En réponse à votre communiqué, nous souhaitons d’abord exprimer nos réactions quant à deux évènements qui ont, à raison, cristallisé les tensions entre nos deux groupes et dont nous sommes entièrement responsables. Il s’agit d’une part, de votre exclusion de la nouvelle AFA et d’autre part du commentaire illégitime et grave d’un de nos membres.

  Au moment de la refondation de l’Action Antifasciste Nantes en janvier 2019, alors même que vous étiez partie prenante de ce projet, il fut acté que la composition du groupe reposerait sur des logiques affinitaires et que ses membres ne pourraient appartenir à d’autres organisations locales. Au vu des enjeux de pouvoir existants dans le milieu militant, cela apparaissait à ce moment précis comme la meilleure solution pour rester un groupe politique à part entière et indépendant. Cette décision nous apparaît aujourd’hui politiquement problématique puisqu’elle a conduit à l’exclusion de votre collectif antiraciste, structurant notre groupe dans un entre-soi blanc qui le caractérise encore aujourd’hui. L’antiracisme est au cœur de nos ambitions antifascistes et nous comprenons que nous ne pouvons le faire sans les premièr.e.s concerné.es. Nous regrettons cette prise de position qui a conduit à votre exclusion du projet de la « nouvelle AFA ».

S’agissant maintenant d’un des commentaires injurieux dont vous avez été victimes («Ouin, ouin ! L’entre soi blanc.»). L’auteur est effectivement un militant de notre groupe.
6. Nous condamnons fermement ce commentaire et son auteur, que nous avons décidé d’exclure temporairement du groupe, tant que des excuses individuelles ne vous auront pas été faites. À titre collectif, nous présentons nos excuses à l’ensemble du collectif Racine, pour ce commentaire inacceptable.

   Nous tenons maintenant à rétablir la vérité sur des accusations qui ne nous concernent pas et qui traduisent selon nous, une réelle confusion s’agissant de la composition de notre groupe :

  – Avant tout, merci de bien vouloir noter que notre groupe est mixte sur le plan du genre. Considérer notre groupe comme un groupe d’hommes cis est une erreur et nous invisibilise en tant que femmes et militantes antifascistes. Nous ne prétendons pas évoluer au sein d’une organisation où les comportements sexistes et virilistes n’existent pas mais notre investissement participe à leur limitation et à leur remise en question.

  – Ensuite, nous vous informons que la personne qui vous a agressé à l’occasion d’une réunion, en vous accusant d’être « racialistes », ajoutant qu’elle avait « combattu le racisme avant vous » n’a jamais fait partie de l’AFA. Aucun lien affinitaire existe entre elle et nous, aucun membre du groupe n’a surenchérit après qu’elle se soit exprimée à cette réunion et cette personne n’a jamais fait l’objet d’une quelconque marque de soutien ni sur le moment, ni plus tard. Bien que, sur le moment, cette agression nous ait individuellement indigné.e.s, nous regrettons l’absence de condamnation ferme et collective de notre part.
  – Sachez aussi, qu’aucun.e d’entre nous ne s’est montré.e intimidant.e ou menaçant.e à votre égard, IRL ou sur les réseaux. Concernant le second commentaire dont le screen a été joint à votre lettre ouverte (« Yo faut qu’on parle. Ton com c’est pas possible. Donc je vais te demander de le supprimer pour qu’on parle irl comme ça pas de fuite sur les réseaux»), encore une fois, il ne s’agit pas d’un de nos membres. A la suite de votre texte, nous nous sommes consulté collectivement recherchant chaque faute individuelle en prenant très au sérieux vos accusations. Nous aimerions donc comprendre pourquoi vous nous attribué ce commentaire, évidemment condamnable et inexcusable.

   – Du reste, merci de noter que contrairement à ce que vous prétendez, à l’occasion de l’occupation de la fac, les membres actuels de l’AFA n’ont jamais eu de contacts avec vous.

   – Des personnes, qui font effectivement partie de l’AFA aujourd’hui, sont parties à l’arrivée de la police puisqu’elles portaient du matériel préjudiciable mais ce départ ne traduisait pas un manque de soutien aux étudiant.e.s en lutte mais bien une volonté d’éviter des conséquences judiciaires.

