Le jour d’après
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Chers amis,
Maintenant que la campagne est finie, que le non a gagné, nous pouvons enfin nous exprimer comme bon nous semble, nous n’avons plus personne à convaincre, plus de bulletin de vote à gagner, n’est-ce pas ? Ou bien sommes nous déjà en 2007 ? Ou bien avons-nous déjà les jumelles braquées sur l’Elysée, guettant mois après mois, semaine après semaine, une hypothètique dissolution ? Ou bien encore allons-nous nous mettre aux fenêtres, celles que même en hiver nous laissons toujours entrouvertes, pour inspecter le macadam dans une recherche désespérée du moindre signe de colère populaire ?
Donc, puisque pendant un temps, qui sera peut-être court, la quête des bulletins des votes est suspendue, nous pouvons nous permettre de tenter un bref état des lieux d’après non, et, profitant de cette liberté temporaire, nous pouvons nous autoriser à faire en sorte que cet inventaire déplaise au plus grand nombre.
-Le parti socialiste.
Les bureaux de vote viennent de fermer, c’est donc tout naturellement le moment de parler de leur réouverture à venir.
La question ici est simple : sommes-nous condamnés au parti socialiste ? Devons-nous nous résigner à n’avoir comme seul monde à offrir à nos enfants qu’un monde ou l’alternative à gauche c’est un parti qui mène une politique de droite ? Nous sommes très nombreux à trouver insupportable l’idée que nos petits-enfants n’aient d’autre choix le dimanche que les petits enfants de Hollande et de Srauss-Kahn.
Personne, bien évidemment, ne se fait d’illusions sur la conversion de Laurent Fabius, mais la réalité est aussi que ceux qui s’en font sur la capacité , et même parfois la volonté, de « la gauche du PS », à transformer radicalement le PS, sont également fort peu nombreux. Lucidité et honnêteté imposent de s’avouer que dans l’état actuel des choses l’avenir à gauche porte le nom, dans la « meilleure » des hypothèses, de Fabius-Emmanuelli. C’est dire comme cet avenir est porteur d’espoir.
Il est entendu que ce que peut penser réellement la base du PS nous ferons comme ses dirigeants : nous n’en tiendrons pas compte, mais, contrairement à ces mêmes dirigeants, nous ne tiendrons pas compte non plus de la petite,très très petite à la vérité, aile ultraréactionnaire de cette base, la seule que représentent réellement les dirigeants du PS, et qui justifie toutes les orientations de ce parti depuis des temps immémoriaux sur fond d’une des vérités les plus mensongères que l’on connaisse, celle qui voudrait qu’en France « les élections se gagnent au centre ».
Il faut se le dire, s’en convaincre : il n’y aura jamais en France de vraie politique de gauche tant que le PS dominera cette gauche.
La conclusion s’impose d’elle-même : il faut tout faire pour que ce parti qui se nomme, qui ose se nommer, le Parti Socialiste, ne domine plus la gauche française.
-A gauche du PS
En réalité c’est à gauche du PS que la situation est la plus inquiétante. Avant le 29 mai nous pouvions parler d’espoir, mais maintenant que le non a gagné nous pouvons être honnêtes et exprimer toutes nos perplexités.
Passer en revue tous les partis/organisations/associations qui ont une existence politique à gauche du PS et démontrer qu’aucun d’entre eux n’est en mesure de faire, aujourd’hui ou demain, l’objet d’un soutient populaire important, serait un exercice aussi facile et fastidieux qu’inutile. Faisons donc court et allons droit au but: il n’existe personne en France qui puisse rivaliser avec le PS.
Conclusion : tous ceux, quelles que puissent être leurs appartenances actuelles, qui veulent, sincèrement, une vraie alternative de gauche se doivent dès à présent de tout faire pour créer ce qui incarnera cette alternative de gauche, et qui , répétons-le encore une fois, ne peut pas être le PS, ou un « nouveau » PS.
