Contre le flashball et son monde

« Il s’agit […] de frapper les corps, mais aussi les cœurs et les esprits en nous marquant dans notre chair et dans celles de nos amis. Présenté comme défensif, le flashball est clairement une arme offensive qui donne à nouveau à la police le pouvoir de tirer sur la foule. Le déploiement de la violence policière, en l’état actuel du rapport de force, ne doit pas entraîner la mort. Mais la police doit être assurée de rester la plus forte pour que l’ordre soit maintenu. » Voilà les mots justes, publiés dans Libération, de Clément, Florent, Salim, Joan, John, Pierre et Joachim, frappés ces dernières années par des tirs de flashball (le Flashball superpro introduit en 1995, et le Lanceur de Balles Défensives 40×46 introduit en 2004, plus puissant et précis). Avec ces armes à « létalité réduite » la police blesse et mutile régulièrement, et a tué une fois (le 13/12/2010, à Marseille, Mostepha, 43 ans, meurt suite à un tir au niveau du thorax dans un foyer de travailleurs immigrés). Depuis dix ans, seul un flic poursuivi a été condamné, en 2011, à six mois de sursis et 186 000 € de dommages et intérêts – sans inscription au casier judiciaire – pour avoir éborgné en 2005 un jeune de 14 ans aux Mureaux (Yvelines). Sinon, non-lieux et relaxes se sont succédés pour les condés.
Mais dernièrement le vent tourne un peu.
Mediapart a déterré un rapport de trois médecins de Nantes publié en 2009. Ils y affirment entre autres qu’« à courte distance, [les] munitions peuvent être […] potentiellement mortelles. »
Un juge d’instruction, en octobre, a renvoyé devant la Cour d’assises de Mayotte le gendarme qui avait éborgné un enfant de 9 ans lors des révoltes contre la « vie chère » en 2011.
Enfin, le 18 décembre dernier, le tribunal administratif de Paris a condamné l’État à 7900€ d’amende, le reconnaissant responsable de la mutilation de Clément le 21 juin 2009 à Paris.
Ainsi, face à l’impasse des plaintes au pénal contre les flics tireurs, plusieurs personnes mutilées et collectifs ont lancé des procédures au civil contre les préfectures de police, pour atteindre même symboliquement les donneurs d’ordre du système répressif. Les rencontres entre ces personnes et collectifs inaugurent une dynamique nouvelle, sans illusion sur la Justice : « Là où nous sommes attaqués, il y a àriposter collectivement pour être capable de penser et de contrer les pratiques policières. Et ça, on ne le fait pas dans l’enceinte d’un tribunal, mais on l’élabore avec tous ceux qui les subissent. Ici, comme ailleurs, ce qui relève du possible dépend d’un rapport de force. Nous lançons un appel à toutes les personnes blessées avec la certitude que nous avons plus à partager que nos blessures. »

 

Cités interdites ?

Le 16 décembre dernier, Natacha membre du syndicat Sud Éducation 92, Ivan et Janos, membres du Réseau Résistons ensemble contre les violences policières et sécuritaires, diffusaient le dernier numéro de notre bulletin mensuel intitulé « Crimes policiers, crimes racistes, 30 ans après rien n’a changé ». Ils s’étaient placés à la sortie du métro Les Courtilles (ligne 13) faisant face à la Cité du Luth à Gennevilliers (92) déclarée Zone de Sécurité Prioritaire lors de la seconde vague de déploiement en novembre 2012.
Très rapidement, 4 agents de la BAC sont venus les arrêter, direction le commissariat de Gennevilliers. Le 15 avril dernier, Ivan et Janos avaient déjà subi cette même agression, interpellés pour les mêmes raisons à l’intérieur de la cité du Luth (à ce jour toujours sans suite). À chaque fois les copains ont été amenés sous la contrainte au commissariat de Gennevilliers et placés en cellule avec l’interdiction de téléphoner pour ce qu’il leur a été présenté comme des « auditions libres ». Pour avoir diffusé le bulletin dont le contenu serait considéré par la police comme diffamatoire. Cette fois les empreintes et photos de Natacha ont été relevées alors que celles de Ivan et Janos l’avaient déjà été lors de leur arrestation précédente.
Le commissaire très virulent leur a expliqué qu’il voulait les voir disparaître du quartier, leur promettant des poursuites. Certains policiers n’ont pas hésité à affirmer que leur action était en représailles des critiques formulées dans le bulletin.
Deux arrestations en 8 mois alors que le petit journal du réseau Résistons ensemble est diffusé régulièrement, et ce depuis ses débuts (en 2002 !) dans ce même quartier du Luth sans jamais avoir été saisi. Décidément, on fait mieux sous la gôche que sous la droite.
À l’occasion de chacune de ces 2 arrestations, les flics refusent de restituer des centaines d’exemplaires du bulletin qu’ils ont saisis, et interdisent ainsi matériellement sa diffusion, avec la promesse d’un harcèlement. Ces agissements de la police conduisent donc à empêcher la distribution du bulletin tout particulièrement dans une de ces cités mises au ban. Ainsi cette attaque vise plus largement le réseau, dans sa nature, son expression nécessaire dans les quartiers populaires.
Quartiers de relégation, destinés par les gouvernements successifs au chômage, à la précarité, au racisme, à la répression… ces arrestations sont-elles le signe qu’un nouveau pas serait franchi, cherchant aussi à exclure de ces zones, notamment des ZSP, l’expression de toute critique radicale ?

