Notons au passage l’heureuse invention de l’expression « outre-gauche », assez parlante, et qui évite un long et fastidieux débat sur les caractéristiques d’une hypothétique « ultra-gauche ».

L’autrice a réalisé un patchwork par thèmes, à partir des matériaux fournis par trente entretiens au long cours. Connaissant la difficulté du décryptage d’entretiens et de la reconstitution d’un chant à plusieurs voix, on peut dire que le résultat est remarquable.

Certes, traiter de questions vastes ou au contraire très précises, à partir de témoignages, dont on sait le caractère subjectif et anecdotique peut mener à des raccourcis dommageables. Tel est le cas, à mon humble et subjectif avis, du sort fait à l’Organisation révolutionnaire anarchiste (ORA), qui mérite mieux que d’être mise dans le même sac que les organisations léninistes.

Par ailleurs – on connaît mon irritabilité sur le sujet – je suis lassé de voir ressasser, ici sous la plume de Gilles Dauvé, la légende « communisatrice » selon laquelle envisager une révolution sans « période de transition » serait une nouveauté, alors qu’il s’agit du programme anarchiste de toujours.

Critique plus importante : parmi les nombreux thèmes abordés, qui firent l’ordinaire contestataire, de 1968 à la fin des années 1970, je ne trouve pas mentionnés les enfants et mineurs en lutte. Certes il est question d’école, mais justement pas des luttes qui la visaient directement (parmi d’autres institutions coercitives). Il faut en conclure probablement que parmi les trente personnes interrogées aucune n’a eu à en connaître. Dommage !

Ces remarques formulées, je ne peux que recommander la lecture de ce livre collectif – les interviewé·e·s sont anonymes, et c’est très bien ainsi – qui donne une image fidèle et vivante de l’ébullition d’une époque autrement « porteuse » de subversions diverses que le triste aujourd’hui.

——-

Lola Miesseroff a entamé une tournée de présentation, dont je pense qu’elle se prolongera toute cette année 2018.

Elle sera ainsi à Toulouse au local Camarade, 54, Bd Déodat de Sévérac, le dimanche 11 mars à 16h.