Pourtant, nous devons constater que notre présence suscite chez certains d’entre vous de la gêne, de la tension, quand ce n’est pas de l’exaspération. Que nous accompagnions des chômeurs souvent découragés, injustement privés de leur droits aux allocations du fait des dysfonctionnements quotidiens d’une institution inadaptée à tous points de vue à la situation (moyens, offres d’emploi et prestations proposées…), cela fait grincer les dents à plus d’un, et pas seulement à la direction.
Nous croyons que pour quelques uns d’entre vous, un chômeur n’est rien d’autre qu’un chercheur d’emploi, quelqu’un dont toutes les pensées, s’il est normalement constitué, doivent être mobilisées à cette unique fin, faute de quoi il peut être dit responsable, et coupable de sa situation. Manifester son mécontentement du fonctionnement des institutions, c’est déjà se dérober à un tel devoir. Pire, accompagner d’autres chômeurs, c’est s’endurcir dans le mal, et risquer d’en contaminer d’autres. Ces accompagnements ont le tort de rendre visible l’ampleur de la violence institutionnelle, la disproportion des forces entre un précaire isolé et l’appareil d’Etat néolibéral que l’on vous demande d’incarner. En fait, ils mettent à mal le difficile exercice, à la base de votre fonction, de mettre en conformité votre conscience personnelle et professionnelle et l’adhésion qu’exige de vous l’institution, adhésion dont nous voulons bien croire qu’elle est toute relative. Cette adhésion « malgré tout » explique à nos yeux l’incessant report, malgré nos propositions en ce sens, du moment où il s’agira de résister ouvertement, c’est-à-dire de commence à lutter à nos côtés.

Opposer, comme certains d’entre vous l’ont fait à Rennes Saint Louis, votre professionnalisme d’accompagnateurs des demandeurs d’emploi à l’accompagnement collectif, à l’organisation collective des chômeurs et précaires, c’est nous dénier toute capacité d’être sujets et pas seulement objets des discours et des statistiques institutionnelles, objets des « politiques de l’emploi » dont nous sommes encore et toujours les cobayes plein de bonne volonté. Nous ne voulons pas être les « clients » de Pôle Emploi : un « client » a pour vocation d’être tondu.

Pour nous, un chômeur, un salarié, est d’abord un sujet politique. Et s’il faut toujours biaiser, manœuvrer, être pragmatique parce qu’il « faut bien manger », nous ne confondons pas ce « faire avec » les « dures lois de l’économie et de la conjoncture » avec l’exigence politique, celle de l’égalité, selon laquelle un chômeur, un salarié, un directeur de Pôle Emploi, un employeur doivent être amenés à discuter publiquement, d’égal à égal, des griefs qu’ils éprouvent les uns envers les autres.

S’il faut assurément un grand courage pour faire votre métier dans les circonstances actuelles, un tel courage est effectivement tout ce que votre direction, depuis l’agence locale jusqu’ à Charpy et Sarkozy, vous demandent de faire preuve, indépendamment des différences d’interprétation très importantes quant à la manière de l’exercer. Quand le bateau coule, on n’y regarde pas de si près. D’entrer en relation avec nous, d’accepter la discussion, de vous poser très sincèrement la question des gestes de solidarité qui pourraient ouvrir les possibilités de liaison et de lutte commune, voilà qui serait faire preuve d’un courage qu’à coup sûr vos (nos ) dirigeants ne sauraient encourager . Gageons qu’un tel acte serait plus concret et conséquent que l’attente des improbables « lendemains qui chantent ( ?) » de la reprise économique.
Vive la grève des chômeurs et précaires !
Vive la grève des agents de Pôle Emploi !
Pour un service public de l’emploi coopératif et égalitaire !

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