  – A l’occasion de la manifestation que vous avez initié le 19 janvier 2019, aucun membre de l’AFA n’a exclu des personnes de Racine. Si vous avez été exclues par des personnes ce jour là, il ne s’agissait pas de membres de notre groupe.

   – S’agissant maintenant de cette banderole au symbole antisémite déployée sur la fac à l’occasion d’une soirée organisée par le mouvement étudiant, nous réaffirmons notre absence de responsabilité. Vous ne connaissez ni la composition de notre groupe, ni l’histoire personnelle et familiale de chacun de ses membres. Nous ne rentrerons pas dans des considérations biographiques pour autant, mais nous ne vous permettons pas de nous accuser d’antisémitisme à propos d’une banderole que nous n’avons ni fait, ni vu (puisque nous l’avons découverte sur les réseaux assorties de vos accusations) et dont une personne qui n’a aucun lien avec nous a d’ailleurs assumé publiquement la création.

  – Dans votre lettre ouverte, vous présentez un sticker « Antifa Beach Club » que vous associez à notre groupe. Ce sticker a été produit par Communication Antifasciste non pas par l’AFA. L’AFA n’a jamais rien vendu, ni sticker, ni vêtement. Cependant, nous considérons que la vente de matériels politiques est légitime à condition qu’elle participe à une diffusion politique cohérente et/ou que les bénéfices permettent de soutenir les luttes et d’aider ceux et celles qui s’y engagent à faire face à la répression.

  – Vous affirmez dans votre lettre que nous posons sur la photo du blocage du lycée des Bourdonnières, affichant le drapeau breton « Gwenn ha du ».
D’une part, cela est faux, aucun membre de l’AFA n’est sur cette photo. Cette initiative a été portée par des lycéen.ne.s : il s’agissait pour ce blocus, d’apporter un maximum de drapeaux qu’iels brandissent sur la photo. Drapeau de la Serbie, de l’Algérie, du Mexique côtoient donc le drapeau Breton.
D’autre part, vous présentez ce drapeau comme un symbole fasciste que nous aurions volontairement déployé. Pour nous, il est le symbole de la Bretagne, ancré en ce sens dans l’imaginaire collectif, popularisé d’ailleurs par certains mouvements sociaux. Ce drapeau a bien fait l’objet de réappropriation de la part de militants d’extrême droite mais sous d’autres formes. Il semble en tout cas être un objet difficile à cerner mais sachez que nous ne nous serions pas permis.ses de faire la leçon aux lycéens et lycéennes qui avaient pris l’initiative de le déployer.

– Sachez enfin qu’aucun membre de notre groupe n’a jamais prétendu que nous étions «indispensables politiquement» et que sans nous «la ville de Nantes serait remplie de fascistes». Il serait absolument ridicule de le penser, nous sommes d’accord sur ce point. 
Nous agissons et nous organisons à notre niveau pour empêcher l’extrême-droite de proliférer dans nos rues, mais il est évident que ce n’est pas suffisant et que l’antifascisme est l’affaire de toutes et tous.

 Nous allons maintenant tenter de répondre à des accusations qui concernent effectivement notre groupe dont nous voulons nous défendre afin d’affirmer nos positions politiques.

 – Tout d’abord, il semble qu’il soit nécessaire de faire la lumière sur notre nouveau logo apparemment sujet à interprétation. Il y a quelques temps en effet, à mesure que notre groupe se construisait politiquement/affectivement, nous avons décidé de revoir notre esthétique afin de nous démarquer définitivement de l’ancienne AFA nantaise. Nous avons fait le choix d’un bateau pour notre nouveau logo. Ce bateau était pour nous, ni plus, ni moins, qu’un bateau de pirates, censé exprimé ce que la piraterie peut représenter pour nous, à savoir une volonté illégaliste de s’affranchir des règles pour un espoir de liberté. Au regard du passé esclavagiste de la ville de Nantes, nous nous rendons compte que ce choix était effectivement maladroit et nous nous excusons auprès des personnes qui ont pu être blessées par ce nouveau logo. Néanmoins, prétendre que nous y-avions vu un bateau négrier est faux.