Même si cela peut être douloureux, il y a des moments ou il faut savoir mettre à l’arrière-plan les intérêts des appareils, des partis, des organisations. Ce moment est incontestablement venu, le nier ou passer à coté seraient des erreurs très graves que le peuple de gauche, qui dans sa majorité ne supporte plus depuis longtemps les tactiques à la petite semaine, les grenouillages de marchands de tapis, les refondations bidons, les programmes carte-orange valables une semaine, les documents petit-public mal traduits pour le grand-public, les Clausewitz du dimanche d’Octobre les yeux rivés sur leurs chiffres et leurs cartes, n’apprécierait pas.
Et puis, mais cela devrait commencer à se savoir, les ambitions personnelles aussi, préfaces de tous les retournements de veste, ne sont plus tolérées car intolérables. Que les hommes s’effacent derrière les idées. Que viennent enfin l’anonymat, la rotation,la révocabilité, le don. Que cette politique moyenâgeuse de fiefs et de seigneurs, de vassaux et de cerfs, prenne fin car nous n’en voulons plus.
-Dire la vérité
Rien n’est plus insupportable que de dire la verité.Nous savons bien que la vérité est le tombeau des urnes, mais entre deux urnes pourquoi n’aurait-elle pas le droit, elle aussi, d’exister ? Et la vérité, en politique, est simple, si simple : chaque chose à son prix. Tout programme, toute proposition, a des conséquences négatives et positives. Alors pourquoi mentir ? Pourquoi omettre ? Pourquoi cacher ce que tout le monde sait, ce dont tout le monde se doute , à savoir que mener une vraie politique de gauche à des implications,et aujourd’hui encore plus qu’autrefois, dont toutes ne plairont pas à tout le monde. Virer à gauche s’est s’exposer à des risques et à des réactions, et se réfugier derrière l’illusion national-souverainiste, ou encore derrière un internationalisme d’incantation, c’est se mentir à soi -même et mentir aux autres.
-Nations, nationalisme, fédéralisme.
Saborder le peu qui reste de la France de 1789 pour se dissoudre dans une Europe des marchands n’était pas, convenons-en, très tentant. Veuillez pardonner cette bouffée délirante nationaliste, mais puisque temporairement nous avons tous promis de dire toute la vérité, il fallait dire celle-là aussi. Ce n’est pas les plombiers polonais qui ont fait peur, c’est les marchands et leurs amis, qu’ils soient polonais, anglais, ou autre.
Nous n’avons pas eu le choix, nous ne pouvions pas dire oui. Dire oui c’était faire confiance à ceux qui nous promettaient le combat pour une Europe sociale, une Europe au service de ses habitants, mais ces gens là nous ne pouvions pas les croire, nous savions qu’ils nous mentaient, ou , pour les plus excusables d’entre-eux, qu’ils se berçaient d’illusions bien plus grandes encore que les nôtres.
Maintenant que nous avons gagné, nous pouvons nous permettre toutes les vérités, même les plus banales, alors disons aussi que nous savons tous très bien que si le Président de la République s’était appelé Fabius ou Hollande, et qu’il nous avait dit, comme Chirac, les yeux dans les yeux des caméras que l’Europe et cette constitution c’était le triomphe posthume de 1789, et pourquoi pas de 1871, et bien il s’en seraient bien trouvé pour y croire. 68 en soit loué, c’était Chirac qui tenait la permanence, mais il s’en est fallu de peu, on l’a échappé belle. D’ailleurs Chirac, on ne devrait pas toujours en dire tant de mal, il faudra un jour lui rendre justice, car il y a peu d’hommes de droite qui ont rendu autant de services à la gauche que lui.
Mais revenons à nos moutons de la vérité, car ce qu’il faut maintenant dire aussi c’est que nous avons nos LePen père et fille, nos de Villiers, mais que les autres, en Europe, ont aussi les leurs, et que tout ce petit monde, qui d’abord n’est pas si petit que ça, danse aussi de joie, et leurs Carmagnoles à eux sont des plus sinistres.
