Brésil: le crime electoral parfait (II)

ALERTE SUR LE SYSTEME ELECTORAL BRESILIEN

Le 1er octobre 2003 le Parlement Brésilien a approuvé la « Loi du Vote Virtuel Aveugle » sans aucune discussion technique préalable. Elle a été signée par le Président de la République quelques minutes plus tard. Approuvée et mise en application de manière expéditive et sans débat, cette loi a mis un terme aux moyens de contrôle indépendants du processus électoral brésilien, de sorte que le contrôle efficace des élections est désormais impossible. Un système qui ne permet pas d’audit indépendant des résultats ne peut être considéré comme fiable, même si il produit des valeurs cohérentes avec les sondages pré-électoraux.
Avant l’adoption de cette loi, plusieurs membres de la communauté universitaire brésilienne, avec l’appui de centaines de citoyens soucieux de la fiabilité des élections au Brésil, avaient publié une alerte qui ne fût pas prise en compte par les parlementaires sous pression. Cette alerte, transcrite ci-dessous, demeure d’actualité et compte actuellement plus de 1900 signataires parmi lesquels des juristes renommés, des titulaires des meilleures universités brésiliennes et des professionnels spécialisés en sécurité informatique. Ces spécialistes savent qu’un système informatique sans contrôle est très peu fiable. C’est leur devoir d’alerter la population, qui continue à s’émerveiller du dispositif électronique, sans être consciente des risques encourus.
Nous ne voulons pas léguer aux prochaines générations un système électoral vulnérable aux erreurs et aux fraudes électroniques difficiles à mettre en évidence. Pour cette raison nous exigeons une étude technique indépendante proposant des moyens effectifs de contrôle des résultats, afin que la vraie Démocratie puisse exister dans notre pays.
Pour adhérer : http://www.votoseguro.com/alertaprofessores
Pour plus d’informations, « Forum du Vote Electronique » : http://www.votoseguro.org (en portugais)

ALERTE SUR LA FIABILITE
DU SYSTEME ELECTORAL INFORMATISE
Nous sommes favorables à l’utilisation de l’informatique dans les systèmes électoraux, à condition de ne pas compromettre la transparence du processus, et de pouvoir contrôler la fiabilité des résultats.

