Guerre de classe 11/2020 : le capitalisme tue
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Catégorie : Global
Thèmes : Actions directesAnti-répressionContrôle socialCoronavirusLuttes salarialesPrisons / Centres de rétentionRépressionResistances
Les luttes de classe en temps de pandémie
L’année 2019 a été une année de mouvement de classe mondial d’une ampleur et d’une intensité jamais vues depuis des décennies, peut-être depuis la vague des luttes révolutionnaires des années 60 et 70. La normalité capitaliste du business as usual a été profondément ébranlée par une myriade de manifestations, de grèves, d’émeutes et même, dans certains endroits, de mutineries dans les forces armées et la police. Des centaines de milliers de prolétaires en colère sont descendus dans les rues du Chili, de la France, du Liban, de l’Irak, d’Haïti, de Hong-Kong, de l’Iran, de l’Inde, de la Colombie et de bien d’autres endroits… Pour de nombreux militants communistes, ces mouvements représentaient une bouffée d’air frais. Sur cette lancée, nous observions les émeutes à Sao Paulo, à Recife, à Rio ou encore l’occupation du métro à New York ou les protestations contre les entreprises polluantes à Wenlou dans le delta de la rivière des Perles dans l’espoir que ce sont là les signes que la révolte prolétarienne se propage telle une trainée de poudre et commence à engloutir ces immenses centres d’accumulation du Capital. Le Nouvel An arriva et le mouvement ne montra aucun signe de perte d’énergie. Au contraire, de nouvelles éruptions apparaissaient presque chaque semaine dans une autre ville, une autre région, un autre pays… Et puis, trois mois après le début de l’année 2020, tout s’est arrêté brusquement. Du moins en apparence.
Nous ne prétendons pas, comme certains le font, que la pandémie de Covid-19 est en soi un canular ou une propagande de l’État, fabriqués dans le but d’écraser et de faire taire le mouvement de classe et de reconstituer la « paix sociale » et le front uni interclasse contre « l’ennemi commun ». Mais en pratique, cela a produit exactement les mêmes effets. Alors que la pandémie de Covid-19 se propage dans le monde entier, les mesures répressives de l’État contre le prolétariat se multiplient : couvre-feux massifs, interdiction des rassemblements, piratage des Smart Phones afin de « tracer le virus », mise à jour des logiciels de reconnaissance faciale derrière les caméras de surveillance omniprésentes pour reconnaître le visage des personnes portant un masque médical, fermeture des frontières, etc. À cela s’ajoute un récit idéologique bourgeois de lutte pour le bien commun, de besoin de rester calme et patient, tandis que « nos héros nationaux » en première ligne mènent une bataille contre « l’ennemi invisible ». Et ne vous y trompez pas, dit le récit, ces héros ne sont pas seulement des médecins et des infirmières traitant les patients du Covid-19, mais ce sont aussi des flics qui nous protègent « pour notre propre bien », des « philanthropes » comme Bill Gates ou Elon Musk avec leurs solutions visionnaires pour nous sauver tous (tout en gagnant « un peu » d’argent en cours de route) ou des journalistes qui apportent les nouvelles analyses et les rapports sur le nombre de morts aux masses confinées.
Nous ne pouvons pas non plus affirmer avec certitude que le Covid-19 a été délibérément créé en laboratoire comme une arme, bien qu’il existe une longue histoire du complexe militaro-scientifique de l’État capitaliste faisant précisément cela : des expériences sur la syphilis à Tuskegee, en passant par l’apparition du virus de Marburg dans un laboratoire de virologie en Allemagne à l’époque de la « guerre froide », jusqu’au développement du bacille de la peste bubonique porté par des ogives en Union soviétique, et sans même parler outre mesure du fameux Institut de virologie de Wuhan (et son laboratoire P4) qui a tant alimenté l’imagination fertile de certains milieux conspirationnistes et dont l’une des spécialisations est précisément la recherche sur les… coronavirus, il est clair que les maladies infectieuses ont leur place dans l’arsenal meurtrier du Capital. Le Covid-19 provient très probablement d’un des animaux sauvages vendus sur un marché alimentaire et a muté en une souche transmissible à l’homme. Mais quelle que soit son origine, ce qui crée les conditions de propagation des infections, c’est la nature même de la société capitaliste – concentrée autour de centres urbains densément peuplés, de pôles d’accumulation du Capital et de liens commerciaux entre eux servant à la circulation des ressources, des marchandises et des travailleurs, y compris les futurs travailleurs (étudiants) et les travailleurs dans un processus de reproduction de leur force de travail (touristes).
Comme l’accumulation du Capital représente aussi inévitablement l’accumulation de la misère, chacune de ces agglomérations contient des quartiers surpeuplés, des véhicules de transport public, des usines et des bureaux où la logique de production rend impossible de se protéger, un système de santé qui n’est conçu que dans le but de « réparer rapidement les travailleurs », etc. Bien entendu, grâce aux moyens de transport modernes, nous sommes tous appelés à voyager plus loin, plus vite et en plus grand nombre qu’auparavant. Et comme le montre la situation au Brésil, même les bourgeois peuvent propager le virus avec leurs voyages d’affaires ou de loisirs. Oui, tout le monde peut potentiellement attraper le virus, c’est un grain de vérité dans une fable propagandiste bourgeoise, cette fable qui prétend que : « Nous sommes tous dans le même bateau ». Lorsque ces salauds de milliardaires transmettront le virus à leur nounou ou à Bolsonaro lui-même lors d’une réunion publique, ce seront une fois de plus les quartiers prolétariens qu’il décimera.
Bien sûr, c’est le prolétaire qui se voit à nouveau offrir le « choix » libre et démocratique de tomber malade avec le Covid-19, de souffrir de la faim et de se retrouver sans abri ou d’être brutalisé par les forces répressives ou tout ce qui précède. Mais cette fois, l’imposition de cette terreur ne se fait pas sans heurts pour le Capital et son État. La pandémie et le confinement qui en a découlé ont d’abord eu un énorme effet pacificateur sur le mouvement prolétarien enragé, mais en même temps, ils ont clairement mis en évidence l’inhumanité inhérente à cette société basée uniquement sur le fait de générer du profit à tout prix et aux dépends de l’humain. Nous sommes censés croire que les mesures imposées par l’État sont destinées à nous protéger. Nous sommes des hooligans irresponsables, lorsque nous descendons dans la rue pour nous opposer à l’ordre public, lorsque nous nous réunissons pour discuter et nous organiser ou lorsque nous pillons des supermarchés ; mais lorsque nous nous rendons au travail dans un bus rempli de personnes qui toussent ou lorsque nous sommes assis côte à côte sur un tapis roulant ou à un bureau, nous sommes en quelque sorte vaccinés par la plus-value que nous produisons. La réalité est simple : il a toujours été dans l’intérêt du Capital de nous rendre « socialement distants » afin de paralyser notre capacité à nous organiser pour la lutte des classes, mais pas lorsqu’il a besoin de nous pour produire des marchandises, et/ou pour reproduire la paix sociale et donc le rapport social capitaliste, par le biais de la coopération qui n’est ici qu’une médiation. Confronté à cette tromperie, il n’a pas fallu longtemps pour que la propagande du confinement commence à s’effriter et que la résistance de classe recommence à entrer en éruption.