Appel à témoins
Peut -être avez-vous eu connaissance d’une action policière du même type cette année ? Dans les zones de sécurité prioritaires (ZSP) ? Ou en dehors ? Ou bien s’agit-il d’une initiative locale du commissariat de Gennevilliers ? Envoyez-nous votre témoignage sur contact@resistons.lautre.net.

Communiqué après la 1ère arrestation : resistons.lautre.net/spip.php ?article521 et suite au 16 décembre : resistons.lautre.net/spip.php ?article533.

 

> [ LA PRISON  TUE ]

Le 19 août dernier Mounir Benlhoussine, un jeune homme de 27 ans meurt en détention à la maison d’arrêt de Blois. Un prisonnier témoigne « Il était malade. Toute la nuit, son copain de cellule a tapé à la porte pour demander du secours. C’est pour ça qu’on est en colère. Personne n’est venu, je te jure  ! » La version officielle parle d’infarctus. Difficile à avaler, le jeune homme était en parfaite santé. Cette mort suspecte avait alors entraîné une mutinerie (voir RE n°122) violemment réprimée par les ÉRIS (l’équipe régionale d’intervention et de sécurité, le GIGN de la pénitentiaire). Puis ce fut le lot des sanctions disciplinaires, transferts d’éloignement… Enfin 9 prisonniers se sont retrouvés devant le tribunal de grande instance de Blois ce 9 décembre. L’issue du procès est sans surprise, de 6 mois à 3 ans de prison, conformément aux réquisitions du procureur, des peines lourdes, exemplaires et sévères.
Infos : http://lenumerozero.lautre.net/article2663.html

 

> [ CHRONIQUE DE L’ARBITRAIRE ]

Wissam El Yamni – des photos qui accusent
Il y a deux ans, Wissam El Yamni, chauffeur-routier clermontois de 30 ans, décédait après neuf jours de coma au CHU de Clermont-Ferrand, après son interpellation la nuit du 1er janvier 2012. Depuis de juges en expertises, l’instruction traîne (voir RE n° 123). La famille de Wissam vient de publier deux photos (resistons.lautre.net/spip.php ?article534) qui démasquent l’hypocrisie de la justice. Les blessures graves qui y sont visibles sont qualifiées par des « experts » de « frottement par les vêtements » ou « frottement appuyé sur une surface ». Quant à la « fracture du nez et de l’orbite gauche » et celle aux côtes révélées par le premier scanner, il s’agirait de « lésions osseuses anciennes, très antérieures aux événements » au caractère « bénin ».

Les morts à la frontière de Calais
Depuis 2008, au moins 25 personnes sont mortes sous nos fenêtres à Calais. Chassés par la police, Vietnamiens, Erythréens, Éthiopiens, Iraniens., Afghans… se sont noyés en essayant de traverser à la nage, ont été poignardés, écrasés, étouffés, victimes de la mafia, d’une chute d’un camion….. Toute la misère de ce monde est là. Une chape de silence pour seul linceul leur couvrant leur corps. Heureusement quelques militants courageux œuvrent pour dénoncer la barbarie dont ils sont victimes et les aider. Info : https://lists.aktivix.org/mailman/listinfo/channelcrossing

« L’antitsiganisme : ciment d’une classe politique dégénérée » (extraits)
L’antitsiganisme devient une locomotive de campagne électorale dans l’ancien pays des droits de l’Homme. Il est même le ciment d’une classe politique dégénérée à un point tel qu’on n’en distingue plus les composantes. En septembre 2012, Samia Ghali, sénatrice-maire socialiste de Marseille, disait comprendre la bande qui, sous l’œil impassible de la police, avait chassé des Rroms de la cité de Créneaux sous la menace. Le 22 juillet 2013, Gilles Bourdouleix, député-maire d’UDI, dit qu’Hitler n’avait peut-être pas tué assez de Rroms. Hier, c’était au tour de Luc Jousse, maire UMP de Roquebrune-sur-Argens qui regrette l’intervention rapide de pompiers pour éteindre un incendie dans lequel des Rroms auraient pu brûler vifs. Il suit son camarade Régis Cauche, maire UMP de Croix qui en septembre dernier promettait tout son soutien à celui qui commettrait l’irréparable contre un Rrom. Le 27 novembre dernier, c’était Jacqueline Rouillon, maire Front de Gauche de Saint-Ouen, qui réussissait son coup de faire expulser environ 800 Rroms sous le faux prétexte tsiganophobe que leur présence mettait en péril le chauffage d’hôpitaux et de logements parisiens. » Association “La voix des Rroms”, http://www.lavoixdesrroms.org

