Ils ont entre 18 et 23 ans, sont étudiants et forment les futurs bataillons de cadres, d’employés ou de chômeurs de notre société. Ils sont jeunes et souvent habillés comme dans une pub. Visiblement, ils s’éclatent ou ils hallucinent. Tous désireux d’incarner la post-modernité, propres, aseptisés ou légèrement décoiffés, juste ce qu’il faut. Blasés également puisque rêver n’est plus de mode, ou alors si dès lors que l’on achète. Ils consomment, attendent les soldes, les vacances, se minent la tête, ont le dernier portable, vont au cinéma et regardent la télé vautrés sur le canapé envoyant chier maman qui leur demande d’enlever leurs pompes dans le salon tout neuf.

Ils sont descendus dans la rue il y a un an et demi, attendu qu’on leur a dit que Jean-Marie n’est pas gentil, puis rien. Ils bavardent, ont des avis sur tout, notamment le dernier film coté mais au final tout est trop chiant, trop naze, trop pourri. Alors pas grave, on fume un pét., on nique, on dit tout le temps que c’est super ceci super cela quand dans les faits l’ennui est abyssal. On se fait chier, rien n’est bandant mais c’est pas grave on est lucide. Agir dans ce merdier, t’es ouf mon gars ça sert à rien, qu’est-ce que tu veux changer ?

Epoque bénite entre toutes où l’ignorance est élevée au pinacle et la bassesse entretenue autant que faire se peut. De la merde dans les yeux, l’absence d’horizon, et la panique de vivre, domestiqués et résignés. De jolis clébards, incapables de verbaliser deux lignes de leur malaise, qui hurlent lors des concerts de leurs groupes fétiches et industriellement rebelles. Oser, prendre des risques, s’aventurer, que nenni ! Ils ont intégré qu’il fallait être sage et responsable, sauf en boîte ou dans les émissions radios-téles conçus à cet effet pour le jeune consommateur-spectateur friand de débauche virtuelle et obsédé de son image. Obsession narcissique quasi-pathologique du qu’en dira-t-on, comment vais-je être perçu, serais-je me vendre ? Une jeunesse prostituée à l’avant-garde de la médiocrité.