En Italie, cela a commencé par des mutineries dans les prisons de tout le pays lorsque les visites ont été interdites. Dans le même temps, aucun moyen de protection contre la maladie n’avait été fourni aux prisonniers. De violents affrontements avec les gardiens et les flics ont eu lieu dans vingt-sept prisons, celle de Modène ayant été pratiquement détruite. Les gardiens ont été pris en otage et certains prisonniers ont réussi à s’échapper. Au moins sept prisonniers ont été assassinés. La propagande de l’État prétendra plus tard, sans vergogne, que leur mort était due à une overdose de drogue.
Peu après, une vague de grèves sauvages a balayé le pays, lorsque les travailleurs de nombreuses entreprises industrielles, dont FIAT et Arcelor Mittal (ex-Ilva), ont exigé et, dans de nombreux cas, imposé avec succès la fermeture immédiate des usines. Des grèves dans les supermarchés et des grèves des livreurs de denrées alimentaires ont suivi, exigeant des équipements de protection et des mesures sanitaires. Les syndicats se sont tout d’abord ouvertement opposés à ces grèves parce qu’elles sapent l’économie, pour ensuite donner pathétiquement à certaines d’entre elles « leur bénédiction » lorsque la lutte était terminée. Pendant ce temps, dans le sud de l’Italie, moins touché par l’infection proprement dite, mais où les miettes en période de couvre-feu sont encore plus réduites et où la distribution de nourriture chancèle, les confrontations occasionnelles avec les flics et les pillages de supermarchés menacent de se transformer en « émeutes de la faim ». Mais cela ne s’est pas limité à l’Italie.
Partout dans le monde, les prisonniers sont parmi les plus durement touchés par cette double réalité inhumaine de la maladie mortelle et des mesures répressives de l’État, en raison des conditions de surpopulation et d’isolement à l’intérieur des prisons. Quoi qu’ils aient fait pour être embastillés, et peu importe qui ils sont, les prisonniers sont avant tout des prolétaires persécutés par la société capitaliste pour avoir manqué de respect, pour certains d’entre eux, envers son fétiche le plus sacré (la propriété privée !), alors que la majorité des autres sont cyniquement enfermés pour avoir passé outre le processus classique et légal d’appropriation des marchandises convoitées. Globalement parlant, ils sont au trou pour avoir brisé le monopole de la violence usurpé par l’État, après avoir été poussés dans un bain de sang fratricide par les contradictions sociales et l’aliénation qui sont inséparables du modus operandi capitaliste : « la propriété c’est le vol » et vice et versa. Ils ont été parmi les premiers à se soulever contre les nouvelles mesures de contrôle social, contre le renforcement de l’atomisation et de la déshumanisation et contre la séparation d’avec leurs proches. Contre le taux extraordinairement élevé de mortalité du Covid-19 dû à un environnement dégoûtant et malsain où ils sont contraints de vivre. Malgré l’horrible violence de l’État et le peu de solidarité organisée depuis l’extérieur, partout dans le monde, ils ont été parmi les premiers à briser la « paix sociale » imposée par le confinement et à lutter contre les gardiens et les unités spéciales de la police, à brûler les prisons, à essayer de s’échapper et de rejoindre les camarades à l’extérieur. Ce fut également le cas en Colombie, au Venezuela, en France, en Argentine, aux États-Unis, au Brésil, au Liban, en Russie, en Iran… En ce sens, ils ont représenté par leur pratique sociale (à un moment déterminé et dans des circonstances particulières) une étincelle du mouvement de classe actuel et à venir ; ils ont été l’incarnation de la force agissante de notre classe, ce que notre classe est appelée à faire pour sa libération. Ils ont ouvert une brèche dans le rideau anesthésiant de la propagande de « santé publique » et ils ont montré au reste de la classe la réalité nue à laquelle nous sommes confrontés et comment lutter contre elle.
Et une vague de grèves sauvages, d’émeutes et de pillages réapparaît sur tous les continents – en France, au Cameroun, aux États-Unis, en Indonésie, au Kenya, en Colombie, au Liban, au Venezuela, au Chili, en Inde, en Russie, en Belgique, en Turquie, en Iran, au Sénégal… pour n’en citer que quelques-uns. Bien que le mouvement soit encore beaucoup plus faible et sporadique qu’avant la pandémie, en raison de la répression, d’un contrôle social plus sophistiqué ou de la peur de contracter la maladie, les contradictions sociales qui ont donné naissance à la dernière vague sont toujours présentes et vouées à être encore plus extrêmes dans les mois à venir.
Au Liban comme ailleurs dans le monde, la colère du prolétariat bouillonne à la faveur des mesures de confinement depuis le mois de mars pour finalement déborder sous forme d’un soulèvement dans la prison de Qoubbeh à Tripoli le 8 avril dernier. Peu après, les rues de nombreuses villes du pays se sont à nouveau remplies de manifestants en colère. Cette fois-ci, les énormes manifestations, mais largement pacifistes, qui constituaient une grande partie du mouvement de 2019, sont remplacées par des affrontements plus petits, mais déterminés et violents. Le courant prolétarien militant, qui a toujours été présent dans le mouvement, a refait surface et il choisit à nouveau les cibles appartenant à notre ennemi de classe – des banques sont incendiées ainsi que des postes de police, des postes de contrôle et des véhicules militaires, des supermarchés sont pillés, etc.
