ÉTUDIANT-E
LUTTE ET ÉMANCIPE TOI !

Les étudiant-e-s, classe sociale parmis les plus précaires, s’apprêtent à subir de nouvelles dégradations de leur condition de vie. Salariat en parallèle aux études, loyers inaccessibles, système éducatif déjà fort inégalitaire,… C’est déjà un fait, même si quelques bribes d’acquis sociaux issues de longues luttes peuvent rendre ce système moins inacceptable. Mais aujourd’hui, avec les nouvelles réformes touchant l’enseignement supérieur, le masque tombe.
La machine à rentabiliser est en route
La première réforme concerne l’organisation pédagogique de l’université. Elle institue, parallèlement à un système de points ECTS (European Credit Transfert System) dont l’attribution selon les formations risque fort de dépendre de leur rentabilité sur le marché du travail, une organisation autour de trois diplômes : la licence en 3 ans, le mastaire en 5 et le doctorat en 8. Avec la disparition du DEUG, il faudra donc désormais 3 ans avant d’obtenir son premier diplôme, ce qui risque de faire une sélection entre les étudiant-e-s, beaucoup ayant déjà des difficultés à assurer le financement de 2 ans d’études. Cette réforme, issue d’accords européens, préparée par C.Allègre et J.Lang est actuellement mise en pratique par leur successeur L.Ferry.
Vient aussi une seconde réforme, encore à l’état de projet de loi sur l’autonomie des établissements d’enseignement supérieur ou réforme « de modernisation universitaire ». Son examen, repoussé aux printemps dernier sous la pression du mouvement social des enseignant-e-s et du personnel de l’éducation, est imminent. Elle pose un principe de désengagement financier et pédagogique de l’État. Ce qui pourrait apparaître comme une victoire sur un centralisme écrasant n’en est pas une. Loin de là. Car pour compenser ce retrait financier, le projet de loi prévoit la possibilité de faire appel aux collectivités territoriales et au bassin local d’emploi – les politiciens, les patrons et autres souverains locaux dont le contrôle sur les contenus pédagogiques s’effectuera par le biais d’un conseil d’orientation stratégique qui sera consulté pour l’élaboration et la réalisation du projet et du contrat d’établissement. Et nulle ne doute – même si le conseil ne sera que « consultatif » – qu’il sera décisionnel en dernière analyse, puisque se seront ses membres qui paieront. Le projet prévoit aussi la possibilité d’augmenter les frais d’inscription, remettant ainsi en cause le principe de gratuité et d’égalité des chances.
Il est évident que ces deux réformes sont intimement liées, et qu’elles se soutiennent avec une cohérence effrayante. On le voit surtout en ce qui concerne le risque de généralisation de la création de licences professionnelles conduisant soit directement à la vie active, soit à un mastaire professionnel à l’issue duquel l’accès au doctorat sera impossible. Ces diplômes existent déjà à une certaine échelle (610 licences professionnelles proposées à la rentrée 2002). Leurs intitulés sont éloquents : « électricité et électronique option capteurs, instrumentation optique pour télécommunications » (Lannion). On imagine ce que seraient devenus les détenteur-trice-s de ce genre de diplômes si ce principe avait été appliqué au secteur de la métallurgie en Lorraine dans les années 70…
Ne nous égarons pas
Contrairement à ce qui peut s’entendre, ce n’est pas la décentralisation qu’il faut contester, mais sa gestion capitaliste et l’intrusion supplémentaire du capital dans l’éducation qui devrait être factrice d’émancipation, non un moyen de fournir de la viande à travail.
Certain-e-s opposent au système LMD/ECTS une « véritable harmonisation basée sur un service public européen d’éducation qui soit égalitaire ». On en est loin et tant mieux, l’Europe n’étant encore qu’un conglomérat d’États et qu’une telle vision laisse présager une Europe comme nouveau pouvoir central, fantasme de technocrate faisant fi de la réalité des multiples spécificités au sein des peuples européens. L’Europe sociale ne peut pas exister, car l’Europe est une construction purement capitaliste dont la raison d’être est la compétition économique avec l’Amérique du Nord.

