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Chers co-conspirateurs, pauvres CONcitoyens,

Nous, les moustachus de l’improbable, organe auto-proclamé du parti imaginaire Rouennais, moutons noirs de l’antipub et vengeurs de Jeanne D’Arc, avons entamé la semaine dernière une campagne d’incendie de panneaux publicitaires.

Ces derniers mois, nous avons suivi de loin le jeune mouvement anti-pub. Nous l’avons trouvé sympathique dans ses modalités d’action comme dans sa potentialité critique, jusqu’à ce que ses propres limites et sa propension à se faire récupérer et désarmer aussi rapidement que facilement deviennent trop insupportables. Ce qui aurait pu être une ouverture vers une remise en question globale de la société, de la marchandise, de nos vies, nous l’avons vu se dévoyer dans une critique conciliante sur la forme et le trop plein. Cela nous a beaucoup agacé. Il a fallu nous venger.*

La gauche récupératrice, de la FA au PS, a cherché à parcelliser ce qui aurait pu mener à une critique globale de la marchandise, du rôle et du « spectacle » en critiques du sexisme, du corps marchandisé lorsque médiatisé, de l’omniprésence etc. Cela a pleinement concouru à diminuer plutôt qu’à exacerber la potentialité critique de ce mouvement quasi spontané.

Nous ne pensons pas que la publicité soit plus acceptable dans ses variations plus  » éthiques », moins sexistes, moins omniprésentes et laveuses de cerveaux. Ce que nous voulons attaquer lorsque nous dégradons des panneaux publicitaires ce n’est pas la publicité en elle même, sa forme ni son contenu, mais bien le monde et les rôles qui l’ont fait naître, ces mêmes monde et rôles qu’elle maintient.

Nous tenons à préciser notre mépris des associations citoyennes comme Resistance Anti Pub et Paysages de France pour leur volonté avouée d’accommoder le désastre. Interdire légalement un panneau publicitaire ou limiter la publicité dans les boites au lettres ne fait que déplacer le problème en maintenant l’illusion qu’on oeuvre à le régler. Encore une fois, cela situe le problème dans la forme et non dans le monde. Ce que nous apprécions dans les actions anti-pub c’est qu’elles représentent un assaut direct et déterminé contre la marchandise, le capital, ce monde.

A l’insu des verts, de la LCR ou aux autres alternatifs, nous ne cherchons pas à ce que l’empire reconnaisse la légitimité de notre dégoût pour une si triste époque. Nous ne cherchons pas à être son interlocuteur officiel. Nous voulons sa fin. Nous n’aspirons pas à discuter démocratiquement les modalités de notre aliénation: nous voulons aussi sa fin. C’est ce que nous avons commencé à exprimer avec de l’essence mélangée à de l’huile.

Ce monde, depuis que nous le connaissons, a toujours concouru à limiter, gérer, aliéner nos affects comme nos idées, ainsi qu’à séparer notre quotidien, notre vie, de ce vers quoi auraient pu nous mener ces affects et ces idées. Mais nous autres, décadents, avons voulu montrer que nos âmes fragilisées et morcelées prenaient un tout autre chemin. Nos idées et nos rêves méritent la conséquence et la poésie que suggèrent si fort nos cœurs.

En incendiant les sucettes publicitaires nous nous lavons les mains de toute éventuelle ambiguïté citoyenne, de toute volonté de dialogue avec le pouvoir, de toute recherche de conciliation avec le système. Nous crachons du négatif dans la soupe citoyenne. Nous obligeons ces managers de misère à se désolidariser de nous et à se montrer en tant que ce qu’ils sont : des agents du spectacle, un processus de l’empire.

Nous avons aussi voulu souligner notre détermination et notre souci d’efficacité : Les panneaux sont réellement mis hors d’usage, les préjudices financiers pour JCDecaux sont bien plus conséquents. Certes, quelques gribouillis nocturnes peuvent être  » vivifiant » mais la destruction de ce qui nous détruit est la seule aventure à hauteur de vie qui nous soit ouverte, pour l’heure.

Nous appelons donc à ce que ces feux de joie se multiplient, s’intensifient et s’agrègent. La poésie doit être faite par tous et pour tous.

Pour la décadence de la décadence. Crève la France.

Les moustachus de l’improbable

*Et si ça continue c’est Beigbeder qu’on va crâmer