Il y a déjà deux semaines, Rémi Fraisse mourrait des mains de la police. Son seul crime demeure de s’être opposé à une politique intégralement mue par l’appât du gain et la raison d’État, au dépend de l’intérêt général.

Depuis sa mort, de multiples manifestations se sont tenues, de diverses natures et avec diverses analyses politiques, ayant toutes a minima pour point commun la réaffirmation d’un principe simple : un manifestant ne doit pas mourir pour ses idées. Cette affirmation se double souvent d’une colère et d’un dégoût profond à l’endroit de la police, nourris par les innombrables victimes qu’elle draine dans son sillage en toute impunité. Toutes ces victimes n’étaient pas des manifestants : parmi elles, un certain nombre a juste eu le tort de ne pas être de la bonne couleur de peau. Rien qui ne surprenne ou ne devrait surprendre qui que ce soit.

Rémi Fraisse pose un problème à l’État et à la police. Mohammed ou Mokthar seront toujours quelque peu responsables de leur mort et salir leur réputation post-mortem sera rendu plus simple grâce à l’inconscient raciste collectif. Mais un français blanc plutôt sympathique ? Comment justifier l’action de la police ?

La réponse est simple : tout faire pour générer des affrontements autour des manifestations liées à sa mort de manière à le rendre indirectement responsable de faits de violence. Si Rémi Fraisse n’a pas été violent avant sa mort, il le sera après. De cette manière on justifie a posteriori son exécution sans procès. Les manifestations sont donc les unes après les autres interdites, les forces de police présentes sont démesurées, les arrestations sont en conséquences : massives et préventives. Les journaux font monter la pression, parlant de villes « en état de siège » ou de manifestations « très tendues » alors même qu’elle n’ont été accompagnées que de quelques tags et d’une poubelle incendiée. Nous assistons à la fabrication d’un ennemi à l’échelle du pays, basée sur une provocation étatique pensée et mise en place de façon concertée – une fabrication qui est loin d’être inédite, si l’on prend la peine de se souvenir des délires encore récents ayant accompagné les révoltes populaires de 2007 et 2005 ou encore celui qui consacra les habitants de Tarnac en dangereux terroristes.

Soyons clairs : la CNT ne s’associe pas au concert de lamentations autour d’un mobilier urbain abîmé ou détruit, elle se refuse à faire le distinguo entre « gentils » et « méchants » manifestants pas plus qu’elle n’appelle au calme. Chaque manifestant-e fait des choix qui lui sont propres et dont il ou elle est seul comptable. Elle réaffirme que cette société génère par nature des événements comme la mort tragique de Rémi Fraisse, tout comme elle détruit par nature notre environnement, génère par nature l’exploitation de l’Homme par l’Homme… Elle poursuit son action de lutte de classe et d’organisation horizontale, dans la perspective d’un changement nécessairement radical de cette société basée sur le maintient de l’exploitation par la violence.

Quand on fait un gros plongeon à la piscine, on ne peut pas blâmer l’eau pour avoir trempé tout le monde alentours. La police, dans sa mission de protection de l’État et du Capital, fais usage de violence. Si l’on veut empêcher que quelques poubelles brûlent, on pourrait peut être commencer par faire en sorte que la police cesse de tuer des gens impunément.

Plutôt que de renforcer ses effectifs en prétendant empêcher la formation d’un raz-de-marée dans nos rues.

L’UL-CNT 35.