La lutte paie : le chili dit adieu à la dictature !
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Category: Global
Themes: Antifascisme
Chili, 11 septembre 1973. Des milliers d’opposants de gauche, étudiants, syndicalistes, journalistes, ouvriers, sont enfermés dans un grand stade de la capitale, Santiago. D’autres sont abattus sommairement, dans la rue. La terreur dans tout le pays d’Amérique Latine. Un général d’extrême droite, Augusto Pinochet, vient de faire un coup d’État. L’armée a renversé le gouvernement de gauche élu, et fait bombarder le palais présidentiel.
Ce coup d’État est soutenu par les États-Unis pour éliminer le gouvernement socialiste qui était en train de reprendre les richesses minières alors aux mains de multinationales privées, ou de supprimer les grands domaines fonciers qui affamaient les paysans. La répression du Chili servira d’exemple pour toute l’Amérique Latine et le monde entier.
Le régime de Pinochet va torturer, tuer et faire disparaître des milliers d’opposants, et ira jusqu’à jeter certains prisonniers depuis des hélicoptères au dessus de l’océan. Beaucoup sont encore portés disparus. Pendant près de 20 ans, le Chili subira la dictature des militaires.
Le Général Pinochet va profiter du choc politique pour mener une politique ultra-libérale. Appuyé par des économistes formés aux États-Unis, les Chicago Boys, il applique un capitalisme débridé : privatisations, dérégulation, baisse des salaires, inégalités extrême. La Constitution imposée par Pinochet était encore en vigueur en 2020, et n’avait jamais été abrogée !
Cette nuit, grâce à plusieurs mois de luttes acharnées, la Constitution issue de la dictature est supprimée par référendum. 78 % des chiliens ont voté en faveur d’une nouvelle Constitution. Un résultat en forme de victoire pour les milliers de personnes descendues dans la rue pour affronter le pouvoir ces derniers mois, malgré la terrible répression. Il a fallu des dizaines de morts et de mutilés pour en arriver là.
C’est une première réparation pour les victimes de la dictature. Le soulèvement n’a pas (encore?) abouti à une révolution, mais il prouve que la lutte paie lorsqu’elle est suffisamment déterminée, unie et offensive. Dans un monde où les révoltes éclatent un peu partout, ce signal est un véritable espoir.
Chili : Le triomphe de la démocratie et de ses faux critiques
Alors que des milliers de Chilien.ne.s célèbrent le triomphe électoral qui va porter au changement de la Constitution*, nous sommes toujours sur le pied de guerre contre toute forme de pouvoir.
Aujourd’hui, l’État chilien, les partis politiques et la presse officielle célébrer avec les citoyens le triomphe nauséabond de la démocratie, de la voie institutionnelle et de la culture civique et républicaine, comme s’il s’agissait du triomphe dans un championnat du monde de football.
Comment les « révolté.e.s », devenu.e.s aujourd’hui des fier.e.s électeur.trice.s, vont-ils/elles assumer cette contradiction ? Nous ne le savons pas.
Ce que nous savons, c’est que celles/ceux qui hier encore dénonçaient la « brutalité » de la répression, aujourd’hui ont été aimablement reçu.e.s dans des bureaux de vote gardés par la police et les militaires.
Ce que nous savons aussi, c’est que aujourd’hui les tant idéalisé.e.s habitant.e.s des quartiers populaires dansent et chantent, ivres de démocratie, sur le sang frais répandu sur le trottoir qui, il y a seulement trois jours, a vu tomber le jeune Anibal Villarroel, assassiné par les balles de la police
Le gagnant est le Chili, le gagnant est l’État, la gagnante est la société avec son désir de vivre sous un nouveau pacte social avec la domination, la gagnante est la volonté de la majorité des gens de créer un nouveau consensus social. En fin de compte, avec plus ou moins de barricades, le gagnant est toujours le même vieux scénario écrit et réécrit dans les palais du pouvoir le long de l’historie, pour arrêter les révoltes, pour détourner les rébellions dans des voies institutionnelles et dans le jeu des partis.
Et le pouvoir rit, rit et rit encore. Il rit parce que les institutions sont cautionnées. Il rit car maintenant il aura à sa disposition davantage de citoyen.ne.s « consciencieux.ses » et démocratiques, qui aideront volontairement à désigner les réfractaires, les différent.e.s, les insurgé.e.s, les « marginaux.les », les « violent.e.s » qui interfèrent avec ses processus de changement pleins d’une civilité dégoûtante. Le pouvoir rit, car il sait que même certain.e.s prétendu.e.s anarchistes, plein.e.s de coupable espoir, se sont rendu.e.s aux urnes pour se plier officiellement devant l’ennemi, pour renoncer à leurs idées, pour capituler dans leurs convictions aussi changeantes et volatiles que la mémoire du « peuple » si fantasmé.
Nous, fière minorité de séditieux.ses, continuons à mener la guerre contre le pouvoir, sans confusion, nous multipliant et nous renforçant dans le chaos.
Parce que notre révolte n’a pas commencé le 18 octobre [2019 ; NdAtt.] et ne se terminera pas par un sale plébiscite.
MORT À L’ÉTAT ET AU CARNAVAL DE LA DÉMOCRATIE.
L’ANARCHIE VIT DANS L’ATTAQUE CONTINUE ONTRE LA DOMINATION.
POUR L’INSURRECTION PERMANENTE, SANS CHEFS NI DIRIGEANTS,
AVEC LE SOUVENIR DE NOS MORT.E.S ET NOS PRISONNIER.E.S DANS LA LUTTE
CONTINUONS LA GUERRE CONTRE TOUTE FORME DE POUVOIR.
Anarchistes non pacifié.e.s du sud d’Abya Yala ($hili).
26 octobre 2020
* Note d’Attaque : dimanche 25 octobre s’est tenu au Chili un referendum pour une nouvelle Constitution, qui remplacera celle écrite pendant la dictature de Pinochet. Ce referendum avait été utilisé par le gouvernement (et par une série de partis de gauche) comme carotte pour amadouer la révolte de l’hiver passé.
https://attaque.noblogs.org/post/2020/10/26/chili-le-triomphe-de-la-democratie-et-ses-faux-sses-critiques/