Parmi l’argumentaire d’innocence des dits « inculpés de Tarnac », a souvent transparu l’idée que l’Etat se serait attaqué d’abord à un mode de vie radical, à des idées mises en pratique dans la vie quotidienne. Nous n’évoquerons pas ici le caractère plus ou moins autoritaires de ces idées et pratiques particulières, mais bien l’idée que l’insurrection serait, en fin de compte ou au moins en partie, une forme donnée à la vie, une manière de vivre.

Ceci car certains camarades nous semblent trop mettre, au centre de leurs préoccupations, leurs modes de vie qu’ils semblent à la finale vouloir exemplaires (par exemple, expliquer que ne pas payer de loyer c’est « assumer » ses idées).

Mais si l’on pense que la manière dont on vit est de l’action politique, que la mettre en avant c’est de la propagande, qu’est-ce sinon une volonté d’être imité, plutôt coercitive et potentiellement autoritaire ? Et si l’on ne peut qu’encourager les tentatives de vivre une vie moins amère que la misère du quotidien régnant, n’y a-t-il pas un risque de trop se préoccuper de sa survie « autonome » et d’abandonner peu à peu la lutte pour l’émancipation universelle de toutes et tous ?

A la fin d’un film sorti en 2001 [1], Et la Guerre ne fait que commencer, on entend un garçon dire « Nous, notre pratique du communisme, c’est … ». Alors la vie devient modèle et les héros ne sont pas loin.

En outre, avec la recherche d’un « communisme » ici et maintenant, se crée une communauté qui vit ensemble, avec tous les risques de séparation que cela entraine. Se crée des « milieux », avec des marges et des noyeaux, et surtout au « centre » des espèces de castes de super – radicaux dont parle en chuchotant (« Lui, il en est »), qui gagnent en autorité au final, tandis que les boulets restés au sol de la critique en acte dans la maison de mon père, eux… Ils regardent des vies avec envie au lieu de créer et de lutter selon leurs propres aspirations. Tout modèle de vie est autoritaire.

Nous ne pensons pas que l’on puisse détruire l’aliénation de la vie quotidienne en se contentant de rechercher (et de se présententer comme ayant) une vie moins aliénée. Le premier qui a fait ça, c’était Debord, et c’était un vieil homme triste pleurant les bières mortes qu’il ne boirait plus. Car il n’y aura pas d’abolition de l’aliénation de la vie quotidienne dans un quotidien aliéné : on peut vivre sans flics à la campagne, ils ne se gêneront pas pour défoncer vos portes, vous inculper, vous séparer et faire de vous de la chair à journaflics. L’eau que vous boirez et l’air que vous respirerez seront tout de même viciés. Vous n’empêcherez jamais une guerre, les gens continueront à crever au boulot et la Police continuera ses ratonnades, et nous n’aurons rien changé.

On peut tenter de fuir, il nous semble qu’il faut lutter. Il faut lutter pour la Liberté, qui se construit dans la Révolte contre toutes les aliénations, sans chercher à être des modèles mais pour arracher une autre vie, qui sera pour toutes et tous, ou pour personne.

(octobre 09)

[1] http://bloom0101.org/etlaguerre.html