Polynésie: 200 vétérans du nucléaire ont manifesté à papeete
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Posté par Dissident-media.org
Réunis au sein de l’association “Mururoa E Tatou” (Mururoa et nous), 1.160 anciens travailleurs sur les sites nucléaires de Mururoa et Fangataufa, ainsi que les familles des travailleurs aujourd’hui disparus, réclament à l’Etat l’ouverture de leurs dossiers médicaux, a-t-on appris auprès du président de l’association.
Ils réclament également “le suivi médical” de l’ensemble du personnel présent sur les sites pendant trente années d’essais nucléaires. “Non seulement ce personnel, mais aussi leurs familles”, a précisé Roland Oldham, président de l’association, “ainsi que toutes les populations des îles, dans un rayon de 700 km autour de Mururoa”.
“Mururoa E Tatou” doit remettre à la ministre de l’Outre-mer, Brigitte Girardin, à l’occasion de sa première visite en Polynésie, un dossier dans lequel l’association apporte son soutien à la proposition de loi déposée début juillet par les Verts, visant à établir – comme aux Etats-Unis ou en Australie – un lien entre les essais nucléaires et des problèmes de santé.
L’association réclame “la reconnaissance officielle” par l’Etat des conséquences des essais nucléaires, ainsi que le droit aux compensations. Elle souhaite aussi que soit effectué le test radiobiologique de l’ADN de chaque ancien travailleur à Mururoa et Fangataufa.
Créée il y a un an, en juillet 2001, l’association “Mururoa E Tatou” se déclare elle-même “surprise” par le nombre et l’affluence des adhésions ainsi que par “l’ampleur, la gravité des questions” que se posent aujourd’hui les anciens travailleurs, qu’ils soient polynésiens ou métropolitains.
“Le problème, explique Roland Oldham, est qu’en Polynésie, les essais nucléaires ont constitué la trame d’enjeux, de luttes politiques : être pronucléaire, c’était appartenir à la majorité, et s’y opposer, c’était être indépendantiste”. Aujourd’hui, “Mururoa E Tatou” veut donc expliquer aux Polynésiens que “les maladies liées aux radiations ne sont pas politiques”.
Association Moruroa e tatou –
BP 5456 Pirae Tahiti (Polynésie Française) –
Tél (689) 43.09.05 Tél/Fax : (689) 42.15.69
E-mail : [moruroaetatou@mail.pf->mailto:moruroaetatou@mail.pf]
Les conclusions des études commandées à ce sujet “ont été positives”, assure Chirac: “il n’y aura pas d’effet sur la santé, à court terme comme à long terme”, et “il n’y a pas non plus d’effets à craindre sur le biotope”. “D’ailleurs, aucune surveillance radiologique et géomécanique des atolls à des fins de protection radiologique n’a été jugée utile”, même si la France va tout de même continuer à assurer une “surveillance” sur les sites. De même, le suivi médical des personnels concernés n’a “pas permis de déceler des expositions aux rayonnements ionisants s’écartant de la radioactivité naturelle”, affirme-t-il.
Vendredi 13 septembre 2002, Stéphane Paoli présentera sur France 2 (Contre courant à 23 h 45) une enquête réalisée par Jacques Cotta et Pascal Martin intitulée
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Ce reportage de plus d’une heure présente la lutte des Polynésiens employés à Moruroa et des vétérans des essais nucléaires qui, depuis des années, tentent de faire reconnaître leurs droits et réclament l’ouverture de leurs dossiers médicaux. En vain, jusqu’à présent.
Ce reportage est d’autant plus poignant que, depuis le tournage, des deux premiers vétérans interrogés, l’un, M. Jacques Muller, déjà aveugle à 90 %, est depuis quelques semaines traité pour un cancer et l’autre, M. Robert Audinet est décédé début juillet 2002 « des suites d’une longue maladie ».
D’autres témoignages viennent renforcer l’inquiétude des Polynésiens sur la situation sanitaire actuelle des petites populations des atolls et îles proches de Moruroa. Plusieurs vétérans révèlent qu’un imprévu météorologique a précipité le nuage radioactif de l’essai atmosphérique du 12 juin 1971 sur l’atoll habité de Tureia et les “graves négligences” des autorités militaires qui n’ont pas pris les dispositions nécessaires pour la protection des insulaires. Comme le rappelait un habitant de Tureia invité à Hiroshima, le 5 août dernier, 7 adultes de son atoll de moins de 200 habitants sont décédés d’un cancer depuis 1999, « cela fait beaucoup pour une si petite population ».