Écouté, épié, géolocalisé… jamais seul
Ce ne sont que quelques petits paragraphes dans la loi de programmation militaire adoptée par le Sénat le 10 décembre. Mais ils sont lourds de conséquences. Comme affirme le communiqué du Parti Pirate : « les administrations pourront désormais surveiller n’importe qui sans autre prétexte qu’une vague suspicion de délit, se permettant ainsi d’écouter les conversations, de surveiller les déplacements et de manière générale, d’épier et d’enregistrer sans limites nos moindres mots, faits et gestes sans même la consultation d’un magistrat. »
Source : http://www.partipirate.org/spip.php?article433cp%20loi%20de%20programmation%20militaire
Aussi, selon le projet de loi qui sera présenté le 22 janvier au Sénat, les services de police pourront, sans l’accord même d’un juge, et ce pendant 15 jours, vous « géolocaliser », par votre portable, par le GPS…

 

« On ne vient pas en BAC par hasard. On vient car on s’investit au-delà de ce qui est demandé. »

L’affaire des policiers « ripoux » de la BAC Nord qui avait provoqué la dissolution immédiate de cette unité des quartiers Nord de Marseille par le ministre Valls criant au scandale en octobre 2012, se termine d’une étrange façon. L’enquête de l’IGPN a été bâclée, les flics mis en examen ont été libérés sous contrôle judiciaire après un mois de détention et réintégrés après avoir été mutés, l’instruction judiciaire est au point mort.
Reste les sanctions par voie internes : en plus de quelques suspensions, seul 3 révocations ont été prononcées lors d’un conseil de discipline qui s’est tenu début décembre à Marseille, (encore en attente de validation). Maigres sanctions qui semblent plus résulter d’une « guerre des chefs ».
Quant aux flics mis en cause, ils n’en croient pas eux-mêmes leurs yeux : « On te dit que tu es le plus grand des voyous et après on te rend ton arme, on te fait confiance pour assurer la sécurité des personnes ». Voilà ce qu’ont pu entendre les journalistes de Médiapart qui ont assisté, invités par les syndicats de flics, au conseil de discipline auquel ont été soumis les 6 policiers les 17 et 18 décembre derniers. Finalement la vérité qui a pu émerger de ce conseil c’est une sorte de preuve paradoxale de la relative innocence des 6 policiers incriminés : leur comportement n’a pas été celui de flics particuliers, de ripoux qui ne cherchaient qu’à s’enrichir personnellement en participant aux trafics, mais celui de flics ordinaires, au sein d’une BAC dont le fonctionnement était tout à fait conforme à ce qu’en attend l’État dans les quartiers où il parque ses pauvres. La BAC dans les quartiers : c’est le règne de l’arbitraire (« Chaque intervention, vous savez que c’est peut-être la dernière. Ça ne se passe pas à la papa. »*) et, pour arriver à leurs fins, faire du chiffre et de « belles affaires », les flics peuvent compter sur l’appui de tous les puissants (« on “arrange” un tonton -indic- sur une affaire, on lui trouve une place en crèche sans doute en passant par un élu ou on le pistonne pour obtenir un appartement »*). Rien de bien nouveau donc, mais au moins on l’aura entendu de la bouche des flics, et parmi les meilleurs d’entre eux.
* Propos entendu lors du conseil de discipline.

 

> [ AGIR ]

Appel COBP (Collectif Opposé à la Brutalité Policière) du Québec
« Le COBP recherche des textes portant sur le thème de la militarisation des corps policiers ou tout autre sujet portant sur la répression policière au Québec comme ailleurs dans le monde, et ce pour un journal qui sera publié quelques semaines avant la journée internationale contre la brutalité policière (15 mars). »
« De plus, nous invitons les groupes communautaires et militants à se réapproprier la journée internationale contre la brutalité policière en organisant des vigiles ou toutes autres activités à leur image durant la semaine du 9 au 15 mars 2014. »

Infos : http://www.cobp.resist.ca/documentation/appel-de-textes-et-de-projets-pour-la-semaine-contre-la-brutalit-polici-re-du-9-au-15- contact : cobp@riseup.net.

Procès pour récidive de refus de prélèvement ADN
Le 14 janvier 2014, à 16h, au TGI de Mont-de-Marsan, Jean-Charles comparaîtra pour la troisième fois pour un refus de prélèvement d’ADN procédant du même délit initial. Le collectif de soutien vous invite à le rejoindre au rassemblement à partir de 14h devant le tribunal.
Infos : http://gironde.demosphere.eu/rv/2938 contact : justiceetpaix@riseup.net.