exemples de conséquences de cette ordonnance. Si l’effectif, faute de prise en compte des salariés de moins de 26 ans, devient inférieur à :

– 10 salariés : remise en cause de la rémunération partielle du congé de formation syndicale, de la visite par le médecin du travail des chantiers et, plus généralement, en matière de droit protecteur du licenciement (article L 122-14-4 du Code du Travail), de l’indemnité minimale de six mois salaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de tout salarié ayant plus de deux ans d’ancienneté dans les entreprises qui occupent habituellement au moins 11 salariés,

– moins de 11 salariés : remise en cause du crédit d’heures (non rémunéré) pour les conseillers du salarié,

– moins de 20 salariés : remise en cause de la déclaration obligatoire des salariés handicapés (quota 6 %) ; de la mise en œuvre du règlement intérieur, du régime du repos compensateur pour heures supplémentaires,

– moins de 50 salariés : remise en cause de l’ensemble des institutions représentatives du personnel (et des crédits d’heures y afférents) : délégué syndical, comité d’entreprise, CHSCT, délégation unique, de la participation aux résultats de l’entreprise,

– moins de 200 salariés : remise en cause de la mise en place de la commission de formation du Comité d’Entreprise, du droit à congé sabbatique ou pour la création d’entreprise,

– moins de 300 salariés : remise en cause de l’établissement annuel du bilan social, de la formation des membres du CHSCT, de la mise en place de la commission logement du Comité d’Entreprise, d’un représentant syndical distinct du délégué syndical au Comité d’Entreprise,

– moins de 500 salariés : remise en cause du droit au délégué supplémentaire pour l’encadrement, ainsi que d’infirmiers dans les entreprises,

– moins de 1000 salariés : remise en cause de la Commission économique du Comité d’Entreprise, du congé de reclassement en cas de licenciement pour motif économique. En cas de fermeture partielle ou totale d’un site économique, suppression de l’obligation d’apporter une contribution à la création d’activités et au développement des emplois dans le bassin affecté par les licenciements,

– moins de 2000 salariés : remise en cause de la possibilité de désigner un délégué central d’entreprise en dehors des délégués d’établissement.

Certes, l’ordonnance mentionne que « là où existent des institutions du personnel, elles ne pourront être supprimées… ». Cependant, la question demeure posée : Que se passera-t-il à l’occasion du renouvellement des institutions représentatives ?

L’ordre public social est ainsi de nouveau gravement affecté et dans des conditions telles que le Conseil d’Etat n’est pas allé cette fois jusqu’à valider cette disposition de l’ordonnance, décidant de surseoir à statuer et de solliciter l’avis de la Cour de Justice des Communautés Européennes de Luxembourg. Attendons, mais prétendre, comme le fait le Gouvernement VILLEPIN, reprendre à son compte les propositions CGT, CFDT de sécurisation du parcours professionnel des salariés et finalement, prendre des ordonnances mettant en cause certaines des dispositions particulièrement protectrices des salariés, constitue une véritable tartufferie. En réalité, VILLEPIN ose, dans le domaine social, ce que SARKOZY a fait en matière de sécurité publique. Bien « subtil » celui qui pourrait distinguer en les deux volets d’une même politique.

Claude KATZ