Juge : Stéphane LORENTZ
Asseusseur.e.s : Jeau RAVON et Aurélie DUROCHER
Procureur : Laurent FICHOT
Avocate des flics : Annie Hupé

T. est accusé de :
– Violence sur une personne dépositaire de l’autorité publique sans incapacité lors de manifestation sur la voie publique
– Participation avec arme à un attroupement par personne se dissimulant le visage afin de ne pas être identifiée
– Dégradations de matériel public et privé (supports publicitaires, abribus, lampadaires, automates…)
– Dégradation de sa cellule de GAV
– Outrages

Un flic est partie civile dans cette affaire, il s’agit d’un flic qui n’est pas BACeux mais qui est venu en renfort de la BAC ce jour là. Il se dit à la fois « victime » des violences et des outrages. Il n’est pas présent.
Nantes Métropole et la Tan sont aussi partie civile

T. avait été interpellé lors de la manif du 3 mai. Il avait refusé la comparution immédiate le 6 mai, et était ressorti avec un contrôle judiciare (voir CR du 6 mai)

Le juge commence par donner la version policière des faits. Le PV d’ambiance présente la manif comme un rassemblement appelé par un groupe d’ultra gauche. Il parle du flic blessé à cette manif, en rappelant que T. n’a rien à voir avec ça et en diant que ça permet de comprendre l’ambiance de cette manif. On apprend dans les récits des flics que T. était un des objectifs prioritaires d’interpellation. Il avait été repéré depuis l’hélicoptère et son signalement avait été diffusé aux flics. À plusieurs reprises, l’hélico des flics avait alors zoomé sur lui et une équipe de BACeux l’avait suivi au cours de la manif, à une distance de 10 mètres. On y apprend aussi qu’une jeune fille filmait la manif avec son téléphone et en diffusait les images en direct sur Periscope. La vidéo, récupérée sur le site par les flics, dure plus d’une heure. Elle commence par des voix : « Il faut suivre les black-blocks ». La personne filme beaucoup T. À un moment, elle engage la discussion avec lui, en lui proposant de le soigner, ce qui permet aux flics d’avoir des photos de son visage.

T. reconnaît la plupart des infractions qui lui sont reprochées, sauf les violences sur les flics. Le juge dit que des images zoomées de l’hélico le montrent avec des projectiles, le flic partie civile dira en audition avoir reçu une cannette. L’autre flic qui témoigne dit qu’il ont affaire à un groupe agité, qui commet des dégradations mais pas agressif ou véhément vis à vis de la police.
Le juge se fout de la gueule de T. qui nie avoir jeté des cannettes ou des pierres, avoue avoir jeté des pommes de pin :
« Vous les trouviez où vos pommes de pin ?
– Sur le cours des 50 otages
– En mai, vous trouvez des pommes de pin cours des 50 otages ?
– Oui 
»
L’avocat intervient pour dire que lui aussi a regardé les vidéos, et que se que T. appelle des pommes de pin ce sont en fait les fruits du Magnolia et que cela se voit très bien sur les images zoomées. Quand T. dit qu’il ne jetait pas ces projectiles sur les flics mais sur les personnes qui filmaient, le juge se moque à nouveau. Il lui demande ensuite s’il appartient à un groupe, si ça lui parle quand la personne qui filme dit « il faut suivre les black-blocks » et s’il en fait partie.

L’avocate du flic avait dit pendant la suspension d’audience précédente qu’elle allait être concise, pour ne pas finir trop tard. Tant mieux pour nous, on échappe au discours larmoyant du pauvre flic armé seulement de son casque et de sa matraque qui a peur pour sa vie à chaque manif. En même temps, ça aurait été assez ridicule pour une « pomme de pin » reçue sur un protège-tibias. Elle prend quand même le temps d’enfoncer T., on s’en serait bien passé.

Le proc nous apprend qu’on « a la chance d’avoir un État démocratique qui nous protège et dont les droits sont encadrés par la loi ». À plusieurs reprise on se demande s’il fait de l’humour ou s’il pense ce qu’il dit, comme quand par exemple il s’emballe :
« Ce n’est pas un manifestant, il crie sa haine contre l’ État. Et quand il fait ça, il enfile met un treillis, enfile ses Rangers et part en guerre civile »
« Derrière lui il laisse non pas des ruines fumantes mais des debris de dégradations »
« Ne pas respecter les forces de l’ordre qui sont là pour protéger tout le monde c’est une infraction grave » (en fait ce n’est pas une infraction, mais on va pas apprendre son boulot à un proc…)
Après une série de tirades du même acabit, il demande 1 an d’emprisonnement dont 9 mois avec sursis et mise à l’épreuve (obligation de travail ou formation, obligation de soin sur l’alcool et interdiction de paraître à Nantes pendant 1 an).

L’avocat de T., M. Creach‘, commence par dire qu’il y a une certaine lassitude de ce type d’affaires chez les juges, les procs, les avocats. Il leur demande d’être vigilant.e.s et de ne pas juger T. pour tout le monde. Il explique que le black-block est un fantasme et que vu comment T. était habillé, il n’était sûrement black-block. Il rappelle que T. n’a pas de casier et  demande qu’il ne soit pas condamné à une peine d’emprisonnement mais plutôt à du TIG.

Décision du tribunal : coupable de l’ensemble des infractions reprochées. 8 mois d’emprisonnement dont 5 avec sursis et mise à l’épreuve  pendant 2 ans (obligation de travail ou formation, d’indemniser les victimes et interdiction de Nantes). T. est aussi condamné à verser 400€ au flic pour le préjudice moral, 1055€ à la TAN et 287€ à Nantes métropole.

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Bilan au 2 juin des interpellations à Nantes depuis le début du mouvement :
– 9 mars : 5
– 17 mars : 3
– 24 mars : 19
– 31 mars : 16
– 5 avril : 15
– 9 avril : 6
– 14 avril : 18
– 20 avril : 7
– 28 avril : 41
– 3 mai : 14
– 10/11 mai : 5
– 12 mai : 21
– 17 mai : 16
– 19 mai : 97
– 26 mai : 8
– 2 juin : 2
– 9 juin : 26
– 8 personnes arrêtées hors contexte de manif à qui il est reproché des infractions liés aux manif (violences, Go Sport, voiture brûlée)

On en serait à 327 interpellations à Nantes depuis le 9 mars et au moins 44 personnes sont passées en procès (chiffres auxquels il faut ajouter les personnes mineures, pour lesquelles nous n’avons que peu d’informations).