Citoyen,
Notre démocratie est sérieusement menacée par un projet de loi du Congrès National, le « Projet du Vote Virtuel » PL 1503/03. Ce projet, sous le masque de la modernité, met fin à la possibilité d’audit efficace de notre Système Electoral Informatisé car : (1) il élimine le bulletin imprimé vérifié par l’électeur en le remplaçant par un « vote aveugle », où l’électeur n’a aucun moyen de vérification, (2) il lève l’obligation de la part de la Justice Electorale d’effectuer un audit ouvert dans son système informatisé avant la publication des résultats finaux, et (3) il permet que le Système Electoral Informatisé utilise des logiciels non libres et gardés secrets.
Le Projet de Loi du Vote Virtuel a été suggéré au sénateur Eduardo Azeredo par les ministres du Tribunal Suprême Fédéral et du Tribunal Supérieur Electoral (TSE). Il est très proche de l’adoption grâce à l’intervention directe de ces ministres sur les législateurs, comme l’ont avoué eux-mêmes plusieurs parlementaires lors de son passage à la chambre haute.
Les commissions Constitution et Justice des deux chambres ont vérifié les aspects juridiques du projet, mais en dépit de toutes les alertes des membres de la communauté universitaire sur les risques d’un système qui n’a plus aucune procédure rigoureuse d’audit et contrôle, aucune audition publique de spécialistes en informatique et en sécurité de données n’a été réalisée.
Si cette loi est approuvée, elle aura pour résultat l’institution d’un système électoral sur lequel aucun audit externe efficace ne sera possible, ce qui met en cause les fondements du projet démocratique brésilien. Si nous acceptons une telle ingérence par la mise en oeuvre d’un système électoral opaque, nous prenons le risque d’être gouvernés par une dynastie où les maîtres du système électoral seraient capables d’élire leurs successeurs, sans même les votes nécessaires.
Il est regrettable que la nation, anesthésiée par la propagande officielle, n’ait pas conscience de ce risque majeur. Les médias, mis à part quelques honorables exceptions, évitent le sujet sans aucune explication, comme s’il n’était pas si important.
Cette alerte a pour but de dénoncer le manque de fiabilité d’un système électoral informatisé qui utilise des logiciels fermés, qui est basé sur des urnes électroniques sans matérialisation du vote, qui ne laisse aucun moyen efficace de contrôle et d’audit par les partis politiques et qui identifie le votant par la frappe de son numéro d’électeur sur un clavier relié à la même machine qui collecte son vote. Ainsi le principe du secret du vote, essentiel à la démocratie, dépendra de la volonté des contrôleurs du système électoral.
Ce système est une véritable boîte noire réclamant notre foi, il n’est pas contrôlable de manière indépendante, il n’est pas fiable, il est sensible à des fraudes informatiques difficilement détectables. Dans sa mouture actuelle, il serait rejeté lors des tests de fiabilité de systèmes les plus banals, car en informatique, aucun système sans contrôle ne peut être considéré comme fiable. Plusieurs méthodes de fraude du vote manuel ont disparu, mais le citoyen brésilien n’a pas été mis en garde contre la possibilité de fraudes électroniques plus complexes, plus performantes et plus difficiles à dévoiler.
Alors que les pays les plus développés commencent à exiger que les systèmes électoraux informatisés assurent l’enregistrement matériel du vote, qu’ils mettent en oeuvre des audits systématiques et qu’ils n’utilisent que des logiciels ouverts, le Brésil, avec ce « Projet du Vote Virtuel », va à l’encontre de la marche de l’Histoire.
A quoi sert la rapidité de publication des résultats si le droit du citoyen à vérifier la prise en compte de son vote n’est pas respecté ? La sécurité des données est un sujet technique très spécialisé, et nous sommes effarés par le manque de sérieux des non-spécialistes impliqués dans ce projet de loi, ceci dans les trois Pouvoirs (Exécutif, Législatif et Judiciaire). Les rituels instaurés par le TSE, tels que la présentation des logiciels, le chargement des urnes et les tests de simulation ne sont que des spectacles formels, ne contribuant guère à un contrôle efficace.
Pour incontestable que soit par ailleurs leur compétence en droit, il est très surprenant que des autorités respectables de la Justice Electorale puissent annoncer, avec conviction, que le système électoral informatisé est sûr à 100% et est la «fierté du génie national ». Elles se prononcent à tort sur des sujets qu’elles ne maîtrisent pas, très éloignés de leur domaine de compétence spécifique.
Pour l’électeur, l’urne est dangereuse à 100%, car elle peut être programmée pour élire du conseiller municipal jusqu’au président de la République. Le seul antidote, et le plus simple, à ce manque de sécurité est la participation individuelle de l’électeur à la vérification de l’enregistrement de son propre vote. Il est le seul à même d’assurer cette tâche de manière adéquate.
Le TSE a toujours évité le débat technique sur la fiabilité des urnes, refusant d’entendre les objections techniques. A ce jour, aucune étude indépendante n’a été faite sur la soi-disant fiabilité de l’urne sans bulletin imprimé. L’étude menée par un groupe de l’Université UNICAMP, commandée par le TSE, bien que partielle et souffrant de restrictions, recommande toutefois plusieurs procédures comme condition nécessaire à la sécurité du système. Ces précautions, hélas, ont disparu au moment de faire la propagande des merveilles de l’urne.
La fiabilité des systèmes informatisés est basée sur des personnes et des pratiques sûres. L’utilisation de mots magiques comme « signature numérique », « cryptographie asymétrique », « distribution pseudo-aléatoire » et autres trouvailles ne servent à rien si elles ne sont pas accompagnées de procédures de contrôle rigoureuses et d’audits externes. Si un jour, ces urnes passaient par des mains malhonnêtes, elles pourraient élire n’importe qui. En aucun cas nous ne pouvons nous fier aux sondages électoraux comme méthode de validation des urnes électroniques, en particulier lorsque l’écart en intentions de vote entre les candidats est réduit.
Aucun système informatisé n’est immunisé contre la fraude, et en particulier contre les attaques internes telle celle qui a eu lieu en juillet 2000 contre le Panneau Electronique du Sénat, qui a abouti à la démission de deux sénateurs. L’unique protection possible est un projet rigoureux qui réponde aux besoins de sécurité et permette l’audit des programmes, des procédures et des résultats.
Assez d’obscurantisme dans le système électoral actuel. Nous mettons l’accent sur la nécessité de tenir des débats techniques publics et indépendants pour réfléchir à la sécurité du système et aux défauts à éliminer, ceci avant toute promulgation de lois pouvant compromettre la transparence du processus.
La démocratie brésilienne exige le respect du Principe de Transparence et du Principe de la Répartition des Pouvoirs au sein du processus électoral.
Nous invitons tous les électeurs soucieux de la fiabilité de notre système électoral à prendre contact par tous les moyens possibles avec leurs représentants au Congrès et les médias.

Walter Del Picchia – Professeur Titulaire, Escola Politécnica da Universidade de São Paulo – USP
Jorge Stolfi – Professeur Titulaire, Instituto de Computação da Universidade Estadual de Campinas – UNICAMP
Michael Stanton – Professeur Titulaire, Depto. de Ciência da Computação da Univ. Federal Fluminense – UFF
Routo Terada – Professeur Titulaire, Depto. de Ciências da Computação do Inst..de Matemática e Estatística.- USP
Edison Bittencourt – Professeur Titulaire, Faculdade de Engenharia Química da Univ de Campinas – UNICAMP
Pedro Dourado Rezende – Professeur du Depto. de Ciência da Computação da Universidade de Brasília – UNB, représentant de la société Civile auprès du comité de gestion de l’infrastructure des Clés Publiques « ICP-Brasil »
Paulo Mora de Freitas – chef Informatique du Laboratoire Leprince-Ringuet de l’Ecole Polytechnique, France
José Figueiredo – Professeur Docteur du Depto.de Energia da Faculdade de Engenharia Mecânica da UNICAMP