Crapules & Assassins (dans la prairie, 25 mars 23)
Catégorie : Local
Thèmes : AnarchieantiautoritarismeAutonomieLuttes
Lieux : Castres-ToulouseNotre-Dame-des-LandesSainte-soline
Les assassins assassinent. Souvent, ça rate. Et les gueules cassées sont innombrables aujourd’hui et hier. Mais ça ne rate pas toujours. Parfois, les assassins assassinent. Toustes les blessé.e.s, les torturé.e.s et les assassiné.e.s sont à venger. Et on se vengera.
On ne dira évidemment rien contre les personnes qui décident de s’affronter aux assassins avec des moyens qu’elles choisissent elles-mêmes. Mais on dira des personnes qui programment un assaut en n’y étant pas physiquement elles-mêmes en première ligne, qu’elles sont des crapules.
Le programme était écrit par avance. Par exemple sur la page média d’un mouvement qui appelait au rendez-vous du 25 mars 2023 : « impacter concrètement les projets de bassines et leur construction. » Communication crapuleuse. Là, il n’y a rien à saboter, pas même un engin de chantier. Seul, un trou vide, fermé par des grilles. Et pour couper une canalisation, faut-il rassembler quelques milliers de personnes à la même heure au même endroit ? D’ailleurs, la novlangue dit : « désarmer une canalisation ». (S’il s’agissait d’un bavardage sans conséquence dans la réalité, on trouverait ça marrant.) Les conditions favorables à un sabotage sans dommage pour qui l’entreprend sont évidemment inverses. Lorsque ni les flics ni les caméras de tous bords ne débitent à tours de bras, bref lorsque ni les uns ni les autres n’y sont. À l’heure de la lune, choisie en toute discrétion. Donc, programmer un assaut dans la prairie contre les flics pour franchir leur ligne. Et puis ? Planter un drapeau dans le trou vide ? Mettre en déroute les assassins, planter nos tentes, apporter du bois et y construire des cabanes et des palissades ? … Une fête était également au programme le samedi soir, au retour de l’assaut. Et certain.e.s ont osé un « on fête la victoire ! » et mis du son, mais la fête n’a pas pris.
Lancer un assaut, franchir la ligne, fêter la victoire sont des éléments de langage qui circulent depuis de longues années. Leur fonction est d’agréger les foules, petites ou grandes, sous un commandement militaire fantasmé à défaut d’être toujours exécuté, mais également d’agréger les idées pour les confondre.
Deux exemples parmi d’autres. En juin 2016, un texte appelle à donner au mouvement social contre la loi travail une « consistance organisationnelle » et à « produire sa propre machine de guerre ». Une simple affaire de mots verbeux, sans doute. Mais des mots qui voudraient polariser toutes les idées et les forces vives destructrices présentes. Comme si elles ne pouvaient pas se distinguer les unes des autres et se destiner à des buts autonomes.
En avril 2018 dans le bocage de Notre-Dame-des-Landes, des appelant.e.s à l’assaut contre les flics pour lutter contre l’expulsion des occupant.e.s atteignent un sommet de duplicité. Car les assauts contre les flics, c’est du chiqué ! Sauf pour celles et ceux qui ne savent pas. Qui ne savent pas que, afin de sortir de la lutte en acceptant de signer des fiches d’occupation avec la préfecture qui les exige des personnes qui veulent vivre là en paix, il faut avoir l’air de lutter encore. Avoir l’air de. Pour celleux-là dupé.e.s : À l’assaut ! À votre bon cŒur, donnez tout ou partie de votre corps ! Pour les appelant.e.s : À nous la terre et le bâti ! Depuis, le silence sur cette crapulerie est de plomb, par exemple dans le magazine culturel de la gauche en ligne. Et pour cause, c’est de ce côté de la gauche vague que les appelant.e.s vont chercher des sous pour abonder un fond de dotation au service de l’achat de la zone.
On peut désormais y envoyer les enfants en camps d’été, payants s’entend, et y commander l’agneau de noël. Et dans la confusion délibérée des idées, les appelant.e.s auront célébré là une victoire en renonçant à la lutte, en s’appropriant collectivement une zone, et traitent de mauvais perdants celles et ceux qui ne renoncent pas à lutter contre ce monde.
Cette dernière crapulerie n’était donc pas la dernière.
Ces crapuleries se répètent avec plus de facilité lorsqu’elles ne sont pas dévoilées. Pour les garder sous le couvercle, la rage contre les assassins est un bon ciment. L’affaire est alors de construire un front de lutte contre la répression. Et d’appeler à rejoindre ce front de lutte sans discorde. Mais verra-t-on encore des groupes autonomes s’y coller ? Et renoncer à des idées qui leur seraient propres ? Contre les assassins et dans toutes les luttes, ces crapules sont des fausses amies.
Pour détruire tous les bras de la domination, polices, palais de justice, data centers, et pour lutter contre les ravages de ce monde, bien des idées sont lumineuses et nombreux sont les gestes possibles.
Et la tristesse finira.
Ce commentaire ne respectait pas la charte.
Merci de tous ces témoignages,
Mais, si je peux me permettre, je trouve qu’est trop peu évoqué le cas de Sivens.
La mise en scène était exactement identique, et l’après midi nous avions du freiner les gens incités par des ”meneur-euses” à envahir la dalle sans aucune protection (ça aurait été une boucherie, et il y a quand même eu des blessé-es).
Le drame de Sivens a eu lieu dans un autre contexte, mais le dispositif était en tous points semblable.
Je crains malheureusement que cette scénarisation ne fasse ”système”. Il est peut être temps pour tout ce qui traîne d’anti-autoritaire de se dissocier de ces kermesses, et d’envisager lors des ”appels” à faire d’autres actions en marge des dispositifs répressifs.
Comme les vers de terre, qui font leur petit travail en douce, et ne sortent qu’opportunément ;-)
« C’est faire injure à la foule, et plus encore aux dites « premières lignes », que de parler de manipulation. Nous ne sommes ni des moutons, ni des soldat.es. Si nous avons foncé sur cette bassine, ce n’est pas par obéissance aveugle aux ordres, mais parce que nous voyons du sens à percer des lignes policières, symboles de la propriété privée des choses communes.
Nous sommes des milliers à nous être préparé.es à cet événement en nous préparant à mener bataille : nous avons formé des groupes, nous avons fabriqué et acheminé du matériel, nous nous sommes coordonné.es, nous avons eu peur et nous avons eu du courage. Avec ce qu’il s’était passé lors des précédentes manifestations contre les bassines, il était clair que le 25 mars serait un moment de haute intensité émeutière. Rarement la situation a été si claire qu’à Sainte-Soline : un trou vide entouré d’hommes en armes devenu pur symbole de la loi. « Vous ne passerez pas, car nous sommes les plus forts, c’est pourquoi nous décidons de l’usage du sol ». Percer ces lignes aurait pu trouer l’ordre des choses, c’est-à-dire de la propriété : montrer qu’une foule au cœur plein de feu peut faire tomber les barrières entre ce qui est à eux et ce qui n’est à personne. Si l’État veut dissoudre les SDT, c’est qu’il sait ce que peut provoquer la destruction matérielle d’un tel symbole. »
https://iaata.info/La-faute-a-Sainte-Soline-5872.html