Les associations Moruroa e tatou, en Polynésie, et des Vétérans des essais nucléaires, ainsi que l’Observatoire des armes nucléaires renouvellent, à l’occasion de la diffusion de cette enquête, leurs demandes maintes fois réitérées:
– ouverture des archives des essais nucléaires,
– accès à l’intégralité des dossiers médicaux,
– adoption d’une loi sur le suivi des essais nucléaires français
– participation des associations au processus de règlement des conséquences des essais nucléaires.
Pour toutes informations complémentaires :
* Moruroa e tatou (Tahiti) : Tél 00 689 43 09 05 (décalage horaire de 12 h)
* Vétérans des essais nucléaires : Dr Valatx Tél : 04 78 77 71 27
* Observatoire des armes nucléaires Tél 04 78 36 93 03
BERNARD était ingénieur au CEA (Commissariat à l’énergie atomique) de Bruyères-le-Châtel. En 1998, à 67 ans, il est décédé des suites d’une très longue maladie. Un cancer rare, de la cave du nez, qui s’est propagé aux poumons. Aujourd’hui, sa femme voudrait savoir pourquoi le CEA n’a jamais voulu lui transmettre le dossier médical complet de son mari, qui a pourtant participé aux essais nucléaires français réalisés dans le Sahara et dans le Pacifique. Ce soir, Danielle témoigne dans un reportage diffusé sur France 2 et consacré aux éventuelles conséquences des explosions nucléaires menées par les autorités françaises. Danielle habite désormais Breuillet. Elle a rejoint les rangs de l’Association des vétérans des essais nucléaires français, créée voilà un an pour « réclamer la transparence sur ce qui s’est vraiment passé ». A 62 ans, elle se souvient avec nostalgie de « ces belles années » passées à Papeete (Tahiti), de 1966 à 1972. « J’étais jeune, avec trois enfants, vivant sur une île superbe avec des habitants très chaleureux. » Là-bas, « les travailleurs du nucléaire » étaient confiants, convaincus qu’ils ne risquaient rien. « Mon mari était très bien suivi médicalement, avec toutes sortes d’examens poussés réalisés régulièrement. Et puis le nucléaire ne fait pas peur car il ne se voit pas, ne se touche pas, et ne se sent pas ! » Danielle non plus ne se posait pas de questions. De toute façon, elle ne savait presque rien des activités exactes de son mari. « La loi du silence faisait partie du contrat, raconte-t-elle. Mon mari s’est lancé avec enthousiasme dans l’aventure du nucléaire menée par le général de Gaulle. Il était fier de travailler pour la grandeur de la France, alors il respectait le secret défense. »
Les premiers doutes sont finalement nés avec la maladie. En 1991, alors qu’il devait partir pour une nouvelle mission en Polynésie, Bernard découvre qu’il est atteint d’un cancer. « Il était enrhumé depuis des mois, se rappelle Danielle. En fait, c’était une tumeur très rare en France. Je n’accuse personne, mais je veux juste que l’on détermine les dangers exacts du nucléaire pour préserver les générations futures. Ça ne changera plus rien à la douleur de ma famille. » Bernard vivra sept ans avec la maladie. Sept longues années pendant lesquelles ses enfants vont chercher à comprendre. « Ma plus jeune fille l’a harcelé pour savoir quelles étaient précisément ses missions. Et puis mon mari en a parlé à ses collègues, dont certains étaient aussi malades. Après sa mort, j’ai demandé son dossier médical. On m’a envoyé un résumé où ne figurent même pas les mesures de radiométrie. » Danielle se bat désormais pour que la lumière soit faite. « Je suis en colère contre certains agents du CEA qui nous méprisent », tempête-t-elle. Elle dénonce ainsi « cette espèce de certitude dans laquelle sont installées les scientifiques qui jouent les apprentis sorciers en permanence, sans savoir où ils nous mènent. La France est le seul pays où les douaniers ont pu stopper le nuage de Tchernobyl ! »
AIFFRES (Deux-Sèvres), 6 avr 03 – Anciens appelés du contingent, militaires de carrière ou civils, irradiés à la suite d’essais nucléaires, ils étaient réunis samedi et dimanche près de Niort, à la recherche d’actions coordonnées de recours contre l’Etat.