Notons au passage un élément important : que le prolétariat, dans sa lutte contre l’exploitation et plus particulièrement dans sa lutte contre l’augmentation du taux d’exploitation, prenne pour cible par l’action directe les banques et les institutions financières du capitalisme national et international, c’une chose fondamentale que nous soutenons. Maintenant, que des structures militantes développent toute une théorie qui en arrive à personnifier le Capital à travers la figure ignoble de la banque et du capital financier, et à enfourcher dès lors le cheval de bataille de la dénonciation de la « bancarisation », de « l’oligarchie financière » et de « la ploutocratie », c’est encore une autre chose et nous ne pouvons pas les suivre sur ce terrain dangereux dont la conséquence est de détourner le prolétariat de sa lutte contre les fondements mêmes de la société capitaliste et in fine de nier notre critique communiste de la totalité de l’existant. Indéniablement, le prolétariat est l’ennemi irréconciliable de l’argent, mais celui-ci n’est jamais qu’une forme abstraite exprimant la valeur d’échange et ne peut en aucune manière être confondu à l’essence même du Capital et ses rapports sociaux…
Mais revenons au développement des luttes de notre classe en temps de pandémie. Au moment de la rédaction de ce texte, le meurtre de George Floyd par des flics à Minneapolis s’est avéré être la goutte d’eau qui a fait déborder le vase et les manifestations massives contre la violence et la misère de l’État se répandent à travers les États-Unis, avec des émeutes quotidiennes, des attaques contre les postes de police, les médias bourgeois, des pillages de marchandises, des blocages d’autoroutes, etc. et ont obligé Donald Trump à se cacher dans un bunker. Avec des années de colère accumulée et la réalité d’une misère écrasante, l’attitude cynique du gouvernement face à la gestion de la pandémie de Covid-19 et les 40 millions de chômeurs, il ne semble pas y avoir d’apaisement à l’horizon.
Pour comprendre ce que cette pandémie et le couvre-feu qui y est associé signifient pour les conditions sociales et économiques de cette société et pourquoi elle constitue potentiellement un point de non-retour, nous devons examiner de plus près le business as usual capitaliste.
Pour réaliser des profits, un capitaliste doit vendre ses marchandises sur le marché, marchandises qui réalisent ainsi leur valeur, la valeur qui s’y cristallise durant le processus de production. Comme il est constamment en concurrence avec d’autres capitalistes, il doit essayer de vendre ses marchandises moins chères que la concurrence. Pour maintenir leur taux de profit, ils doivent constamment faire baisser le coût unitaire de production de la marchandise. Cela peut se faire en réduisant le coût de la main-d’œuvre (le bien nommé « capital variable »), par exemple en diminuant le salaire horaire des travailleurs. Cependant, le salaire d’un travailleur ne peut être réduit sous le niveau minimal nécessaire pour lui permettre de survivre physiquement et de reproduire sa force de travail. Le seul autre choix pour le capitaliste est d’essayer d’augmenter la productivité du travailleur, de lui faire produire plus de marchandises dans le même laps de temps, bref d’augmenter le taux de « travail gratuit » fourni par celui-ci. De cette façon, un capitaliste peut payer moins de travailleurs pour produire la même quantité de marchandises. La quantité de travail qu’un seul travailleur peut effectuer pendant une période donnée ne peut pas non plus augmenter indéfiniment, mais elle est déterminée par les limites physiologiques du corps humain.
Un capitaliste peut surmonter ce problème grâce à l’automatisation – en remplaçant autant de travail humain que possible par des machines. Le travailleur devient alors de plus en plus un simple appendice de la machine, chargeant les ressources et déchargeant les produits finis, contrôlant leur qualité, réparant et entretenant la machine, etc. pendant que la machine crache les produits l’un après l’autre, de manière autonome. Cela permet à ce capitaliste individuel de faire baisser le prix unitaire de production d’une marchandise et, en vendant plus d’unités de cette marchandise à un prix inférieur, de conquérir une plus grande partie du marché que ses concurrents.
Ce capitaliste perd cet avantage, cependant, au moment où ses concurrents introduisent les mêmes innovations technologiques et où le prix inférieur d’une marchandise devient la nouvelle moyenne. La seule façon logique pour lui d’aller de l’avant est alors de répéter tout le cycle. Le problème est qu’en se débarrassant des travailleurs et en les remplaçant par des machines, ce capitaliste a réduit le rapport entre le travail vivant (qui est le seul qui puisse être exploité pour générer de la plus-value et donc du profit – c.-à-d. les travailleurs) et le travail mort (qui au contraire nécessite des investissements pour le faire fonctionner – c.-à-d. les machines). Comme toutes les fractions du Capital suivent la même logique, à un moment donné, le taux moyen de profit (dans une région donnée ou globalement) tombe en dessous du niveau nécessaire aux investissements pour relancer ce cycle. La dernière option, pour tenter de retarder une crise inévitable, consiste à prendre un crédit, qui n’est jamais qu’une expression monétaire des profits promis sur l’avenir.
Cela nous ramène à la réalité de la pandémie, du confinement mondial et à la prise de conscience de nombreuses fractions bourgeoises (et de leurs créanciers), qu’aucun profit futur ne les attend. Non seulement la plupart d’entre eux n’ont pas pu produire leurs marchandises, mais avec les nombreux travailleurs (qui sont aussi les principaux consommateurs des marchandises dans le capitalisme) qui perdent leur emploi maintenant ou dans un avenir proche et avec l’aggravation de la misère générale, il n’y aura personne pour les acheter. Les faillites de nombreuses entreprises surgissent comme des champignons après la pluie et bientôt les banques et les compagnies d’assurance suivront. Alors que la majeure partie du monde est soit toujours soumise à un couvre-feu au moins partiel, soit elle essaye de s’en remettre au milieu d’une réalité faite de commerces aux rideaux définitivement baissés, la vache sacrée de l’économie est atteinte de la fièvre aphteuse.
La bourgeoisie mondiale commence à se diviser en deux alliances idéologiques, en fonction de leurs intérêts économiques et stratégiques. La première alliance est soit capable de gratter davantage de profits de la situation de confinement, soit elle dispose d’économies qui lui permettent de reporter temporairement ces profits et de parier sur de « nouvelles » stratégies de contrôle social pour maintenir le prolétariat à l’écart de la rue et en toute sécurité sous la domination idéologique de la bourgeoisie. Cette alliance est alignée sur les secteurs qui peuvent faire travailler leurs travailleurs à domicile sur Internet, qui fournissent les biens et les services aux consommateurs piégés à la maison ou qui fournissent des services médicaux et pharmaceutiques.
