Avant un retour sur le procès, quelques chiffres donnant une idée de l’intensification de la répression qui s’est une nouvelle fois illustrée dans cette affaire. Donc, après une poignée de farine jetée sur la mairesse, ce fut :

* Deux interpellations violentes suivies de deux gardes à vue, pour la même personne, à deux jours d’intervalle. La première fois, poursuivie par la BAC à la fin d’une manifestation, elle est rattrapée, étranglée et soulevée du sol via une clé de bras à la gorge faite par un type qui s’éloigne ensuite du groupe de baceux auquel il l’a remise… Parce qu’il ne portait pas son brassard ou bien parce qu’il s’agit d’un énième barbouze qui n’avait rien à faire là (voir les deux photos prisent ce jour là) ? La seconde fois, à peine sortie de sa première garde à vue, elle se rends au rassemblement organisé devant le commissariat de Waldeck Rousseau en soutien à une personne qui risque la déportation. Une douzaine de baceux déboule en direction des soutiens puis fonce sur la jeune femme. Quatre la saisissent par les membres et la trainent jusque dans le commico tandis que leurs collègues menacent les personnes alentours en brandissant leurs matraques.

* Une longue traque de l’enfarineur entrainant trois perquisitions dont les locaux d’une association (cynophile sur place et portes cassées, traumatisme pour certaines personnes présentes), ainsi que le domicile de parents (situé à 1h30 de Nantes!), et son ancien domicile dans lequel les habitantes ont vu, perplexes, les flics cassé (encore) la porte d’entrée ;

* deux téléphones géolocalisés pendant plusieurs jours ;

* 75h de garde à vue au total ;

* deux déferrements avec passage devant le juge des libertés et détention qui décide alors du placement sous contrôle judiciaire des prévenu.e.s ;

* cinq heures au tribunal pour finir par un verdict dégueulasse qui fera en partie jurisprudence.

En 2016, Manu Valls avait supporté son enfarinage avec humour, reconnaissant là un geste s’inscrivant dans une longue tradition (pensée aux familles des nombreuses tartes à la crème ayant fini leurs existences sur la face de Bernard Henri Levy) : « C’était de la farine sans gluten, donc j’apprécie l’attention, (…) c’est les joies de la campagne ». Mais Johanna Rolland n’a semble-t-il pas été sensible au caractère biologique de la farine. Elle porte donc plainte, et avec elle son adjointe Bassal qui attribue de façon tout à fait fantasque des propos putophobes à une militante présente. Elles seront soutenues par un certain Castaner, ministre de l’Intérieur dont les soldats mutilent sans relâche depuis plusieurs semaines les Gilets Jaunes, qui osera dire « rien ne peut justifier la violence ».

Car c’est bien pour « violences aggravées » qu’a été jugé l’enfarineur. Ce dernier a rappelé que si de violence il s’agit, c’est celle de la police municipale qui traque les exilé.e.s, les réveillant au petit matin en leur piquant leurs couvertures. Celle des services de la métropole qui barricadent les jardins et squares pour empêcher les gens à la rue d’y trouver un ridicule refuge. Celle d’une mairie qui, main dans la main avec la préfecture, promets aux habitant.e.s de l’ancien squat Brea un centre d’hébergement inconditionnel afin de se débarrasser du problème… pour finalement mettre en place un centre de tri avec à la clé remises à la rue pour des centaines de personnes et déportation en centre de rétention pour d’autres. C’est bien en réponse à ces violences institutionnelles répétées qu’un peu de farine a été jeté sur Johanna Rolland, un geste tellement banal et symbolique…

Hier la justice de classe s’est encore exprimée entre un juge méprisant (« vous comptez faire quoi de votre avenir ? » ; « vous vivez chez votre mère, vous êtes sdf, peut être sdf à mi-temps, on ne sait pas trop ? ») et une procureure hypocrite (« le droit d’expression existe tout comme le droit de manifester comme on le constate en ce moment »). Cette dernière alla jusqu’à mettre dans le même sac la supposée violence de ce jet de farine aux oppressions systémiques que sont le racisme, le sexisme et l’homophobie ! Et demande quatre mois de prison avec sursis pour la farine et 600e d’amende pour l’outrage.

Verdict : une condamnation sur un dossier bancal pour l’outrage avec 300 euros d’amende et 1e de dommages ; un mois de prison avec sursis, 150e d’amende et 1e de dommages pour l’enfarineur.

Décision historique : c’est la première fois qu’un tribunal condamne un enfarinage. Sachez le, si vous souhaitez commettre ce crime de lèse majesté, une jurisprudence existe dorénavant.

Les soutiens, venus en nombre, furent choqués et l’ont exprimé. La CDI présente sur place s’est empressée de venir dégager tout le monde… L’un d’eux est reconnu et on ne se prive pas de lui dire : il était dans l’arrière cour du restaurant gazé samedi dernier, et s’est permis de peloter une nana en usant de fouille comme prétexte. Tandis que les manifestant.e.s étaient allongés au sol, mains sur la tête… Police Justice, toujours complices.

Cette longue après midi s’est clôturée dans la violence d’un enfarinage collectif et avec une prise de risque énorme des militant.e.s présent.e.s qui ont osé enfariner une effigie de Jojo et « chambouler » le gouvernement, risquant ainsi de nouvelles interpellations (pensée sincère aux personnes qui se sont retrouvées en garde à vue car soupçonnées d’avoir tapé sur un mannequin représentant Macron, à Nantes, en avril dernier).