L’actuel mouvement qui se développe à partir de Rennes II soulève des questions cruciales sur la forme de la lutte ainsi que sur la riposte constructive à apporter à l’État.
Ensemble construisons l’alternative
La question de la grève a beaucoup fait débat. La grève est indispensable car elle permet de prendre le temps pour réfléchir, s’informer, discuter du système, pour construire l’alternative et lutter ; et pour cela, quelques jours de grève ne suffiront pas. Mais la grève ne se suffit pas à elle-même et ne serait rien sans l’occupation et le blocage total de la fac car, outre un moyen de réveil des consciences, c’est le seul moyen de pression efficace, et évite de pénaliser et de sacrifier les grévistes. Cela force à se questionner, prendre position et aller au bout de ses idées. Mais surtout, l’occupation est une fin en soi car elle sous-tend la réappropriation de l’université par les étudiants et engendre des habitudes d’autogestion, de démocratie directe, de solidarité et d’auto organisation qui sont de véritables investissements individuels pour de futures luttes. Il y a donc le difficile (mais normal) apprentissage de la démocratie, et ce malgré les tendances anti-démocratiques et stalinoïdes de certain-e-s syndicalistes.
De plus, ne nous faisons pas d’illusions sur les autres formes d’actions que l’on pourrait nous proposer, comme les manifs ou les grèves ponctuelles. Celles-ci, aussi importantes et fréquentes soient-elles, sont des actions épidermiques, des coups d’épée dans l’eau. L’expérience des mouvements sociaux du printemps dernier (retraites, éducation, intermittents,…) en est la preuve la plus proche. De plus, les médias aux ordres se sont ingéniés à imposer l’idée d’une sorte de « dictature syndicaliste » qui prendrait les « honnêtes citoyens » en otage. Contre cela, il faut une dynamique de lutte qui réveille les gens et les pousse à quitter leur télévision.
Il ne faut pas non plus compter sur un quelconque salut venant « d’en haut », des élus et des syndicats co-gestionnaires. La logique de « démocratie » représentative étant directement la cause des périls qui pèsent sur l’éducation. Or, la démocratie c’est agir tous les jours, comme ce qui se passe actuellement sur Rennes II, ce n’est pas voter tous les deux ans. Car les élections sont des délégations aveugles qui mènent à la dépossession collective (de la fac, des outils de production, du fruit du labeur des travailleurs, de la prise de décision à la base, etc.). Le syndicalisme co-gestionnaire n’est qu’un rouage de ce système, impuissant au retour ultérieur des réformes sous d’autres formes.
Il faut aussi revenir à l’attitude des non grévistes et autres « solidaires sur les revendications mais pas sur les formes ». Ces dernier-e-s se taisent quand l’État prend des décisions sur lesquelles ils ne peuvent avoir aucun pouvoir. Qui parle alors de « prise d’otage » quand le flicage et la vidéosurveillance se généralisent ? Pourquoi ce refus de participer à un système réellement démocratique, au sein d’assemblées générales ouvertes à tou-te-s ?
Cette attitude inerte est révélatrice d’habitudes de consommation de l’éducation c’est à dire la prise en compte exclusive des intérêts individuels à court terme (les examens dans quelques semaines).
Le mouvement étudiant sur Rennes II doit s’élargir aux autres catégories socioprofessionnelles et à l’ensemble de l’éducation afin d’éviter l’essoufflement et l’enfermement du mouvement sur sa base arrière (la fac).
Une tendance très sensible dans le mouvement actuel rejette toute syndicalisation et ce du fait de l’attitude de certain-e-s « petit-e-s chef-e-s » et de l’image des syndicats co-gestionnaires. C’est un tort car si la plupart des syndicats ont une attitude néfaste, celle-ci est à des années-lumière de ce que devraient être des syndicats, des collectifs, des mouvements basés sur des pratiques autogestionnaires et d’émancipation des individus. Ne laissons pas l’éducation à l’État et au patronat, réapproprions-nous nos savoirs-faire, nos cultures, nos langues, nos moyens de production et de décision.

UNIVERSITÉ LIBRE SANS ÉTAT NI PATRON !
BREIZH DIZALC’H HEP STAD NA MESTR !

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