6 mai 2016

Ce matin, une cinquantaine de personnes déter ont bloqué le réseau STAR (Service des transports en commun de l’agglomération rennaise) et empêché les bus de circuler en ville. Seulement une poignée de véhicules ont réussi à sortir avant notre arrivée. Des pneus et des palettes enflammés amicalement ont été disposés avec bienveillance devant le portail principal pour les empêcher de quitter le dépôt.

Ce matin à Rennes, on a réalisé une action de blocage économique pour lutter contre la loi El Khomri. Pour entamer un dialogue avec les employé-e-s de la STAR (les mêmes qui doivent poser un préavis de quinze jours s’ils souhaitent faire grève). Pour paralyser la machine, pour tenter une fois de plus de faire entendre l’évidence. On a bloqué parce que ça reste un des meilleurs moyens pour maintenir la pression et parce qu’il faut avouer que cramer des palettes c’est quand même bien plus coolos que de mater le télé achat !

Ce matin nos premières troupes sont arrivées sur place vers 5h du Mat, pneus et palettes sous le bras et ont attisé le bûcher. Tandis que les autres attendaient au point de rendez-vous dans le centre-ville, ne sachant ni où ni dans quoi on allait les amener. Une voiture de la BAC et un J9 de flics nous attendaient eux aussi, ne sachant ni où ni dans quoi on allait les amener. La cinquantaine de camarades était plutôt de bonne humeur pour des gentes avec les yeux qui collent et le sommeil en bandoulière. Les BAKEUX eux étaient sur les nerfs, pas très fun comme garçons, ils ont contrôlés quelques camarades à la volée et ont eux l’impolitesse de mettre leur caisse au milieu de la route pour nous bloquer le passage. Ils en ont profité pour relever nos plaques et on finalement laissé partir notre convoi hétéroclite de sans dents jusqu’au lieu de l’action.

Ce matin, pas besoin d’une boule de cristal pour connaître l’emplacement de notre cible. Au-dessus de la Plaine de Baud un nuage gris foncé entachait le ciel de sa fumée contestataire. Même un gradé de la BAC aurait pu supputer le bordel qui se tramait devant le dépôt de bus de la STAR.

Ce matin, je trouve qu’on a plutôt bien assuré pour une bande de fainéants de gôôchistes levée avant l’heure des poules (mais pas avant celle des keufs, ces démons ne dorment décidément jamais). On était pas une tonne et pourtant on a fait le taf. On a bloqué le dépôt comme il se doit. On a réussi à entamer un dialogue avec les employé-e-s de la STAR malgré les bâtons dans les roues que nous a mis un de leur chefaillon, qui a interdit formellement à la majorité des employés déjà à l’intérieur, de sortir des locaux pour nous parler, car « trop dangereux ». Heureusement les grilles ça laisse passer le son… Mais il faut croire que c’est pas à la mode de communiquer entre précaire, faudrait voir à pas trop s’entendre quand même, on a un pays à faire fructifier !

Ce matin, on a réussi l’action et, probablement grâce à la présence des employés, on ne s’est pas fait-e-s chargé-e-s la tronche par la vingtaine de CRS casqué-e-s et en armures, accompagné-e-s d’une poignée de BAKEUX. (Peut-être aussi parce que lors de la dernière action de blocage mise en place par les salarié-e-s de la STAR lors d’une lutte précédente, une pluie de matraque et donc d’ITT s’est abattue sur eux. Probable que cette fois-ci les cols blancs ont préféré temporiser l’histoire plutôt que de laisser les tortues ninjas tabasser les quelques travailleureuses qui parlaient avec nous à l’extérieur).

Ce matin vers 8 heures, on est reparti-e-s en cortège jusqu’aux parkings, tou-te-s ensemble, sans interpellations, le ventre rempli de café parce que la team petit dèj avait bien fait son taf.

Ce matin le blocage a été mis en place sans accrocs malgré notre petit nombre et la présence des flics. C’est une bonne leçon pour la suite et un message à celles et ceux qui craignent de ne pas être assez pour mener à bien une action. Finalement, leur système ne repose sur pas grand-chose. Quelques bouts de bois et de caoutchouc en flammes suffisent pour paralyser une partie de la ville pendant trois heures. Alors ok, c’est pas encore Bagdad dans ta rue, mais avoue que ça laisse à réfléchir, qu’est ce qu’on fait à 500 la prochaine fois poto ?

Ce matin, Ouest-France aussi a fait le taf, comme d’hab : dans la lignée collabo que l’Ouest-Eclair avait instauré au bon vieux temps de l’occupation. Sur leur site internet, un « article » lapidaire, sûrement rédigé par le hamster de droite du stagiaire du type de droite de la rédaction qui devait pas être encore levé pour pondre son ersatz de journalisme.

Le plus rapide sera de le citer, la vérité est parfois bien plus saisissante que la caricature :

« Vers 5h du matin, une cinquantaine de personnes, au nom de la grève générale, ont bloqué le dépôt du Star Plaine de Baud. Le trafic a repris vers 8h. C’est leur revendication. Tout bloquer et grève générale sur fond d’opposition à la loi Travail. Une cinquantaine de personne ont, vers 5h du matin, bloqué le dêpôt du Star plaine de Baud et empêché les bus matinaux de sortir. Des centaines de salariés qui utilisent les transports en commun pour se rendre sur leur lieu de travail i ont du trouver d’autres solutions. Des manifestants qui ont brulé des palettes et laissé des tags sur les murs du Star. Le trafic des bus a repris peu après 8h. »

Balèze ! Je vous fais cadeaux des fautes de frappe. Devant ce lyrisme journalistique la nausée me saisie et je me dis que même les abonnés de Ouest-Torchon vont commencer à trouver ça chelou que des journalistes qui n’étaient pas présents sur place écrivent des articles avec la main gauche et les prennent pour des ânes.

Ce matin, je vous écris ça à chaud les ami-e-s, ce témoignage bancale vaut ce qu’il vaut et n’a été validé par aucune AG. Mais il me semblait important de le faire. Parce qu’on ne peut pas laisser leur unique parole devenir évangile. Parce qu’il faut que tous ceux qui crèvent la dalle sachent que la machine s’enraye très bien quand on y met un peu d’huile de coude et d’essence. Que nous ne sommes pas cantonné-e-s à obéir aux règles mortifère de leur société du spectacle. Que lutter c’est non seulement vital mais aussi fun, fort, drôle, parfois un peu triste ou fou. Il n’y a qu’ensemble qu’on ira jusqu’au bout. Attaquons au bélier, n’attendons pas le pont-levis. Il ne viendra jamais.

Rendez-vous au prochain barbecue les copines et les copains !

Ce matin, je retourne me coucher.

Un occupant de la maison du peuple parmi tant d’autres. Rennes 06-05-2016