Trois succès judiciaires individuels récents ont mis du baume au coeur des 600 membres de la récente Association des vétérans du nucléaire (AVEN), créée en 2001. Le tiers des membres participait à Aiffres, près de Niort, à la troisième assemblée générale après celles de Lyon et d’Angers.
A l’avenir, “la coordination des actions est essentielle et il faut commencer par les cas qui sont sûrs d’être gagnés afin de créer une jurisprudence pour les autres cas plus difficiles”, a estimé Me Jean-Paul Teissonnière, du barreau de Paris, qui a défendu avec succès les victimes de l’amiante.
“En 1995, quand nous avons débuté pour l’amiante, c’était la même situation, déni des maladies, de leurs conséquences et maintenant nous traitons plus de 3.000 dossiers et nous en avons déjà gagné 1.000”, a-t-il indiqué.
Beaucoup de vétérans ont les plus grandes difficultés à obtenir de l’armée leur dossier médical et parfois à faire reconnaître qu’ils étaient bien présents lors des essais.
Ainsi Lucien Parfait, retraité maçon ardéchois, l’oeil gauche retiré à la suite d’un cancer cutané et osseux à la face. Il était au “point zéro” lors du fameux tir mal dirigé du 1er mai 1962, à In Eker, dans le Sahara algérien.
“Appelé au 11e régiment du Génie, j’ai creusé la galerie pour le tir dans la montagne, j’ai posé les portes blindées et j’ai des photos de notre campement mais rien n’est mentionné dans mon dossier militaire et mes trois demandes de pension ont été rejetées”, affirme-t-il avec véhémence.
“Quatre jours après, l’armée nous a renvoyés sur les lieux comme si rien ne s’était passé”, soutient-il, rappelant que ses cancers lui ont valu 27 opérations et 6.400 points de suture.
D’autres cas flagrants ont été évoqués comme ces appelés dits du “groupe des 9” qui affirment avoir été, en 1962, “abandonnés à leur sort” par la hiérarchie militaire, à 10 km du “point zéro”.
Tous les vétérans évoquent le manque de mesures de précaution. “Sur la base d’Hao, en Polynésie française, je déchargeais des caisses et des véhicules contaminés venant de Mururoa (lieu des essais, ndlr) en shorts et mains nues”, raconte Pierre Philippe, 55 ans, de Vitré (Orne) qui a de gros problèmes dermatologiques.
Les maladies sont multiples chez les membres de l’AVEN. “80% ont des problèmes de santé, et 34% ont des cancers alors que la moyenne en France est de 17%”, relève Bruno Barrillot, un chercheur de Lyon, à l’origine de l’AVEN. “21 cas de cancers liés aux essais ont été recensés aux Etats-Unis”, assure-t-il.
Les nouvelles générations peuvent être atteintes. “En 1971, notre premier enfant avait un pied mal formé et n’a vécu que deux heures, et deux camarades de régiment ont connu le même cas”, raconte M. Philippe.
Pour obtenir réparation du préjudice, Me Teissonnière suggère de privilégier les commissions départementales d’indemnisation des victimes. Les succès récents ont été obtenus auprès des tribunaux des pensions militaires de Chambéry, Toulon et de la cour administrative de Bordeaux.
L’AVEN a des difficultés à se faire entendre auprès des politiques, hormis les Verts et les communistes qui ont déposé deux propositions de loi. Elle entend agir en solidarité avec la Polynésie et l’Algérie où deux associations ont vu le jour.
2 00 vétérans des essais nucléaires français, essentiellement des Finistériens et des Costarmoricains se sont réunis hier à La Martyre, près de Landerneau pour s’informer et témoigner.
200 vétérans des essais nucléaires se sont retrouvés hier à la Martyre en présence de l’amiral Antoine Sanguinetti. Ce dernier a dégagé toute responsabilité de l’armée et dirigé les accusations vers les gouvernements successifs.