Nous avons signifié aussi, par notre vote, éventuellement par notre abstention, que nous étions en mesure de contenir tous ces vestiges du passé,et que les peuples d’Europe sauront tous, si le moment devait venir, se dresser comme les français en 2002. Oui, peut-être, mais autant l’on peut discuter de la réelle existence d’un danger en 2002, autant il faut se garder d’affirmer avec trop de certitudes que nous sommes pour toujours, nous ou nos voisins, à l’abri du danger.Plus que jamais une vigilance antifasciste s’impose en Europe, nous le savons, et il fallait le rappeler, même si, objectivement, la menace n’est pas si grande.
Des confédérations de nations nous n’en voulons pas. La dissolution des nations, le fédéralisme, nous souhaitons tout cela, oui, et nous l’avons dit, mais maintenant il faut aussi se poser sérieusement la question de savoir si notre message a été bien reçu et bien compris, en France et en Europe. Or de toute évidence la réponse à cette question est, pour le moment, plutôt négative. La mondialisation, c’est aussi la mondialisation du mensonge politique et médiatique, et de ce point de vue soyons assurés que l’Europe est déjà là depuis longtemps, et pour longtemps.
Comme nous ne pouvons pas non plus, et des preuves irréfutables viennent encore de nous en être données, faire la moindre confiance aux bureaucraties syndicales européennes, il nous faut accepter le fait que les seuls qui puissent expliquer le non français, c’est encore ceux qui ont voté non. Il conviendrait également, car on est jamais assez prudents, de ne pas se faire d’illusions excessives sur la capacité des peuples de gauche d’Europe à bien comprendre ce qui s’est passé en France, car ils sont, tout comme nous, soumis aux mensonges de leurs partis, de leurs syndicats, de leurs experts, et de leurs médias. Par conséquent, à moins que nous ne fassions confiance aux France 2, aux CFDT,aux PS, aux mondes et aux libérations, d’Europe, il est pratiquement du devoir de chacun de prolonger son vote par une activité nationale et internationale.
Il nous faut également accorder une confiance modérée aux partis et aux acteurs vedettes du non quant à leur capacité et surtout leur détermination à oeuvrer pour cette explication du non français, car en politique politicienne les priorités sont souvent nationales. Nos espoirs doivent donc rester modérés quant à la volonté réelle de transformation de l’horizon politique de gauche au niveau français, et ils doivent l’être bien plus encore pour toute extension au niveau européen.
-Méfiance et action
Par le passé, c’est souvent avec enthousiasme et sans grande méfiance que le peuple se révoltait, et pendant qu’il abattait des Bastilles d’autres lui en construisaient dans son dos.
Si nous étions capables aujourd’hui, tous ceux qui à gauche ont voté non, ceux qui se sont abstenus, plus ceux qui à gauche ont voté oui par mégarde ou illusion, de travailler tous ensemble avec autant de méfiance que d’enthousiasme à la création d’une nouvelle gauche radicale porteuse d’un vrai projet, alors peut-être qu’un jour les résultats seront à la hauteur de nos espérances. Le temps des grands soirs est passé, et celui de l’individualisme désabusé est en train de prendre fin. Il nous faut maintenant faire de la politique comme des journalistes, le calepin à la main, détruire les Bastilles d’un coté tout en notant jour après jour les activités de ceux qui,dans tous les camps, seraient tentés d’en bâtir de nouvelles. Aucune méfiance ne doit freiner l’action, mais aucune action ne doit se faire sans méfiance. Ils ont tout fait pour nous rendre soupçonneux, et ils y sont parvenus, maintenant il ne nous reste plus qu’à nous rassembler, à créer, pourquoi pas, une internationale, celle des enthousiastes méfiants de gauche, à pensée froide.
-Dans l’immédiat, les 1000 ?
Il aura fallu des élections pour qu’enfin nous commencions tous ensemble à nous parler,ou nous parler à nouveau. 1000 collectifs. Les élections ça a parfois du bon. Ces collectifs doivent vivre, renaître s’ils ont déjà disparu, se multiplier, evoluer.Il faut aussi se donner des lieux, des lieux de parole et d’échange. On a encore le droit de rever, non ?
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