Bien entendu, le complexe militaro-industriel entre également dans cette catégorie. Non seulement les dépenses militaires ne diminuent pas pendant la pandémie, mais au contraire, de nombreuses fractions nationales de l’État mondial investissent massivement tant dans leur capacité de contrôle social (militarisation accrue de la police et des gardes-frontières, nouveaux logiciels d’espionnage, etc.) que dans leur capacité meurtrière (avions de combat, tanks, missiles, etc.) Il est clair qu’il s’agit là d’une préparation à la répression de la lutte des classes à venir ou à une tentative de la détourner et de transformer ses participants en chair à canon dans une nouvelle guerre capitaliste. Avec la concurrence toujours présente entre les États-Unis, la Chine et la Russie ainsi qu’avec de nombreuses petites puissances, le risque de la guerre inter-bourgeoise mondiale augmente chaque jour. D’autant plus que la bourgeoisie de ces pays la trouvera plus attrayante comme moyen de canaliser la colère du prolétariat chez elle.
Quant à la seconde alliance, elle a été beaucoup plus affectée, ses profits sont en chute libre et elle veut redémarrer l’activité immédiatement, même au prix de quelques millions de travailleurs morts. Quoi qu’il en soit, on attend du prolétariat qu’il fasse des sacrifices pour le « bien commun » – par exemple pour soutenir la pérennité de la société capitaliste de misère, d’exploitation, d’aliénation et d’oppression.
La pandémie de Covid-19 a fait voler en éclats la mascarade bourgeoise et a mis à jour la profonde crise structurelle du capitalisme. Nous pouvons déjà voir le chômage monter en flèche alors que des millions de travailleurs sont licenciés aux États-Unis, en Europe, en Russie, au Brésil, en Inde, etc. et nous pouvons nous attendre à ce que cette tendance se poursuive dans les mois à venir. La réaction du prolétariat semble inévitable et ce n’est qu’une question de temps.
Mais notre ennemi de classe ne va pas attendre les bras croisés. La violence et la terreur d’État vont s’intensifier ainsi que l’utilisation croissante des technologies numériques et de l’intelligence artificielle (IA) pour contrôler la force de travail et réprimer toute expression de résistance prolétarienne. De même que nos foyers feront partie de notre lieu de travail à une échelle beaucoup plus grande que jamais, nos exploiteurs et leur État développeront d’autres moyens (techniques, sociaux, législatifs, etc.) pour nous espionner, pour nous contrôler même à la maison. Parallèlement à cela, l’idéologie de la « nouvelle révolution technique » et de « l’Industrie 4.0 » se développe, qui tente de nous convaincre que nous devrions soutenir et adopter le développement de l’IA, de l’automatisation et du progrès capitaliste en général, car « cela nous facilitera la tâche à tous ». Même si ces robots sont destinés à accélérer notre élimination en tant que force de travail et à ne nous laisser aucun moyen de subvenir à nos besoins. Cette tendance crée inévitablement une réaction de notre classe, qui se matérialise en un mouvement « luddite moderne ou numérique » s’opposant à l’automatisation et à l’adoption de l’IA dans un contexte de résistance au progrès capitaliste. Malheureusement, ce mouvement est souvent coopté par la social-démocratie primitiviste qui, au lieu d’exproprier les moyens de production numériques et de les réorienter vers les besoins de la lutte prolétarienne, pousse à un rejet vulgaire de la technologie et laisse à notre seul ennemi de classe le soin de s’en servir comme d’une arme contre nous.
Comme d’habitude, nous pouvons nous attendre à toute une série de techniques de pacification utilisées par toutes les variantes (« socialiste », « communiste », « anarchiste », syndicaliste, de gauche, de droite, ethnique) de la social-démocratie – qui n’est jamais que l’organisation bourgeoise pour les travailleurs. Certaines de ces techniques ont été souvent utilisées par le passé pour affaiblir et diviser les mouvements prolétariens, pour nous effrayer, nous coopter, nous séparer, nous isoler, nous désorganiser ; elles feront appel à notre « bon sens », nous menaceront de chômage, nous dresseront les uns contre les autres sur la base de critères nationaux, raciaux, de genre, religieux, politiques, etc. ; elles nous promettront des miettes de pain et nous inviteront à participer à l’organisation de notre propre exploitation. Nous pouvons le voir clairement, par exemple, dans l’approche pacifiste et qui est source de divisions des militants professionnels du mouvement Black Lives Matter, qui cooptent le mouvement contre la violence d’État aux États-Unis. La fraction bourgeoise « verte » – dirigée par des groupes comme « Extinction Rébellion » (qui devrait être plus correctement renommé « Extinction de la Rébellion ») et soutenue par les investisseurs des grandes compagnies du secteur de l’énergie – deviendra plus active et essaiera agressivement de nous vendre un programme de « choix écologiques individuels » et de « soutien aux alternatives durables » comme fausse solution à la catastrophe capitaliste. Enfin et surtout, il y a toujours la possibilité d’une seconde vague de la pandémie ; et de nombreuses autres pandémies à l’avenir, car une exploitation plus poussée de la nature permettra de mettre au jour de nouveaux agents pathogènes comme par exemple l’anthrax et d’autres « virus géants » qui devrait remonter à la surface terrestre lorsque les sols gelés profonds du permafrost où ils se trouvent enfermés depuis des siècles et des millénaires se mettront à fondre suite au réchauffement climatique. Mais cette fois, la bourgeoisie mondiale – armée de nouvelles connaissances scientifiques et de nouveaux vaccins, de forces répressives nouvellement équipées et de nouvelles méthodes de cooptation sociale – sera prête à s’en servir efficacement et sélectivement comme d’une arme contre le mouvement de notre classe.