– S’agissant à nouveau d’esthétique, il est vrai qu’une partie du groupe revendique un goût pour le style « casual » que nous pouvons effectivement retrouver chez nos ennemis politiques. Il est problématique de penser que vous ou d’autres personnes aient du mal à nous différencier d’elles.eux. Néanmoins, nous assumons cette culture de l’antifascisme moderne qui refuse que ces codes populaires deviennent l’exclusivité de nos ennemis.

Cette culture casual est en effet celle du football populaire, portée par des jeunes issus en majorité de la classe ouvrière. Cette culture populaire est en fait bien plus qu’un style vestimentaire, elle porte une potentialité révolutionnaire forte. À Paris, par exemple, la tribune Auteuil, «cosmopolite et fière», regroupant beaucoup de jeunes de quartiers populaires, s’est construite en opposition à la tribune Boulogne, « blanche et nationaliste », dont l’accès était interdit aux non-blancs. Une partie des ultras du virage Auteuil fait encore aujourd’hui face à l’extrême-droite dans les rues de Paris et fait vivre les luttes antifascistes. Des révolutions arabes aux révoltes chiliennes, le mouvement ultra a été en première ligne de nombreux soulèvements populaires à travers le monde. En tant qu’antifascistes, issu.es en majorité de la classe ouvrière, nous nous identifions en partie à cette culture dont nous contestons les tentatives de réappropriation et de détournement typiques de l’extrême-droite. C’est pour ces raisons que certains membres de notre organisation revendiquent leur appartenance à cette culture populaire qui se traduit dans des codes vestimentaires, des façons de s’organiser et de tenir la rue. Malgré cela, nous ne nions pas les contradictions qui la traversent (comme pour le reste de la société), mais nous soutenons qu’il est nécessaire de les travailler tout en affirmant l’importance fondamentale des contre-cultures populaires. Nous espérons que ces explications feront lumière sur cette prétendue fascination vis-à-vis de la culture fasciste et paramilitaire dont vous nous accusez et que nous refusons catégoriquement.

– Vous nous reprochez ensuite notre absence sur le terrain face aux fafs. Sachez d’abord que, suite à des critiques considérant que les photos de « poseurs – poseuses » publicisées pour illustrer nos mobilisations dans la rue traduisaient une conception viriliste de la politique de terrain, nous n’en avons pas posté depuis longtemps sur notre page. Ce qui ne signifie pas que nous avons cessé d’occuper la rue dans la perspective d’une vigilance antifasciste.
Par ailleurs, nous considérons que ce type d’images peuvent parfois être utiles : d’abord, elles permettent de diffuser et de promouvoir les pratiques de vigilance antifasciste ; ensuite, elles participent à une contre-information face à la propagande d’extrême-droite qui se targue d’occuper et de s’approprier des espaces au sein de nos villes.

– A ce sujet d’ailleurs, prétendre que rien n’a changé depuis la création de notre groupe est une chose, nous imputer l’augmentation d’actions fascistes comme l’attaque d’un bar en est une autre. Nous ne prétendons pas être le seul groupe politique nantais à faire de l’antifascisme et nous ne tenons pas pour responsables les groupes politiques locaux qui tenaient cette ligne avant nous. Nous n’avons jamais prétendu que notre existence empêcherait ce type d’agression et nous refusons d’être tenu.es pour responsables de ces violences. Nous avons conscience de la fascisation de la ville de Nantes et de sa police, d’où la nécessité pour nous de continuer à nous organiser face à l’extrême-droite. 

– Enfin, puisque vous considérez que notre page «n’est majoritairement qu’une vitrine de tags», sachez que nous revendiquons, tout comme la culture casual, que celle du graffiti soit effectivement ancrée dans nos pratiques. Le graffiti, en effet, est un moyen politique pour nous de soutenir des personnes, des causes, des luttes. Il s’agit aussi d’une contre-culture populaire qui permet de faire passer des messages politiques. La pratique du graff fait également face à la tentative de réappropriation, non pas cette fois de l’extrême-droite, mais de la bourgeoisie qui tente d’en faire un art élitiste et onéreux. Réaffirmer le caractère populaire de cette pratique, c’est s’opposer à sa gentrification. Pour des personnes de notre groupe, le graffiti a même été un premier vecteur de politisation. Nous estimons que si certain.e.s maîtrisent cette pratique, alors il est utile et avantageux pour nous de pouvoir compter sur cette expérience. Nous revendiquons donc évidemment l’utilisation politique du graffiti.