Ils exigent que l ‘ Etat reconnaisse officiellement le lien entre leur présence sur les sites d ‘ expérimentation et la dégradation de leur état de santé. « Nous estimons à 82.000 le nombre de personnes concernées par notre démarche (210 essais nucléaires ont été effectués par la France entre 1960 et 1996 au Sahara et en Polynésie) », expliquait hier Jacques Melon, délégué finistérien de l’association des vétérans des essais nucléaires (Aven).
En présence de l ‘ amiral Antoine Sanguinetti , ancien commandant du Clémenceau, et de la veuve du général Jacques de Bollardière, les membres de l’ Aven ont dénoncé le « manque criant » selon eux de précautions prises lors des expérimentations nucléaires menées par la France entre 1960 et 1996 au Sahara et en Polynésie.
Antoine Sanguinetti, qui a assisté à quatre explosions au Sahara, a salué la démarche des vétérans, en estimant que « ce qui est important, c ‘ est que pour la première fois des gens qui ont été mêlés à ces questions d ‘ irradiation parlent ». De son côté, Simone de Bollardière, qui milite en faveur de la vérité sur les explosions nucléaires, a rappelé l’ action conduite par son mari, notamment en 1973, contre les essais nucléaires, pour laquelle il avait été sanctionné.
Entre la première explosion « Gerboise bleue » au Sahara le 13 février 1960, et la dernière, le 27 janvier 1996 sur l’atoll de Fangataufa (Polynésie), la France a procédé, selon les chiffres officiels, à 210 essais nucléaires, d’abord atmosphériques puis souterrains .
« Le voile se lève sur un tissu de mensonges » : le Quimpérois, Jacques Melon est le délégué finistérien de l’Association des vétérans des essais nucléaires (Aven). Opéré d’un cancer de la prostate à 50 ans (il en a aujourd’hui 52), il est persuadé que sa maladie est liée à des problèmes d’irradiation. Comme d’autres, il témoigne.
La Bretagne est l’une des régions les plus touchées en raison de la présence de la Marine nationale. « Le ministère de la Défense ayant refusé de nous communiquer la liste des gens qui étaient sur site, nous lançons des appels à témoins pour établir des statistiques », explique Jacques Melon.
Si les politiques continuent à faire la sourde oreille, Aven aura recours à la voie juridique. « Nous jetterons les bases de notre stratégie lors de notre assemblée générale en juin 2003 ». Décès prématurés, pathologies cancéreuses, « nous entendons prouver de façon irréfutable la relation de cause à effet entre la présence des vétérans sur les sites d’expérimentations nucléaires et leur état de santé actuel », confie Jacques Melon. Lui, était appelé en 1970. Il travaillait au laboratoire de radiologie de l’hôpital de Papeete où il effectuait des mesures de radioactivité du corps humain.
« Jusqu’en avril 1971, j’ai uvré à côté de sources de césium 137, les mêmes qu’à Tchernobyl. Durant 15 ans, j’ai connu les mêmes angoisses que les malades ukrainiens, c’est ce qui m’a ouvert les yeux. Ma vie professionnelle et familiale a été foutue en l’air ». Jacques Melon n’a assisté à aucun tir. « Mais, j’ai fait de la plongée sous-marine dans le lagon. Parmi la population polynésienne, on dénombre d’énormes pathologies liées aux poissons infectés dont les autochtones sont friands. Mais, tout le monde nie l’évidence ».
Plus tard, à 50 ans, Jacques Melon a été opéré d’un cancer de la prostate. « Le cancérologue qui m’a opéré à Lyon m’a parlé de cause génétique. Mon généraliste est persuadé qu’il est lié à des problèmes d’irradiation ». Jacques Melon a entamé une démarche individuelle. Mais, il est convaincu que c’est un collectif qui triomphera.
C’est aussi le sentiment de l’historienne toulousaine, Christine Chanton, fille d’un vétéran du Sahara. Aujourd’hui, son père souffre d’un cancer de la peau. Alors, elle a choisi de collecter les témoignages oraux. Elle a fait son mémoire de maîtrise sur la période qui couvre les années 60 à 70 au Sahara. Actuellement, elle planche sur la Polynésie. « Après avoir rencontré deux vétérans, je sais, par exemple, que les relevés dosimétriques effectués sur eux ont été falsifiés ». Pour les plus anciens, les archives seront ouvertes en 2020, soixante ans après la levée du secret défense.