Alors, que signifie cette nouvelle normalité du statu quo capitaliste pour nous, communistes, et pour le mouvement prolétarien dans son ensemble ? Comment lutter contre l’inhumanité du Capital et de son État et pour une communauté humaine mondiale tout en nous protégeant nous-mêmes et nos camarades de la maladie mortelle ? Il s’avère que le mouvement est déjà capable de saisir organiquement cette question et, en pratique, d’apporter des solutions par l’auto-organisation de classe. La protection contre le Covid-19 est produite par le mouvement prolétarien lui-même, tout comme les autres moyens nécessaires pour soutenir la lutte (nourriture, médicaments, armes, abris, etc.) ont toujours été produits par les mouvements prolétariens passés. Les médecins et les infirmières en grève ou impliqués d’une autre manière dans la lutte fournissent les masques et les produits de désinfection, les écrans faciaux sont imprimés en 3D et distribués, ainsi que la nourriture et le matériel médical pillés dans les supermarchés – aux États-Unis, au Liban, en France… Nous devons souligner qu’il est nécessaire de capter et de développer cette énergie afin de l’élargir pour contrer tous les moyens meurtriers que le Capital libère contre notre mouvement, en plus des maladies – armes, chars, produits chimiques, espionnage, arrestations et isolement, famine, propagande…
Il est de plus en plus clair que tout cet épisode du couvre-feu n’a été qu’une interruption temporaire de l’activité de notre classe, qu’au lieu de l’étouffer, il a plutôt servi de cocotte-minute et a dépouillé toute la prétention de la société bourgeoise, pour mettre à nu les contradictions capitalistes. Aujourd’hui, nous nous trouvons à nouveau à la croisée des chemins de l’histoire. La fin de cette pandémie est peut-être proche, mais la pandémie de la catastrophe capitaliste ne peut que s’aggraver. La décennie qui nous attend sera peut-être la plus brutale de l’histoire de l’humanité, avec la généralisation mondiale de la guerre, de la pauvreté, de la destruction de la nature, et de la maladie, et peut-être la fin de la race humaine, ou bien ce peut être une période où toute cette société inhumaine sera déchirée dans une lutte de classe révolutionnaire.
- Organisons-nous contre l’État mondial et tout son arsenal meurtrier, y compris les maladies ! Nous devons mettre un terme aux meurtres, aux mutilations et aux arrestations de la police ! Nous devons résister pratiquement aux tentatives de l’État de nous affamer jusqu’à la soumission, en expropriant tout ce qui nous est nécessaire, en expropriant la terre, en expropriant les moyens de production !
- Développons des moyens – physiques, électroniques, organisationnels, programmatiques – pour protéger le mouvement ! Nous devons venir préparés ! Ou mieux dit, nous devons aller là où l’État ne nous attend pas ! Nous devons « être comme de l’eau » ! Nous devons dénoncer et attaquer le pacifisme toxique de la social-démocratie ! Nous devons dénoncer et attaquer les défenseurs de la propriété privée !
- Opposons-nous à toute tentative de la bourgeoisie qui nous transforme en chair à canon dans la guerre capitaliste ! Nous devons nous organiser avec nos frères et sœurs prolétaires en uniforme envoyés pour réprimer notre mouvement, afin de briser leurs rangs et de les faire retourner leurs armes contre leurs propres commandants !
- Crachons au visage de tous les idéologues bourgeois qui tentent de nous diviser avec leur myriade d’identités positives, de symboles et de drapeaux à défendre !
Contre l’épée de Damoclès de la catastrophe capitaliste qui plane au-dessus de nos têtes, nous opposons la lutte révolutionnaire insurrectionnelle pour le communisme !
# Guerre de Classe – Été 2020 #
Tout comme le reste du monde, nous avons été pris au dépourvu par la pandémie de Covid-19 et le confinement qui en a découlé, qui a affecté notre capacité organisationnelle. Nous n’avons pas pu terminer la publication de nos documents sur le mouvement de classe mondial qui s’est développé rapidement et qui a ébranlé le monde en 2019 et dans les premiers mois de 2020. Pour cette raison, nous publions notre texte ici « en annexe » à notre analyse de la nouvelle réalité « post-Covid ». Nous sommes convaincus que non seulement il est important de se réapproprier, de célébrer, d’analyser et d’apprendre de cette marée haute de la lutte des classes d’hier, mais qu’elle est intimement liée au tsunami de demain.
Au cours des dernières semaines et des derniers mois, une grande partie du monde a connu une vague de protestations massives dans les rues, accompagnée d’affrontements violents avec les forces de répression, d’attaques contre les infrastructures et les centres organisationnels de l’État bourgeois, de pillages et de redistribution des marchandises et de grèves sur les lieux de travail. La circulation des marchandises, des matières premières et de la main-d’œuvre, ainsi même que la valorisation dans le secteur des transports, sont régulièrement perturbées par des barrages routiers, des grèves des transports, la destruction des péages, des grèves des tarifs, etc. Dans certaines régions, l’intensité de la lutte et le niveau de rupture avec la société bourgeoise prennent un caractère quasi-insurrectionnel alors que les manifestations se transforment en attaque généralisée contre les sièges du pouvoir, les bastions des forces répressives et les pôles d’accumulation du Capital. Au Liban, en Iran, en Irak, au Chili… dans les moments les plus conflictuels de la lutte, des petits groupes de prolétaires parmi les plus déterminés ont assumé les tâches de violence armée organisée contre la propriété privée, contre l’État et son monopole de la violence.
Comme souvent dans l’histoire de la lutte des classes, la première étincelle peut être une mesure d’austérité ayant un impact très mineur, partiel et limité sur les conditions de vie du prolétariat, comme une taxe sur le carburant en France, une légère augmentation du prix du billet de métro au Chili, une nouvelle taxe sur les logiciels pour les réseaux sociaux au Liban. Il pourrait même s’agir de quelque chose qui n’a rien à voir avec les intérêts « immédiats » de la classe – comme l’arrestation d’un seigneur de guerre sanguinaire en Irak ou des résultats électoraux contestés en Bolivie.
Nous tenons tout de même à souligner ici qu’en tant que communistes, nous refusons bien sûr de faire une séparation entre les besoins « immédiats » et « historiques » du prolétariat. Nous considérons la lutte contre la misère de la vie quotidienne dans le capitalisme – bas salaires, hausse des prix des produits de première nécessité, chômage, absence de services essentiels, dépossession de notre énergie vitale et de nos perspectives en tant qu’humanité, etc., non pas dans les limites qu’elle exprime à travers les objectifs déclarés de tel ou tel mouvement local, mais comme une partie organique de la lutte historique de notre classe contre la société capitaliste dans son ensemble. La seule façon pour le mouvement prolétarien de parvenir à une compréhension consciente de son rôle historique est de s’appuyer sur l’expérience pratique tirée de ces luttes limitées, sur leurs victoires et défaites partielles, sur les discussions et analyses qui en découlent et sur la brèche qui se creuse entre l’État des capitalistes et la classe fossoyeuse de ce cauchemar séculaire. Il est également prioritaire pour nos ennemis d’empêcher cette généralisation et d’enfermer ces mouvements dans leur cadre restreint et donc d’étouffer le potentiel qu’ils développent afin de vaincre leur affirmation initiale. Certes cette énergie première et sauvage qui fait se soulever notre classe est d’une importance vitale mais soulignons néanmoins que la révolution sociale qui bouleverse et renverse l’ensemble de l’ordre établi et de ses rapports sociaux ne peut en aucun cas se résumer en une simple addition de revendications, en une triviale amélioration des conditions de travail et d’existence, mais bien en leur dialectique renversement et dépassement.
