Mille Bâbords est un lieu associatif militant à Marseille qui se donne pour but de rassembler toutes les tendances de la gauche, « toutes les pensées et mouvements engagés dans une critique et une lutte contre les différentes formes d’exploitation, d’oppression, d’injustice, d’aliénation physique et morale »

Concrètement, Mille Bâbord dispose de locaux qui servent à de nombreuses associations et groupes politiques, pour faire des réunions ou des débats publiques, et pour collecter et mettre à disposition un large fond documentaire. Dans sa charte, mille bâbord défend le pluralisme et exprime le souhait qu' »aucune tendance [entrant dans le champs politique balisé par la charte] ne devrait se voir refuser une place dans le corpus proposé, ni aucun militant au sein de l’association »

« une condition primordiale à l’adhésion à Mille Bâbords et à l’engagement dans son fonctionnement est l’acceptation de ce principe de pluralisme : chacun doit savoir que, dans le respect des objectifs de l’association, il a sa place à Mille Bâbords, pour peu qu’il ne conteste pas à l’autre d’y avoir sa place aussi. »
Les limites de cette ouverture ? « Seront exclues du fond documentaire les dérives contraires à des principes fondamentaux d’honnêteté intellectuelle, d’humanisme et de progressisme (révisionnisme, racisme, tendances nationalistes, fascisantes ou intégristes…). »

C’est là que les choses se compliquent. Si les fascistes n’ont pas le droit d’adhérer à l’association, mais que personne n’a le droit de contester la place des autres, qui peut dire qu’un.e autre adhérant.e ou une autre association est révisionniste, raciste, nationaliste, fascisante ou intégriste ?

Ah mince, on a confondu deux choses, la liste au dessus, c’est pas pour empêcher l’adhésion, mais l’apport au fond documentaire. Bon, en vrai, on ne connais pas en détail le fonctionnement de Mille Bâbords. L’adhésion, elle, semble limitée par un vaste champ politique décrit dans la charte. La question reste la même, qui détermine qui a sa place dans l’asso, ou pas ?

Mais bien sûr, ce sont des questionnements qui traversent tous les groupes politiques. Quel degrés d’ouverture, quelles ruptures est-ce qu’on pose et avec qui ?

Dernièrement, Etienne Chouard a été invité à faire une conférence à Mille Bâbord.

Etienne Chouard est un militant politique qui prone une assemblée constituante tirée au sort et la mise en place du référundum d’initiative populaire. Il se dit anarchiste et d’ultragauche.

Il a fréquenté la mouvance d’Alain Soral et les réseaux complotistes, participant par exemple à une conférence de Reopen911 [mouvement qui remet en cause les attentats de New York], ou faisant lui-même l’apologie du Venezuela d’Hugo Chavez.

Lors de la dernière élection présidentielle, il a soutenu le candidat François Asselineau et l’UPR [Union populaire républicaine] dont il est proche, et s’est félicité de l’élection de Donald Trump pour avoir fait éclater les consensus. Il entretient encore des relations avec la droite nationaliste et avec une partie de la gauche radicale développant l’idée d’un « ‘populisme’ et d’un ‘souverainisme’ transpartisan ».¹

Etienne Chouard est donc ce qu’on appelle un confusionniste, quelqu’un qui brouille les lignes politiques entre la gauche et la droite, l’extreme gauche et l’extreme droite, souvent au profit de cette dernière. Pour cette raison, de nombreux groupes politiques militants voient en Etienne Chouard un ennemie politique.Le choix de Mille Bâbord d’offrir un espace de parole à Etienne Chouard questionne donc, voir mets en colère des groupes qui font un long travail politique pour réduire l’influence de gens comme Chouard.

Nottons tout de même qu’à côté de ça, pluralisme politique oblige, le site internet de Mille Bâbords a publié un article qui dénonce Etienne Chouard comme un confusionniste proche de Soral

Jusqu’à quel point doit-on rechercher le pluralisme politique ? Doit-on réduire l’influence de Chouard et comment ? Comment réagir quand un lieu militant comme Mille Bâbords donne la parole à des gens proches de l’extrême droite ?

[1] Source, le nouvel obs