Créée en juin 2001 à Lyon, l’Aven s’organise en réseau national, régional et départemental.
Contact Finistère : Jacques Melon,
7 rue de l’Hippodrome à Quimper. Tel 02.98.90.31.82;
E-mail : [jacquesmelon@hotmail.com->mailto:jacquesmelon@hotmail.com]
Une association de vétérans des essais nucléaires (Aven) s’est créée en juin à Lyon. Tous ont des problèmes de santé. Ils dénoncent l’irresponsabilité de l’armée, réclament la réouverture des dossiers médicaux et demandent à l’État de reconnaître ses responsabilités.
En 1961, Valentin Mentz a 20 ans quand il effectue son service militaire en Algérie. Il participe alors à deux essais nucléaires. Le 1er novembre, il se trouve à 960 m du point d’impact de la bombe atomique. Six mois plus tard, le 1er mai 1962, il voit la montagne d’In Eker exploser. Un essai raté auquel assiste Pierre Messmer, ministre de la Défense.« L’onde de choc a duré 30 secondes, raconte-t-il. On était cramponnés au 4X4. Le vent a tourné et on s’est pris le nuage radioactif. J’étais en short et en chemisette. Je suis passé trente fois sous la douche pour la décontamination. »
Gérard Dellac, lui, est resté 24 heures sous la douche. « Quand je sortais, je bloquais le compteur Geiger. » Depuis, il a des problèmes de dermatose et a subi neuf opérations au visage. A l’époque, un officier lui avait demandé de planter un drapeau français au point zéro d’impact de la première bombe atomique française. C’était le 13 février 1960. Michel Verger, appelé affecté à la poste militaire de Reggane, s’en souvient. Ce jour-là, l’armée lui avait remis un dosimètre, censé mesurer le niveau de contamination au moment de l’explosion. On ne le lui a jamais réclamé.
Quarante ans plus tard, les vétérans des essais nucléaires du Pacifique et du Sahara s’interrogent. Ils sont anciens appelés du contingent, militaires de carrière, personnels civils du Commissariat à l’énergie atomique. Leurs bilans de santé sont inquiétants : cancers, cécité, acouphène, dermatose, hypertension, paralysie faciale… Depuis juin, 250 d’entre eux se sont regroupés au sein d’une association implantée à Lyon. Une antenne régionale a été créée à Angers, en septembre (1). Elle regroupe une cinquantaine de personnes du Grand Ouest et s’est réunie ce week-end dans le Maine-et-Loire.
Reçus au Sénat
Les adhérents réclament la réouverture des dossiers médicaux, et dénoncent l’irresponsabilité de l’armée. De cette époque, Michel Verger a conservé quelques documents militaires internes qui montrent combien les risques encourus avaient été sous-évalués. Dans une note officielle, datée du 6 février 1960, l’armée prévoit la distribution d’une paire de lunettes pour quarante personnes. « Des officiers ont fait venir leur famille pour assister au spectacle. On nous conseillait juste de mettre nos mains dans nos poches et de nous protéger la tête avec un chèche. »
De1960 à 1996, 100 000 personnes auraient été exposées dans le Sahara ou dans le Pacifique. L’armée a reconnu officiellement neuf irradiations. Ceux qui ont voulu attaquer en justice l’armée ou le Commissariat à l’énergie atomique ont été déboutés : la plainte devait intervenir dans les 30 jours suivant la « quille ». Trois demandes de commission d’enquête ont été rejetées par la commission de la Défense nationale.
Une délégation de l’Aven a été reçue, en novembre, à l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Elle a demandé des statistiques sur l’état de santé des populations exposées. Selon le président régional de l’Aven, André Davena, « contrairement à d’autres puissances, la France continue de nier tout effet de ses essais nucléaires sur la santé et l’environnement ».
(1) Aven : 02 41 76 22 88.
William MAUXION
En 1960 et 1961, l’armée française a profité des essais nucléaires dans le Sahara pour organiser des manoeuvres en milieu radioactif. Les appelés cobayes n’ont jamais entendu parler d’indemnisation.