Finalement, quelle que soit l’étincelle dans chacun de ces cas particuliers que nous analysons dans cette petite contribution, la société capitaliste s’est embrasée comme un fétu de paille, alimenté par les contradictions sociales, la misère et l’exploitation, par l’expérience partagée des luttes de classe des années précédentes et la colère contre la classe dirigeante et ses larbins (par exemple l’armée, la police, le clergé, les partis politiques, les syndicats,…). Encore une fois, le prolétariat prouve qu’il est « une classe dangereuse » et dès qu’il commence à s’assumer comme telle, il commence à repousser les limites du possible.
Ce qui rend cette vague exceptionnelle, c’est la combinaison de ses qualités :
# L’ampleur du mouvement est véritablement mondiale, ne se limitant pas à une région particulière du monde, mais touchant pratiquement tous les continents (avec deux centres : en Amérique latine et au « Moyen-Orient »).
# À de nombreux niveaux, ce mouvement se reconnaît directement comme une lutte mondiale, développant de nombreuses connexions, références et expressions de solidarité internationale entre les luttes locales.
# De nombreuses structures et tactiques bourgeoises traditionnelles utilisées pour apaiser le prolétariat (élections, syndicats, appels aux réformes et référendums) ne fonctionnent pas et sont d’ailleurs activement dénoncées et attaquées par le mouvement.
# Soulignons la continuité du militantisme prolétarien qu’on n’avait plus rencontrée depuis des décennies – avec des mois de lutte violente contre l’État, malgré la répression et indépendamment des changements dans la sphère politique comme de nouveaux gouvernements, de nouveaux présidents, de nouvelles constitutions ou des tentatives d’apaisement social comme l’annulation des mesures d’austérité.
Dans certains lieux, de nombreux textes, tracts, communiqués et articles de blog attirant l’attention sur cette vague de bouleversements prolétariens ont été produits en soutien par des militants et des groupes de classe. Ces camarades, directement impliqués dans ces luttes, assument très bien et avec une énorme énergie militante la tâche de diffuser le matériel produit par la lutte, de suivre le développement quotidien du mouvement. Sans essayer de faire double emploi avec leur effort, et sans tenter d’écrire une chronologie, examinons de plus près le bouleversement de classe actuel dans différents pays du monde.
(ce slogan, qui signifie « Droite, gauche – c’est la même merde ! », provient d’une banderole de militants chiliens déployée lors d’une manifestation des « Gilets Jaunes » à Paris à l’automne 2019)
Gouvernements de gauche ou de droite, alliés de la Russie et de la Chine ou des États-Unis, bolibourgeoisie ou étudiants de l’école de Chicago… rien de tout cela n’a d’importance ! Partout en Amérique latine, le tissu même de la société capitaliste est exposé au grand danger d’être dévasté ! Le Brésilien Bolsonaro et l’Argentin Macri chient dans leur froc et font rapidement marche arrière sur les « solutions économiques » qu’ils proposent, terrifiés par la possibilité que l’influence de ce mouvement ne déborde les frontières de leurs États nationaux et ne réveille les volcans prolétariens sous leurs pieds.
Le gouvernement de Bolsonaro est connu pour son « honnêteté » avec laquelle il déclare ouvertement défendre ses propres intérêts de classe et sa haine des « pauvres ». Ils ont clairement fait savoir que les mesures d’austérité qu’ils veulent introduire sont reportées afin d’empêcher que le mouvement du Chili ne soit reproduit au Brésil. Il reste à voir si leur stratégie d’endiguement sera couronnée de succès, mais les récentes émeutes à Rio, Recife et Sao Paulo semblent indiquer le contraire.
Protestations de masse presque quotidiennes et affrontements avec les forces de l’ordre, pillages massifs – le monde s’est habitué à voir ces images en provenance du Venezuela. Grâce à la rhétorique du « socialisme du 21° siècle » et à l’attirail de la bourgeoisie bolivarienne, cela a donné l’occasion aux idéologues du camp adverse au sein du capitalisme mondial de brouiller une fois de plus les lignes entre les bourreaux sociale-démocrates du prolétariat et le véritable mouvement de classe et, en même temps, d’affirmer une fois de plus la domination de « l’Occident ». Ce qui pouvait auparavant être considéré avec arrogance comme une anomalie, due à une crise économique causée soit par une « mauvaise gestion économique » locale, soit par des « sanctions étrangères », s’étend maintenant à l’ensemble du continent.
L’intensité de la confrontation est telle, qu’elle a forcé deux « chefs d’État » (jusqu’à présent) à quitter le pays (Bolivie) ou du moins à abandonner le siège traditionnel du pouvoir (Équateur), elle a forcé tous les pays concernés à décréter une sorte d’état d’urgence ou de couvre-feu et à appeler l’armée dans les rues, sans aucun impact sur le mouvement, qui l’ignore et le défie complètement !
Naturellement, les forces bourgeoises mondiales font tout ce qui est en leur pouvoir pour encadrer et diviser le mouvement prolétarien en Amérique latine en fonction de leurs intérêts et alliances partisans et géopolitiques. Cela ne se limite pas seulement à des tentatives de contrôle des manifestants sur le terrain en Amérique latine, mais cela produit également une énorme guerre de propagande mondiale par tous les moyens possibles, depuis « l’information sérieuse » jusqu’aux myriades de blogs et de chaînes YouTube. Ils tentent de déformer ou de nier la nature prolétarienne du mouvement et ne l’interprètent au contraire que comme un mouvement limité pro- ou anti- telle ou telle figure politique, contre telle ou telle mesure économique spécifique, comme une lutte de telle ou telle minorité ethnique ou sociale (Mapuche, « Alteños », etc.).
Dans certaines régions, cette stratégie de notre ennemi de classe a été partiellement couronnée de succès – conduisant par exemple à des affrontements meurtriers entre les manifestants « pro-Morales » et « anti-Morales » en Bolivie. Mais même en Bolivie, nombre de ceux qui participent à ce mouvement ont refusé d’être classés dans des catégories politiques et ont clairement fait savoir qu’ils méprisaient à la fois Morales et Áñez. Il existe également un mouvement de grève persistant en Bolivie – par exemple les mineurs de la mine d’argent de San Cristobal, connus pour leur militantisme, qui ont commencé leur grève illimitée en août 2019, au cours de laquelle eux et leurs familles ont bloqué des routes et des lignes de chemin de fer et ont attaqué un commissariat de police.
