En effet, ce qui émerge des procédures « périphériques » est que les flics essayent de lier le plus de personnes possible entre elles et donc avec les délits contestés (ou d’autres, qu’ils gardent comme des atouts dans leurs manches). Ils ont évidemment besoin d’un peu de monde pour rendre crédibles deux (?) « associations ». Mais qu’en serait-il si, au lieu d’un d’un apin, sorti du fameux chapeau du magicien, les enquêteurs sortaient le blase d’une (ou plusieurs) personne(s) qui serai(en)t accusée(s) dans les deux affaires en même temps ? Un tour de passe-passe, bien sûr, le leur, mais qui pourrait avoir de lourdes conséquences. […]

La confirmation du fait que d’autres personnes seraient recherchées (on ignore pour quelle raison, mais personne n’est dupe des machinations de la part de la Justice et de ses flics), nous parvient en août. Ou plutôt en septembre. Le 9 août, la brigade des stups débarque au squat Awanhee de Grenoble. Le compte-rendu du collectif du lieu laisse penser à un emmerdement malheureusement assez « normal ». Mais d’autres infos sont rendues publiques un mois plus tard, quant au fait que les flics chercheraient une personne précise, dont ils avaient une photo, et qu’un micro a été trouvé dans le salon du squat (placé pendant la perquis’ ou avant, impossible de savoir). Donc, les stup’ sont bien une excuse, mais pas pour un emmerdement « normal », plutôt pour des enquêtes en cours à Grenoble et ailleurs.

C’est un peu comme si les enquêteurs agissaient tel un gribouilleur fantaisiste devant une toile blanche. Un coup de pinceau par-ci, un coup de pinceau par-là, un autre là encore. Il n’y a qu’ébauche du tableau final (ils peuvent le modifier à dessein), mais on parvient cependant à le deviner.

Des craintes qui s’alimentent d’elles-mêmes

Il est toujours difficile de savoir comment se comporter face à une opération répressive. Quoi dire ou pas, quoi faire ou pas, pour ne pas compliquer encore plus les choses ? Cela est d’autant plus délicat quand ce sont d’autres personnes qui sont frappées et chacun de nous ne doit pas se rapporter seulement à son éthique individuelle, mais aussi tenir compte de leur avis. Il ne faut pourtant pas tomber, selon moi, dans un discours du type : « le choix va exclusivement aux personnes directement concernées par la répression ». Non, le choix des manières avec lesquelles affronter l’État va à toutes les personnes qui le font en actes, pas seulement aux personnes que la Justice vise aujourd’hui. Si la répression qui frappe quelqu’un amorce la rage d’autres personnes, c’est en premier lieu à celles-ci de décider de la forme que leur action doit prendre.

J’ai l’impression qu’il y a la tentative, de tous bords, de garder un silence chargé de crainte à propos de ces affaires répressives, comme si cela pouvait en arrêter l’avancée (une belle exception est le texte « À propos de communication publique, de silence obstiné et de tricot policier », publié sur internet fin juin 2018). Parfois, des infos ne sont pas rendues publiques (je pense au communiqué de l’Awanhee), même si elle touchent à des éléments de la plus grande importance. Certes, la peur face à la répression est légitime, et il faut savoir la fermer face à la police et la Justice. Mais dans le cas présent, il s’agit d’informations que les enquêteurs ont déjà qui sont tues à des personnes qui pourraient en avoir besoin, ne serait-ce que pour pouvoir exprimer leur solidarité en connaissance de cause. Les flics l’ont dit eux-mêmes aux journalistes, fin mars : si très peu d’infos filtrent, c’est pour éviter que la solidarité ne se développe.

Ce n’est jamais trop tôt pour réfléchir à comment répondre et à mon avis diffuser des informations que de toute façon les flics détiennent déjà est un début de réponse.

Si, en revanche, la crainte alimente la réticence, cette dernière alimente l’ignorance et l’isolement qui alimentent à leur tour la peur…

Cette spirale vicieuse est précisément un des objectifs de la répression. Rappelons-nous que le but de l’institution police-Justice (et médias, si nécessaire) n’est pas seulement de mettre des personnes derrière les barreaux, mais surtout de faire régner l’ordre ; dans ce cas spécifique, mettre un terme à cette ligne de feu qui se répand. Quoi de mieux que la peur pour aboutir à l’inaction, pour briser des complicités ? Quoi de mieux que l’incertitude, des menaces qui planent, pour créer de l’inquiétude, pour faire naître de la rancœur envers des individus définis comme des fouteurs de merde ? Et là le jeu de la répression marche à plein régime : ce n’est plus envers l’État que se dirige notre haine, mais envers ces personnes qui en sont la cible, comme si c’était de leur faute d’avoir attiré la répression.

Et alors, qu’est-ce qu’on fait ? On regarde ailleurs, on se dit que ce n’est pas le bon moment, parce que les flics sont sur les dents et leur attention est concentrée sur le « milieu » ? Ou au contraire on relance, pour que cette rage vengeresse se poursuive partout, en ville comme à la campagne ? Se disant qu’il n’y a pas de bons ni de mauvais moments, et que c’est maintenant le seul moment possible pour vivre ?

Et alors, mon poto ?

Je n’ai aucune solution prête à l’emploi. Juste l’envie qu’on continue à s’en prendre à l’existant. Une chose me semble pourtant sûre : garder le silence sur la répression, mettre la tête dans le sable, ne résout jamais rien.