«Nous étions une vingtaine dans la tranchée, assis en tailleur, dos à la bombe. Pendant le compte à rebours, certains se sont mis à pleurer. » Ce 25 avril 1961, Francis Paquez a 21 ans. Il participe en tant qu’appelé du contingent au dernier essai nucléaire français à Reggane, dans le Sahara algérien.
La bombe atomique, installée au sommet d’un pylône de 50 mètres, explose à 7 heures du matin, libérant une puissance de près d’une kilotonne. A trois kilomètres de là, Francis Paquez est transpercé par le flash lumineux. « Je me suis senti devenir transparent comme un verre d’eau. Au-dessus de nous, il y avait deux chèvres, attachées chacune à un piquet, qui se sont mises à hurler. » Deux minutes plus tard, les hommes du 42e régiment d’infanterie, équipés d’une combinaison blanche et d’un masque à gaz, reçoivent l’ordre de s’avancer vers le « point zéro », l’endroit précis où vient d’exploser la bombe.
Lorsqu’ils s’extraient de la tranchée, le champignon atomique commence à peine à s’élever dans le ciel. « Les chèvres étaient brûlées, elles n’avaient plus de poils et leurs yeux étaient opaques. Je n’ai pas eu le temps de me poser des questions, il fallait avancer », raconte Francis Paquez. La progression en formation de combat dure près d’une heure. « A un kilomètre du point zéro, les compteurs Geiger ont crépité si fort que le capitaine nous a ordonné de faire demi-tour. » Pendant quarante ans, Francis Paquez, qui souffre aujourd’hui d’une maladie de peau et d’une hypersensibilité à la lumière, a respecté la consigne de l’armée. Il a gardé le silence sur cette manoeuvre secrète, baptisée « Hippocampe vert ».
Entre février 1960 et 1961, la France a non seulement fait exploser quatre bombes atmosphériques au Sahara mais elle en a profité, lors des deux derniers essais, pour simuler une guerre nucléaire en envoyant 291 hommes, pour la plupart des appelés du contingent, manoeuvrer sous le champignon atomique. Le Point a retrouvé ces anciens « cobayes » qui témoignent pour la première fois.
« En février 1961, j’ai appris que je partais pour une destination inconnue. » A l’époque, Paul Chesseron est pilote de char Patton M47 au 12e régiment de cuirassés, stationné en Allemagne. C’est seulement à son arrivée à Reggane qu’on lui annonce que son peloton va « participer à une explosion nucléaire ».
Le jour J, les chars sont alignés à trois kilomètres du point zéro. « Le souffle a secoué les 42 tonnes d’acier. J’ai regardé par le périscope le champignon s’élever, c’était un spectacle effroyable. Il a fallu se diriger droit dessus. Le pylône sur lequel reposait la bombe n’était plus qu’un moignon tordu. » Son char croise des camions renversés, des avions, des bateaux disposés par l’armée autour du point zéro afin d’étudier la résistance à l’effet de souffle et à la chaleur. « Ils étaient chauffés à blanc, certains chars avaient fondu et ressemblaient à des morceaux de chocolat. Nous avons manoeuvré toute la journée, la trouille au ventre. » Paul Chesseron n’a jamais pu connaître la quantité de radiations qu’il a encaissées. Mais, deux ans après la fin de son service militaire, de larges plaques brunes sont apparues de manière inexplicable sur tout son corps. « Je les ai gardées plus de dix ans. »
Michel Bouquet, pilote d’un transport de troupes AMX13 au 42e régiment d’infanterie motorisée, basé en Allemagne, avait lui aussi été sélectionné pour participer à la « parade » nucléaire. « Pendant un mois, je me suis entraîné, avec une dizaine d’autres chars, dans la zone contaminée par l’explosion précédente. » A chaque exercice, il garde les yeux rivés sur le compteur Geiger, qui crépite comme une sonnerie de réveil. « Peu à peu, j’ai pris peur et j’ai tout fait pour être renvoyé de mon unité avant le jour J. »
Sur le champ de tir, auquel on accède par une route goudronnée que l’armée a fait construire pour l’occasion, émerge du sable le blockhaus Alpha, un énorme bloc en béton muni de hublots derrière lesquels sont placées des caméras chargées de filmer l’explosion. A l’extérieur, jusqu’à 300 mètres du point zéro, sont éparpillés des rats, des lapins et des chèvres. « Nous avons testé sur les rats un produit radioprotecteur », raconte le docteur Daver, alors lieutenant du contingent au centre médical de Reggane. Un antidote à double tranchant, puisque les sels de métaux lourds utilisés pour piéger les radiations provoquent à long terme des intoxications mortelles… « On travaillait aussi sur les lapins pour mesurer l’effet des radiations sur l’oeil, car nous redoutions que les participants aux manoeuvres ne développent des cataractes. »
Au centre médical, on pratique également des examens sanguins sur les hommes qui vont pénétrer en zone contaminée. « On faisait environ 80 analyses de sang par jour. Quelqu’un qui manquait de globules blancs était écarté », explique le docteur Lacassie, affecté à Reggane en tant qu’hématologue appelé du contingent.