Un courant fort et militant dans le mouvement au Chili est en train d’émerger et d’assumer pratiquement les tâches de l’action directe et de l’associationnisme prolétarien international et internationaliste afin de se regrouper et de se soutenir mutuellement, ainsi que les tentatives de « convergence des luttes » entre le mouvement chilien et « les Gilets Jaunes », etc. Les assemblées territoriales, qui fonctionnent comme une épine dorsale organisationnelle du mouvement au Chili, représentent la tentative du prolétariat en lutte pour se réapproprier la réalité de la vie quotidienne des mains du Capital et de son État, pour créer une nouvelle qualité de relations sociales en rupture avec la normalité aliénée et marchandisée.
Sans fétichisme d’une forme d’organisation de la lutte de classe par rapport à l’autre, nous revendiquons la tendance communiste au sein de ces structures, s’exprimant dans la critique pratique de la propriété privée par l’organisation du pillage massif et de la redistribution des marchandises, en coordonnant des attaques contre l’État et la défense contre sa répression et d’autres tâches vitales de la lutte. Leur base organisationnelle est directement sociale et surmonte de manière inhérente les divisions sectorielles, partisanes et autres imposées à notre classe par la vie dans la société capitaliste. Comme l’ont dit des camarades sur place :
« En étant un organe de quartier, les assemblées sont immergées dans la vie quotidienne du territoire, leur fonctionnement est donc leur arme principale. Leur capacité à couvrir de manière élargie les besoins de la lutte tels que l’approvisionnement, l’autodéfense, la santé, les transports, les communications, la solidarité avec leurs prisonniers, etc. sera la force qui les dotera de légitimité. En ce sens, les assemblées sont l’expression autonome de la communauté qui auto-organise ses besoins et sa lutte contre l’État et le Capital. » [voir à ce sujet la série de textes traduits et publiés sur notre blog : https://www.autistici.org/tridnivalka/protestas-en-chile-fr/ ]
D’autres pays d’Amérique latine suivent le même chemin, avec des manifestations violentes quotidiennes en Colombie. Les géants économiques régionaux – le Brésil, le Mexique et l’Argentine – n’ont connu jusqu’à présent que des explosions de rage prolétarienne locales et limitées, et dans l’ensemble ils préservent l’apparence calme du “business as usual”, mais il n’est pas nécessaire d’avoir une boule de cristal pour voir que cette coquille est sur le point de se craquer.
Il reste à voir si le mouvement prolétarien en Amérique latine dans son ensemble parviendra à surmonter résolument la division idéologique et nationaliste qui lui est imposée pour lui permettre de s’organiser au niveau directement international.
Un énorme soulèvement prolétarien est en train de bouleverser l’ordre étatique bourgeois au Liban, en Irak et en Iran.
Manifestations de masse dans les rues, blocages, pillages et affrontements très sanglants avec les forces de l’ordre tant des gouvernements officiels que celles de l’opposition ou des clans confessionnels. La répression est féroce – des centaines de manifestants ont été assassinés par l’État en Iran et en Irak et des dizaines au Liban. Des dizaines de milliers de personnes ont été blessées ou arrêtées.
L’une des armes les plus puissantes du mouvement est sa résistance intransigeante à toutes les tentatives de contrôle et d’imposition de divisions politiques et confessionnelles sur lui. Les manifestants refusent, dénoncent et attaquent tous les hommes politiques et tous les partis. Par exemple, le dignitaire chiite Moqtada al-Sadr, qui avec son Armée du Mahdi a joué ces dernières années un rôle important dans la cooptation et l’écrasement du mouvement prolétarien en Irak (en coalition avec les staliniens locaux), a essayé de parler aux manifestants afin de les pacifier, mais a dû être rapidement escorté par les forces de l’ordre gouvernementales, après avoir été menacé par nos camarades de classe. Al-Sadr a modifié sa stratégie à plusieurs reprises au cours des événements. Au début, il a exprimé son « soutien » – cyniquement comme tout social-démocrate – à la lutte prolétarienne dans les rues et a appelé à « manifester contre l’Iran ». Lorsqu’il est devenu évident que personne ne se souciait de son programme islamo-citoyenniste de libération nationale, il passe dans le camp de l’Iran et se déclare en faveur de l’écrasement du mouvement. Plus tard, il retourna à nouveau sa veste et tenta de revenir en arrière. À la fin, il a pris la dernière option qui lui restait et s’est enfui en Iran pour sauver sa peau. Quelle admirable flexibilité ! Lénine et Mahomet seraient tous deux fiers !
L’un des principaux slogans des manifestations en Irak est : « De Bagdad à Beyrouth, nous allons continuer. Nous ne sommes ni sunnites, ni chiites… » N’oublions pas que c’est une région où l’intériorisation des divisions confessionnelles chiites vs. sunnites et nationalistes Arabes vs. Kurdes a permis aux forces bourgeoises de canaliser avec succès ces divisions et d’écraser plusieurs mouvements prolétariens antérieurs. Au Liban, tristement célèbre pour ses conflits interconfessionnels et pour la séparation d’entre les communautés, tant dans la sphère de la politique bourgeoise que dans la vie sociale quotidienne du prolétariat, notre mouvement de classe est dès le début organisé sur une base consciemment anti-confessionnelle, comme un refus de tous les partis et personnalités politiques.
En Iran, l’ampleur et la force des protestations ont forcé l’État à fermer l’Internet pendant une semaine. Après la levée de ce couvre-feu, l’importance de la lutte et de la répression brutale par les Chiens de Garde de la Contre-Révolution Islamique et autres racailles des forces répressives, avec plus de 1.500 morts, est devenue évidente. Les masses prolétariennes sont descendues dans les rues de plus de 180 grandes villes iraniennes et d’innombrables villes plus petites. Des banques, des commissariats de police, des bureaux du gouvernement, des stations-service, des mosquées ont tous été pris pour cibles de la rage prolétarienne. Nous ne connaissons pas précisément l’ampleur du mouvement de classe en Iran, mais nous pouvons supposer qu’il a été de grande envergure, étant donné que malgré le black-out total de l’information que la fraction nationale iranienne de la bourgeoisie mondiale a tenté d’imposer, elle a néanmoins été contrainte d’admettre que les rues étaient pleines de prolétaires en colère (ou de « voyous » comme leur propagande nous qualifie).