   L’Action Antifasciste Nantes est un jeune groupe politique qui s’est construit sur le mouvement des Gilets Jaunes. C’est au rythme des manifestations hebdomadaires que le groupe s’est formé. On peut comprendre cette formation à la fois comme l’opportunité d’une politisation de jeunes militant.es participant au mouvement des Gilets Jaunes et comme une réaction à la présence de l’extrême droite au sein du mouvement. Au départ, les objectifs du groupe se fixaient sur l’action de terrain et de rue, sans ressentir la nécessité de porter une réflexion aboutie sur les enjeux politiques à long terme, considérant toutefois, au regard du contexte des Gilets Jaunes, la nécessité de porter des positions antifascistes.

  Depuis, le groupe a tenté de se structurer au-delà du mouvement social et au fil des évènements internes et notamment de sa recomposition. Nous ne sommes pas concerné.es individuellement par les violences racistes mais continuons de considérer les enjeux de la lutte antifasciste comme une nécessité pour soutenir toutes les personnes qui subissent les conséquences des systèmes de domination en place qui font de cette société, une société fascisante. C’est pour ces raisons que nous considérons indispensable de tenir une ligne politique antifasciste de terrain dans nos sociétés capitalistes et impérialistes et qu’à ce titre, nous ne pouvons accepter votre injonction à «renoncer dès à présent à toute utilisation du nom et des symboles de l’antifascisme». Notre groupe fait majoritairement partie de cette masse de travailleurs et travailleuses précaires qui consacre du temps, comme elle le peut, à nourrir des ambitions politiques sans prétentions intellectuelles. Évidemment, notre groupe est traversé par des contradictions et des lacunes que nous tentons de comprendre, de questionner, de dépasser. Nous n’avons bien sûr pas la prétention de devenir une force politique hégémonique mais nous efforçons avec les moyens dont nous disposons d’être les plus efficaces possibles.

  Notre antifascisme ne se joue pas sur le seul terrain des idées. D’abord, parce que notre bagage universitaire collectif ne s’y prête pas et que nous n’intervenons pas dans le champ du savoir, celui de la recherche ou à l’université. Mais aussi parce que nous privilégions l’action directe comme moyen de combattre le fascisme. Cela n’implique pas que nous cultivions « le vide idéologique » dont vous nous accusez. Nous intervenons à partir de notre réalité et de notre quotidien, qui se traduisent par des pratiques concrètes, c’est à dire, dans la rue, sur et depuis nos lieux de travail, en soutien aux luttes locales, par le biais des contre-cultures populaires dont nous portons l’héritage. Cependant, nous n’opposons pas nos formes de lutte antifasciste à celles des autres, que nous considérons complémentaires et nécessaires.

 
 Notre groupe a connu beaucoup de changements depuis sa création. Des personnes en sont parties parce qu’elles ne se sentaient plus à leur place ou suite à des évènements conflictuels. D’autres sont arrivées plus ou moins récemment. La composition de l’AFA n’a donc rien à voir avec celle que vous avez connu à sa création. C’est pourquoi, certains.nes d’entre nous, qui n’avaient aucune idée des enjeux de la rupture entre nos deux groupes, sont totalement dépassé.es par votre lettre ouverte.

Si nos excuses et justifications peuvent vous sembler simplistes ou grossières, elles sont pourtant sincères. Ne croyez pas que nous nous jouons de la situation, bien au contraire, nous avons pris très au sérieux le contenu de votre communiqué et prenons acte de chacune de vos remarques.

Nous réitérons ici notre proposition de rencontre dont votre lettre ouverte semble avoir été la réponse. Nous vous assurons qu’aucun membre de ce groupe n’a jamais prétendu régler des différents politiques en « cassant des bouches ». Sachez aussi que, si vous acceptez cette rencontre, vos conditions seront les nôtres. Entendons par condition, la date, l’heure, le lieu et le nombre de personnes présentes.

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