Il arrive aussi que l’équipe médicale intervienne en urgence. « Je me souviens d’un pilote d’hélicoptère d’une quarantaine d’années qui s’était brutalement retrouvé paralysé des quatre membres quelques heures après avoir survolé le champignon atomique. Nous l’avons réanimé, puis il a été transporté par avion à l’hôpital d’Alger. Je n’ai jamais su ce qu’il est devenu. »
Interrogé par Le Point, le ministère de la Défense reconnaît l’existence de ces « manoeuvres tactiques en milieu contaminé », répondant aux noms de code d’« Hippocampe rouge » et d’« Hippocampe vert ». Et d’expliquer que ces exercices, « constitués de mouvements de fantassins » et de « reconnaissances d’itinéraires avec des hélicoptères guidant des blindés », avaient pour objectif de vérifier la résistance des matériels et de tester les réactions des hommes de troupe dans une ambiance radioactive.
Selon Pierre Messmer, à l’époque ministre des Armées, ces manoeuvres secrètes avaient aussi un autre but. C’est ce que l’actuel chancelier de l’Institut de France a expliqué au Point : « Nous voulions surtout évaluer le niveau de radiations subi par les hommes afin de définir des distances de sécurité. » Les seuls documents traitant de la question étaient américains. « Les Etats-Unis avaient déjà réalisé plusieurs expériences comme celles-là, mais ils refusaient de nous en communiquer les résultats. Les rares données qu’ils laissaient filtrer étaient délibérément faussées pour nous induire en erreur. »
Quant à savoir s’il fallait utiliser des militaires comme « cobayes », l’ancien ministre rappelle le contexte de guerrefroide et précise : « Nous ne disposions pas d’engins téléguidés. Maintenant, on opérerait autrement. » Du côté du ministère de la Défense, on se veut toutefois rassurant sur les éventuelles conséquences sanitaires : « Les doses reçuespar les participants ont été faibles, bien en deçà des limites annuelles professionnelles. » (C’est un monsonge énorme!)
Certes, mais aujourd’hui encore les archives militaires sur les manoeuvres Hippocampe restent couvertes par le secret défense…
« Tout a commencé en 1959 au fort d’Ivry, où j’avais été mis au secret avec ordre d’écrire un scénario sur la première bombe atomique française. » Jean Vautrin, prix Goncourt 1989, effectue alors son service militaire en tant que cinéaste des armées. En décembre 1959, une fois son scénario bouclé, il est envoyé au centre d’expérimentation nucléaire de Reggane, dans le Sahara, pour y filmer l’explosion. « Je garde de cette expérience le souvenir de quelque chose de typiquement français : un mélange de grandeur, de bordel ambiant et d’apprentis sorciers. » Dans le désert algérien, les haut-parleurs diffusent de la musique, puis le compte à rebours démarre. « Au moment du tir, l’éclair nous a envahi la cervelle. Ensuite, dans un silence impressionnant, le champignon s’est élevé, monstrueux. L’onde de choc est arrivée à la façon des cavaliers de l’Apocalypse, roulant sur nous et nous traversant. Soudain, au milieu du tonnerre, nous nous sommes aperçus que nous n’avions pas enregistré le son de l’explosion… » Impossible d’annoncer la nouvelle aux militaires, qui comptent sur le film pour montrer au monde la puissance de la France. « Alors, nous avons triché. On peut le dire maintenant parce qu’il y a prescription, nous avons récupéré le son d’une bombe américaine pour sonoriser la première explosion nucléaire française ! »
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