Les batailles se multiplient et gagnent en intensité ;
De mauvaises graines, nous sommes devenus mauvaise herbe qui partout se répand.

Partout la guerre sociale fait rage, il n’est pas un jour, une heure, sans que quelque part en Europe une émeute fasse trembler le vieux monde, sans qu’un squat s’ouvre, sans qu’une frange toujours plus large du peuple sabote les dispositifs de contrôle et s’organise à ne plus payer, les loyers, les péages, les licenciements, la bouffe ; il n’est pas un jour, pas une heure, sans que quelque part en Europe la résistance s’organise contre l’Ordre Nouveau.

Arracher la vraie mauvaise herbe, cette société qui pousse et nous repousse de son sale engrais, celui de l’exploitation et de la domination. Arracher la vraie mauvaise herbe, brûler les ronces de la répression, détruire les racines de la marchandise, qui nous grattent et nous étouffent. Arracher la vraie mauvaise herbe, la propriété et le profit.
Puis, enfin, labourer la terre, la retourner, la faire respirer, d’où naîtra et émergera une nouvelle possibilité du vivre-ensemble.

Depuis quelques années jusqu’aux derniers mois, aux dernières semaines, l’Etat recule et rétrécit sa zone de barbelés ; les combats de rue et les brèches de vie pullulent dans une permanence non-linéaire, dans toutes les strates de la société, dans tous les coins et recoins du monde occidental, à toutes les échelles locales et internationales, et s’exposent à toutes les répressions qui ne pourront empêcher l’effondrement en cours des rouages du pouvoir.

Nous en avons tous conscience, notre guerre est latente mais totale, diffuse mais réelle, et l’Etat ne peut empêcher la guerre civile d’avancer ; notre guerre est pleine de positivité, remplie de tous les élans d’aspirations d’émancipation et de libération des corps, des gestes et des rapports. La contre-insurrection est en marche, l’Europe sombre dans un obscur totalitarisme, dans un sombre absolutisme du marché, dans une guerre ouverte aux squats, aux « déviants », à ceux qui font de leur finalité leurs moyens immédiats. La répression militaro-médiatique est de plus en plus dure, brutale, infernale.

Nous voguons à travers l’océan du vivre que l’on brave sur notre petite barque du vécu, entre les tempêtes du survivre.

Nous refusons de croire en la religion du spectacle qui nous fait marcher sur du vide. Nous assumons, bien au contraire, d’être au fond du ravin et remontons à la surface à partir de la base par l’effectivité de nos luttes ;
Laissons syndicats, gauche bien-pensante et Etat régner sur l’abîme.

Nous ne voulons pas être immortels, mais réels.
Nous ne voulons pas être puissants, mais vivants.
Nous ne voulons pas régner, mais exister.

Au passé que nous n’avons pas choisi, nous préférons un futur qui nous appartient.
Nos pavés sont les graines qui feront germer les rêves, l’amour et la réalité, de par la plage qu’ils libèrent, de par les casques policiers dans lesquels ils seront encastrés.
Nos Molotov chassent la mauvaise herbe du règne mensonger, du spectacle et de la consommation.

Progressivement, les brèches s’élargissent et se stabilisent, par lesquelles nous recréons de nouvelles communautés sans rapports marchands ;

Nous saurons apprécier enfin ce monde que nous ne voulons pas posséder, nous saurons nous laisser bercer par notre libre usage du temps ;
Nous réapprendrons à voir ce qui se trouve sous nos yeux, loin du bruit des villes, nous écouterons pour la première les rumeurs des collines sauvages, nous créerons l’instant perdus dans les grands espaces baignant dans le soleil.
Nous découvrirons un nouveau rapport au monde, à soi, à l’autre ; nous serons une partie du tout, notre joie sera notre confort ; nos nouveaux havres de paix seront les clés qui ouvriront les chaînes du vieux monde en ruines ;

Nous sommes l’accomplissement de l’anéantissement de la société.

Nous sommes les plantes qui émergeront des cendres de l’ancien monde, nous créons le possible. Nous clamons l’absence de gestion : de nos vies, de nos besoins, de nos désirs, de nos amitiés, de nos rires, de nos amours.

Quand les exilés se seront retrouvés pour partout créer des lieux qui détruiront les cartes, nous réapprendrons à voyager entre les communautés ;
Nous rirons devant les ruines d’une folie capricieuse de 2000ans, nous oublierons ce qu’ont pu signifier le pouvoir, la gloire, la jalousie et la propriété ;
Nous deviendrons les enfants de notre propre existence ; l’ère de la survie, du salariat, de l’isolement et du calcul, du spectacle et de la marchandise, de la domination et de la neutralisation, nous amusera comme un mauvais rêve dissipé.

Nous sommes l’anéantissement de la représentation.

Nous sommes la brèche vivante,
Nous sommes la faille frémissante, d’où s’écroule l’autorité étatique.

Dans l’ancien monde, nos rires sont des étoiles de fissures sur les sinistres vitrines de la marchandise, nos chants sont des slogans dont les accords sont des pavés et les mélodies les crépitements des flammes qui consument les palais du pouvoir ;
Notre imagination collective détraque les machines les plus solides et effrite les usines ;
Nous combattons avec rage mais sans haine.

Rage de vivre, rage de rire, rage d’aimer.

Chaque commune autogérée que nous créons repousse les barbelés qui protègent encore les puissants qui ne règnent plus ;
Chaque ferme de liberté abolira le pouvoir du fait même qu’elle l’ignore, il se résorbera et disparaîtra ;
Les barrières et les frontières de nos têtes tombent d’elles-mêmes dans la réalisation de nos aspirations.

Quand prendra fin la guerre en cours ? Ce n’est pas la question à se poser. Car oui, la guerre est à peine commencée.

Nous sommes la conscience vivante, vibrante et joyeuse d’un monde en dépassement de lui-même.

Les générations futures connaîtront peut-être enfin ce qu’on nous a appris à fuir et à oublier : l’innocente insouciance…

Pour l’amour,
Pour la vie et la réalité,
Viva Insurrection.