APPEL A RESISTER AU CONDITIONNEMENT SECURITAIRE
lundi 14 novembre 2005

APPEL DU COLLECTIF NATIONAL UNITAIRE CONTRE LE PROJET DE PREVENTION DE LA DELINQUANCE ET CONTRE LA DELATION.

Depuis quelques années souffle un vent mauvais sur les libertés. La réponse pénale est systématiquement mise en avant au détriment de toutes autres solutions, notamment sociales. L’extension continue du domaine de la punition est un frein à une réflexion globale et innovante sur les maux et les difficultés de notre société. Tous les aspects de la vie (famille, éducation, formation, travail,…) sont touchés par la montée en puissance d’une gestion punitive, dont l’aggravation de la répression pénale n’est qu’une résultante. Les rapports officiels et les projets gouvernementaux se multiplient afin de faire entrer dans les esprits et dans le droit la surveillance généralisée et le contrôle permanent , principalement des populations les plus en difficulté.

Rien n’échappe à cette offensive idéologique impliquant des professions diverses : les rapports concomitants du Syndicat national des commissaires de police (SNCHFPN),de l’INSERM, et ceux du député Bénisti (2004 et 2005) aux ambitions différentes répondent cependant aux mêmes principes directeurs. Déterminisme social et rééducation précoce des enfants étiquetés comme « déviants » s’y affichent et les solutions préconisées, fondées exclusivement sur une vision comportementaliste, importées des Etats-Unis, frappent par leur simplisme et leur non-prise en compte de la spécificité de l’enfant, scruté comme si les parcours étaient linéaires et comme s’il s’agissait d’un adulte miniature. Juridiquement, cette offensive sécuritaire a principalement conduit jusqu’à présent à un durcissement des lois pénales : au nom d’une lutte contre « les évolutions de la criminalité » (loi dite Perben 2 du 9 mars 2004), contre « la récidive » ou contre « le terrorisme », c’est en fait une politique du tout-répressif et du tout-carcéral qui se met en oeuvre, menaçant les libertés de chacun.

Mais le durcissement du droit pénal ne suffit pas aux promoteurs de cette politique : il faut encore mettre au pas la société entière, et en premier lieu les nouvelles « classes dangereuses » (habitants des quartiers populaires, mineurs, étrangers ou d’origine étrangère). Pour cela, il faut instrumentaliser les professions en contact permanent avec ces populations (éducateurs, travailleurs sociaux, animateurs, personnels de l’Education nationale, personnels médico-sociaux), comme l’institution judiciaire a pu être instrumentalisée en matière pénale. Les outils sont connus : veille éducative, obligation pour les personnels concernés de signaler les difficultés des familles au Maire. L’objectif est bien d’exercer un contrôle et une surveillance généralisés, au mépris du droit des familles de pouvoir être aidées par des personnels sociaux et soumis au secret professionnel.
Après un premier recul en 2003 grâce à la mobilisation des personnels concernés, un projet de loi « pour la prévention de la délinquance » est annoncé par le Ministre de l’Intérieur pour la fin de l’année. Il a déjà été annoncé que la remise en cause du secret professionnel serait de nouveau à l’ordre du jour. Au nom de la prévention de la délinquance , les travailleurs sociaux et éducateurs, les magistrats, les personnels de l’Education nationale, les personnels médico-sociaux sont censés mettre en fiche les citoyens et « échanger » au mépris du respect des personnes. Mais là encore, la loi ne peut pas tout et ce projet s’accompagne d’un conditionnement des esprits qui vise à brouiller les identités professionnelles : des chercheurs de l’INSERM axent leurs recherches sur « les troubles de conduite chez l’enfant et l’adolescent » en centrant leurs propos, non sur la souffrance du sujet, mais sur les risques d’entrée dans la délinquance que ces troubles engendreraient, des commissaires de police se font spécialistes de la psychologie de l’enfant pour l’occasion en indiquant que les signes faisant craindre une entrée future dans la délinquance peuvent et doivent être détectés… dès la crèche.

Plus sérieusement, cette tentative de brouillage des identités professionnelles paraît être le dernier outil en date pour imposer une politique inégalitaire, discriminatoire et liberticide. Nous, travailleurs sociaux, éducateurs, magistrats, personnels de l’Education nationale, psychologues, psychiatres, personnels médico-sociaux, demandons :
– l’abandon de la politique sécuritaire et de contrôle et de surveillance généralisés au profit d’une politique sociale volontariste en faveur des populations les plus en difficulté,
– l’abandon du projet de loi pour « la prévention de la délinquance » tel qu’il est aujourd’hui annoncé,
– la consécration du droit des familles à s’adresser à des travailleurs sociaux soumis au secret professionnel,
– l’abrogation des lois Perben et de la loi sur la récidive

Nous appelons à résister au conditionnement sécuritaire et aux atteintes qui se multiplient contre la nature même du travail social et contre les libertés.
_ CNU Le 10 novembre 2005

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http://www.abri.org/antidelation/

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