Depuis près de quinze jours, nous assistons à une révolte sociale sans précédent depuis plusieurs décennies. Les banlieues s’embrasent. Les banlieues brûlent. Certains se demandent bien pourquoi, d’autres s’étonnent que cela ne soit pas arrivé plus tôt. Mais tous condamnent.

Il n’est nul besoin de revenir sur les causes profondes (racisme ambiant, pauvreté extrême, mise au ban, stigmatisation, ghettoïsation,…), ni sur les raisons directes (un contrôle de police de plus qui dérape en bavure, vocabulaire et mépris empruntés à l’extrême-droite,…) de cette colère.
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Cette révolte est légitime.
Mais pourquoi brûler tout ça ?

Brûler simplement le décor que l’on ne veut plus voir, celui de la misère qui oppresse, celui de la ville-béton qui enferme.
_ Brûler les moyens de transports qui humilient tous les jours l’impossibilité de sortir de ce gris.
_ Brûler les écoles « de la République » qui sont les premiers lieux d’exclusion, de sélection, de tri, d’apprentissage de l’obéissance à tout prix.
_ Brûler les mairies, gestionnaires de la misère, et les commissariats, synonymes d’humiliation, de brimades, de tabassages. Brûler l’État qui gère ces prisons à ciel ouvert…
_ Brûler les locaux de partis politiques. Brûler les politiciens méprisants. Brûler l’élite.
_ Brûler les entrepôts de marchandises, des concessionnaires automobiles, des banques, vidéoclubs, supermarchés, centres commerciaux, studio de production télé. Brûler et non voler. Juste pour voir partir en fumée cette marchandise pour laquelle on doit trimer et que l’on doit – « normalement » – convoiter, consommer, accumuler.
_ Brûler parce que cela semble le seul moyen de se faire entendre, de ne plus être invisible.
_ Brûler avec l’espoir évident de voir changer les choses.

Soutenir évidemment.

Parce que les premiers qui vont déguster, tant physiquement dans les commissariats de la « République », que pénalement dans les tribunaux où la justice se rend à flux tendu, sont ceux et celles qui ne s’expriment pas selon les « règles » de la démocratie des gens de pouvoir. Quand être condamné à plusieurs mois fermes pour sa seule présence dans la rue devient la règle, il n’y a plus d’illusions à se faire sur la « Justice républicaine». Il n’y a pas de justice, sinon celle des gens de pouvoir.

Briser le consensus « républicain » parce que personne ne le fait.
_ Casser l’image du barbare fabriquée par les médias et assimilée docilement par tous.
_ Se démarquer des gens de « gôche » qui condamnent vertement, qui récupèrent pour demander une dérisoire démission, qui demandent l’instauration du couvre-feu, qui affichent un paternalisme écoeurant, qui, indignés, soulignent enfin que « ce ne sont pas des manières, tout de même »…

S’énerver surtout. S’énerver partout.

Ces derniers temps, dans un climat de déplacement de tout l’échiquier politique – partis, syndicats, organisations – vers la droite, les coups que nous assènent les « gens de pouvoir » s’intensifient : déploiement de multiples formes de contrôle (des plus simples aux plus perfectionnées : l’habituel flic, l’urbanisme, la multiplication de l’arsenal juridique, lois d’exception qui deviennent quotidiennes, les caméras, les puces RFID, la biométrie, etc.) ; accélération du délabrement des conditions de vie ; rafles quotidiennes de sans-papiers ; expulsions des squats ; avènement de crises écologiques majeures (pollution, grippe aviaire, les OGM et la marchandisation du vivant, nucléaire, etc.)…

Et, plus inquiétant encore, est la facilité avec laquelle se met en place une véritable Culture de la peur, une véritable Peur de tout ce qui est autre. Un individualisme exacerbé, qui fait que nous sommes de plus en plus entassés dans les villes, mais de plus en plus seuls et atomisés. Les « gens de pouvoir » – qu’ils s’étiquettent de « gauche » ou de « droite », qu’ils soient élus ou patrons – nous font gober tout ça tous les jours par l’intermédiaire de « leurs » médias.

Et personne ne réagit ? Tout le monde accepte cet état de fait docilement ? Les divisions artificiellement créées – nationalistes, raciales, religieuses – reprennent tellement de vigueur que beaucoup se réjouissent d’un couvre-feu synonyme de guerre, que certains s’enrôlent dans des « milices citoyennes », que l’extrême-droite redéfile dans les rues de la capitale avec ses discours de haine. Les ruptures s’approfondissent et les fossés se creusent.

Tout le monde se fait berner et condamne – parfois violemment – les seuls qui réagissent de manière logique, les seuls qui s’énervent…