ARRESTATIONS DE MASSE ET RÉPRESSION JUDICIAIRE

Le document promet d’abord une « plus grande mobilité des forces, pour mettre fin aux exactions et interpeller les auteurs de violences ». Donc plus de charges, plus d’attaques de cortèges, plus de manifestants trainés au sol, plus d’arrestations. Le rapport met en avant la « réactivité en recourant notamment à des unités spécialement constituées disposant de capacités de mobilité élevées ». Donc les policiers les plus violents : BAC, BRAV, et unités de type RAID déjà déployées sur certaines manifestations pour aller au contact.

« Une attention particulière doit être portée à la dimension judiciaire des opérations », avec des équipes de magistrats directement intégrées au maintien de l’ordre dès les manifs. La fin officielle de la prétendue séparation des pouvoirs. Un accent est mis sur « la préservation des traces ou indices » notamment par « la police technique et scientifique » et « le déploiement de moyens vidéo systématique ». Les opposants traités avec les moyens du crime organisé, la haute technologie et une efficacité absolue. Bien loin, par exemple, de la réactivité pour agressions sexuelles …

Toujours dans le domaine judiciaire, le document préconise la généralisation des « procédures rapides » de type comparutions immédiates, et des interdictions de manifester. Une justice toujours plus expéditive et au service de la police.

ARSENAL MODIFIÉ ET RENFORCÉ

Le schéma confirme d’abord « l’intérêt de l’emploi des moyens et armes de force intermédiaire au maintien de l’ordre ». C’est à dire l’arsenal mutilant tiré sur la population. Le rapport reconnaît tout de même le danger extrême des grenades GLI F4 et GMD, contenant de l’explosif militaire. C’est pourquoi « des moyens innovants sont continuellement étudiés et mis en œuvre ». Autrement dit, plutôt que d’abandonner ces grenades, elles sont remplacées par d’autres munitions explosives du même type. En ce qui concerne les tirs de balles en caoutchouc, le rapport annonce que les tireurs de LBD auront « des superviseur sauf en cas de légitime défense ». Problème : officiellement, le LBD doit être utilisé seulement et uniquement en cas de légitime défense. Cette annonce révèle donc que les policiers tirent régulièrement sans être menacés.

L’arsenal lourd va être considérablement durci, puisque « l’engagement de moyens aériens (hélicoptères, drones) devra être développé » et « les moyens spéciaux de type engins lanceurs d’eau ou véhicules blindés méritent d’être renforcés » puisqu’ils ont « prouvé leur intérêt ». Attendons nous à de nouvelles dépenses pharaoniques pour la répression.

DE NOUVELLES VICTIMES DÉJÀ ANNONCÉES

Un passage troublant annonce la mise en place « d’un référent chargé de l’appui aux victimes, qui n’ont pas pris part aux affrontements avec les forces de l’ordre et cherchent à obtenir réparation pour les dommages subis ». Derrière cette fausse concession, un aveux gravissime : le gouvernement reconnaît qu’il va faire d’autres blessés, et même des blessés qui ne participent pas aux manifestations. Il n’a aucune intention d’empêcher ces drames : il créée des référents, probablement pour dédommager ces victimes avant qu’elles ne sollicitent les juridictions compétentes.

LA FIN OFFICIELLE DE LA LIBERTÉ DE LA PRESSE

Plusieurs passages sont consacrés aux journalistes. Le rapport préconise « une meilleure connaissance mutuelle » entre police et médias. Pourtant, les journalistes officiels font déjà tous leurs reportages du côté des forces de l’ordre. « Un officier référent peut être utilement désigné au sein des forces et un canal d’échange mis en place avec les journalistes, titulaires d’une carte de presse, accrédités auprès des autorités ». Des « exercices conjoints permettant aux forces d’intégrer la présence de journalistes dans la manœuvre » sont aussi prévus. Un pas de plus assumé vers la fusion entre médias dominants et police.

Plus grave : « Il importe de rappeler que le délit constitué par le fait de se maintenir dans un attroupement après sommation ne comporte aucune exception, y compris au profit des journalistes ou de membres d’associations ». Autrement dit : n’importe quel journaliste couvrant une manifestation pourra être arrêté au bon vouloir des forces de répression. Une mesure dictatoriale. Même dans certains régimes autoritaires la presse peut couvrir les rassemblements.

GÉNÉRALISATION DE LA POLICE POLITIQUE

Le rapport met l’accent sur la police politique : « les services de renseignement jouent un rôle primordial dans le dispositif de gestion de l’ordre public », ils permettent « ’amélioration de l’anticipation et du suivi des mouvements de contestation ».

« Ces services sont chargés d’assurer un suivi dans la durée des mouvements contestataires les plus radicaux, à l’origine d’actions violentes voire d’envisager la dissolution de certains groupes constitués ». Les barbouzes qui infiltrent et espionnent les militants, souvent en toute illégalité et avec des méthodes abjectes, pourront donc faire dissoudre des collectifs. De pire en pire.

MOYENS ANTITERRORISTES

Le meilleur pour la fin : le rapport veut envoyer au contact des manifestants des unités qui peuvent « combiner résistance au choc et manœuvres en mobilité ». Il propose l’engagement « des Sections de protection et d’intervention 4e génération (SPI4G – CRS) et les pelotons d’intervention (EGM) » pour « procéder à des interpellations […] Des travaux seront conduits pour améliorer encore leurs capacités de mobilité. » Petit problème : la SPI4G est une section spéciale, militarisée, intégrée aux CRS et créée après les attentats officiellement pour « intervenir sur des risques de tuerie de masse ». Le gouvernement assume donc d’envoyer la police antiterroriste pour mater les opposants.

Le rapport ajoute : « elles peuvent bénéficier de l’appui de moyens vidéo SARISE », c’est à dire « système autonome de retransmission d’images pour la sécurisation d’événements », des moyens de surveillance de pointe, eux aussi conçus pour contrer la menace terroristes.

Dormez bien, la police veille.