CE POUR QUOI NOUS IRONS AUSSI A CANNES OU LES MEILLEURS FILMS SONT CEUX QUE
L’ON NE VOIT PAS.

En lutte(s), présents depuis onze mois, ce que nous défendons, nous le
défendons pour tous. Nous sommes une coordination d¹intermittents et de
précaires.

Nous n¹avons jamais autant entendu parler d¹Exception Culturelle alors que
s¹organise méthodiquement la casse des droits sociaux. C¹est quoi cette
symétrie. Un projet à l¹échelle de la nouvelle Europe de constitutions de
pôles d¹excellence ? Un nouveau corporatisme construit à partir de
l¹obtention de cartes professionnelles ? L¹anéantissement programmé de
pratiques exigentes et minoritaires ? L¹installation de pôles européens de
téléréalités ?

Là-bas dans cette ville entreprise seront réunis les maîtres de l¹industrie
culturelle et leurs rampes de lancement (producteurs, ministres,
journalistes, télés, stars…) ; bouygues, murdoch, vivendi, time warner,
lagardère, ces noms devenus communs, monteront les marches sanctifiées du
box office, alors que nous descendons comme tant d¹autres vers la précarité.
Poussés vers la sortie. Ces prédateurs et leurs ministres disent diversité
culturelle, droits d¹auteurs, défense de la création. Nous n¹y croyons pas.
Il semblerait que sous ces étendards se cache un programme de capture et
d¹exploitation de nos puissances de coopérations et d¹inventions. Programme
de remise au travail forcé.

Mais, Il y a encore des cinéastes et des techniciens. Qui travaillent avec
ce tout venant. Cinéastes sans emploi ; techniciens au turbin. Nous aimons
le cinéma. Nous irons là-bas aussi pour le dire. Nous savons que le
prolétariat, la misère, la précarité – de Stroheim à Flaherty en passant par
Chaplin, Renoir, Barnet, Ford, Grémillion, Vigo, Rossellini, Bresson,
Mizogushi, le vaillant groupe Medvedkine jusqu¹à La Promesse des frères
Dardenne, irriguent encore l¹industrie cinématographique et son histoire.
Nous en sommes honorés, mais cela ne suffit pas. Ces oeuvres de l¹esprit ont
construit pas à pas ce pays supplémentaire, cet archipel logique oh combien
producteur de richesses et de désoeuvrements. Or nous sommes en passe d¹en
être totalement exclus alors que nous en sommes les sujets et la musique.
NOTRE MUSIQUE. Il n¹en est pas question. Les films, c¹est pas entrées et
sorties. Ou sinon c¹est pas la peine de les faire, de les voir, de les
entendre, pas la peine d¹y penser.

Saviez-vous qu¹un des programmes de remise au travail de la jeunesse belge
s¹intitule le programme Rosetta, que la veuve Schindler vit dans la
précarité en Amérique du Sud, que les protagonistes de Être et Avoir furent
récompensés d¹un voyage à Disneyland, que les images qui nous restent de la
prise du Palais d¹Hiver sont celles d¹un film, savez-vous combien furent
payés les anciens mineurs figurants de Germinal ? Une misère. Misère pour
rejouer le pire. Savez-vous combien rapporte le commerce des larmes et de
l¹indignation ? Des fortunes.

Nous nous rappellerons cela : que Garrel a été le seul, naissance de
l¹amour, à filmer les morts irakiens carbonisés de la première Nouvelle
Guerre Mondiale, que Straub et Huillet disent encore ouvriers, paysans, que
Godard et Miéville disent encore ici et ailleurs et Hannah Arendt, que
Kiarostami a retrouvé il n¹y a pas si longtemps la maison de son ami, que
Kleifi et Sivan se sont mis en route, que Prin et Habchi font leur film
comme les ouvriers algériens du Nord jardinent, avec jamais assez d¹eau ;
que personne n¹a laissé Chaplin réaliser son projet à partir d¹un rescapé
des camps amnésique qui ne savait que crier. Nous nous rappelons aussi que
lorsqu¹une chaîne de télévision appelle une émission la Ferme Célébrité, ce
qu¹elle veut dire en fait c¹est Tais-toi Paysan, et crève (l¹écran).

Nous sommes sans intentions et pleins (aux as) de propositions. Nous savons
que dans la précarité, il y a pré (celui où Vincent mit l¹âne) et lutte pour
l¹obtention de nouveaux droits sociaux collectifs. Nous savons qu¹en langue
Ourdou, il n¹existe pas de mots pour dire hier et demain parce que c¹est
l¹affaire des dieux, et qu¹il en existe de nombreux pour dire maintenant
parce que c¹est l¹affaire des hommes. C¹est pas par ici la sortie, non. Nous
venons à peine d¹entrer, à force. Il y a le sous sol, nous arrivons au rez
de chaussée, tiens il y fait mieux jour, bientôt nous envisageons de gratter
le ciel pour le faire rire.

Abrogation du protocole UNEDIC, expertise, négociation avec tous les
concernés.

Nos actions ne connaissent pas de pause.

Coordination des Intermittents et Précaires IDF – commission sous le sable.

http://www.cip-idf.ouvaton.org/