La fin ou le début d’un mouvement ?

Il ne s’agit pas ici de distribuer des bons et mauvais points, de désigner des « responsables », des « coupables »ou des « traîtres », d’autres s’en chargeront, s’en chargent déjà. Et une fois cela fait, toutes les rancœurs et les règlement de comptes déversés, chacun-e sera le responsable, le coupable et le traître de l’autre : le réformiste ou « bourgeois, le « radical » et l' »anar »…

Tout le monde, sauf les autorités, état et département, qui cherchent depuis la décision d’abandon du projet, à réinstaurer leur « légalité », à savoir l’accaparement des terres au profit de la FNSEA, ce qui revient à détruire le bocage aussi sûrement qu’un aéroport de Vinci, et à faire disparaître toute trace d’autres organisations économiques et sociales possibles.

Il ne s’agit pas non plus d’afficher ici une « neutralité » qui renverrait tout le monde dos à dos. J’ai toujours considéré la lutte de Notre Dame des Landes comme dépassant largement la question de la construction d’un aéroport et donc une lutte qui ne s’arrête pas avec la décision d’abandon. Celle-ci change la nature du combat, pas sa fin. Un chapitre est clos, et qu’importe si pour certain-es il s’agit d’une « victoire citoyenne ». Laissons-les à leur autosatisfaction et réjouissons-nous que les lignes soient à nouveau claires. Mais n’a t’il pas toujours été évident qu’il y avait celleux contre un aéroport et celleux contre « Vinci ET son monde » ?

La question est maintenant de savoir comment aborder le second chapitre, celui de la construction.

Je ne suis plus tout jeune. J’ai traversé quelques décennies de désert. La lutte de NDDL m’est apparue comme une oasis, avec tout ce qu’elle comportait de potentialités. Mais je n’ai nulle envie de parler en ancien combattant, d’autant que j’ai abandonné tout discours idéologique et programmatique dès les années 70.

Une lutte n’est rien d’autre qu’un ensemble de subjectivités qui s’assemblent et s’affrontent selon les moments. Des grands moments de solidarité et des coups de gueule (et parfois de poings). Des moments d’euphories et d’autres de découragements. Des idées et des initiatives géniales et des conneries. Des puristes et des théoricien-nes vous la présenteront autrement, mais illes sont assis dans leur canapé. Mais celleux qui ont participé d’une manière ou d’une autre savent tout cela. Alors il nous faut faire avec. Les ami-es qui font des conneries restent mes ami-es parce que les seul-es qui n’en font pas sont les mêmes assis dans leur canapé. (Illes ne les font pas et se contentent de les dire)

Ce n’est pas nouveau. Il y a toujours eu, paradoxalement, dans toute lutte un phénomène d’autodestruction, le même qui menace aujourd’hui la « zad ». Parce que nos défaites sont souvent plus imputables à nous mêmes qu’à nos adversaires. Peut-être qu’à force de perdre, nous n’avons pas appris à gagner. Peut-être parce que notre seule le essence est la lutte, celle à laquelle on nous oblige et que nous ne savons évoluer que dans ce seul environnement.

Le choix qui se présente est simple: transformer une petite victoire (l’abandon de l’aéroport) en une plus grande, qui en appellera d’autres,en d’autres temps,en d’autres lieux. Il y a tellement de solidarités et de réseaux à construire….Ou rendre cette petite victoire amère et repartir vers des années de désert.

 

Il faut défendre la zad, oui, mais pas un simple territoire plus ou moins « libéré ». C’est un ensemble d’idées, de projets d’avenir à concevoir, à expérimenter, de réalisations. C’est beaucoup plus difficile que de s’opposer physiquement aux « forces de l’ordre ». Et je veux bien combattre encore, mais je veux savoir pourquoi.