Sur fond de ces mouvements, des grèves se poursuivent depuis des mois. En Iran, les grèves dans le secteur agricole, les transports routiers et dans le milieu scolaire sont monnaie courante dans tout le pays. Chaque fois que les forces de l’ordre en répriment une, une autre se déclare. La Jordanie et même certaines parties de la Syrie ravagées par la guerre ont également connu des manifestations de rue et des grèves – tant dans la province d’Idlib tenue par des « rebelles » que dans les zones contrôlées par Assad. En Irak, le terminal pétrolier a été bloqué par des manifestants, rejoints par des travailleurs en grève dans le port de Bassorah et sur les champs pétrolifères. Cela a sérieusement affecté l’exportation de la principale marchandise du pays.
Les détails sur les formes concrètes de l’associationnisme prolétarien en Irak et en particulier en Iran sont rares et très limités car, pour de nombreuses raisons – forte répression, black-out de l’internet, problèmes de traduction, pour n’en citer que quelques-unes – il y a très peu de documents écrits produits par le mouvement qui parviennent aux communistes dans d’autres parties du monde.
Il existe en Irak certaines formes d’assemblées territoriales [shuras], centrées autour de la place principale de chaque ville ou quartier, où les manifestants peuvent discuter, organiser et coordonner leurs activités, identifier les cibles à attaquer, régler la distribution des approvisionnements, etc. L’occupation la plus centrale, c’est celle de la place Tahrir dans le centre de Bagdad.
« Depuis le début du mouvement et jusqu’à présent, même avec la répression massive et les assassinats de l’Etat contre lui, ce mouvement continue et il étend jour après jour la portée de ses luttes et de ses tactiques. Par exemple, à Bagdad, le mouvement a formé des unités de combat et s’est répandu dans toute la ville pour interrompre la circulation, et prendre le contrôle des ponts et des points importants. Il a mis en place ses activités collectives de coordination pour étendre et élargir sa lutte afin de planifier le lendemain et la cible suivante, il a publié des tracts sur sa lutte et il a soigné les camarades blessés… tout cela, c’est la coordination, l’organisation et l’expansion de leur capacité de lutte.
Les luttes prolétariennes du passé ont toujours pris leur énergie les unes des autres. C’est ainsi que la lutte continue et assume ses intérêts de classe et son internationalisme. En brisant les frontières géographiques, les cadres idéologiques, économiques et démocratiques ainsi que l’Etat national… ce mouvement cible le Capital et le capitalisme mondial. » [extrait du texte “De Bagdad à Beyrouth, nous allons continuer. Nous ne sommes ni sunnites, ni chiites…”, signé par des Prolétaires internationalistes, novembre 2019, publié sur notre blog : https://www.autistici.org/tridnivalka/de-bagdad-a-beyrouth-nous-allons-continuer-nous-ne-sommes-ni-sunnites-ni-chiites/ ]
Comme nous l’écrivions dans notre texte « De Gaza à l’Iran et au monde entier… À bas les exploiteurs ! », une des principales raisons de la crise économique qui pousse la bourgeoisie en Iran à compromettre le « contrat de paix sociale », qu’elle a elle-même mis en place, en s’attaquant de manière aussi directe aux conditions de vie du prolétariat, c’est son implication dans la guerre. Cette cause profonde, ainsi que le chômage élevé, l’absence de services essentiels, la hausse des prix, la violence de la police et des milices, etc., est toujours la réalité présente du prolétariat dans cette partie du monde. Rien n’a changé à cet égard depuis les dernières vagues de lutte des classes en 2017-2018, si ce n’est que l’antagonisme s’est creusé encore davantage et que la confrontation de classe implique des secteurs toujours plus élargis de notre classe, qui tous perdent rapidement le peu d’illusions qu’ils entretenaient encore envers cette société de misère et ses gestionnaires.
Ce sont bien là les effets produits par les contradictions inhérentes au mode de production capitaliste et aux rapports sociaux qui vont avec. D’une part, tant la guerre elle-même que la ruée pour la reconstruction et l’investissement dans la période de paix qui s’ensuit ne sont rien d’autre qu’une forme concrète de concurrence entre fractions capitalistes. Ce n’est rien d’autre que l’expression du profond besoin des différentes fractions du Capital mondial d’élargir leur marché afin de faire face à la baisse du taux de profit. En même temps, la guerre sert à utiliser et à approfondir les divisions existantes de notre classe en catégories selon des critères nationaux, régionaux, religieux, politiques, etc. afin de réprimer la lutte des classes et de briser la solidarité internationale du prolétariat. Les États nationaux (et supranationaux) représentent également un niveau organisationnel de la concurrence entre les fractions bourgeoises, ils sont une expression politique de la nécessité pour chacune de ces fractions de toujours élargir le marché des marchandises qu’elles produisent et d’imposer sa propre « saveur » organisationnelle de l’exploitation du travail humain et de façonner les rapports sociaux de la manière la plus souhaitable pour lui donner un atout compétitif.
Par analogie avec les glaces produites industriellement, nous utilisons dans ce texte le mot « saveur » pour décrire une forme particulière de certains aspects de la réalité capitaliste, qui peut à première vue différer radicalement d’une autre forme. Par exemple, une chaîne d’information peut être détenue par un grand groupe médiatique qui poursuit un programme de lobby industriel ou par une petite ONG aspirant à « humaniser » le capitalisme, un mouvement politique peut être organisé par la droite, la gauche ou l’extrême gauche du Capital, ce peut être un mouvement « de la base » ou dirigé par un érudit possédant la sagesse du Livre Saint. En substance, ce sont tous des produits de merde du même système capitaliste et donner sa préférence à l’un d’entre eux reviendrait à se raconter des histoires.
D’autre part, tous les États nationaux constituent bien sûr des composantes locales de l’État mondial, la violence organisée aux mains de la bourgeoisie mondiale, son outil de la guerre de classe contre le prolétariat. Il se compose de nombreuses couches au-delà des seuls gouvernements ou forces répressives et comprend d’autres structures dont le Capital a besoin pour maintenir le prolétariat séparé en une force de travail obéissante composée de citoyens atomisés – parti politique, syndicat, entreprise, famille, religion, école, « système social », etc. Ce n’est que face à un mouvement prolétarien internationaliste déterminé que la concurrence inter-bourgeoise est temporairement oubliée et que toutes les fractions nationales de l’État s’unissent démocratiquement pour l’écraser.
La zone géographique connue sous le nom de « Moyen-Orient » se situe au croisement des intérêts de plusieurs de ces fractions – les « puissances » tant régionales que mondiales se font concurrence ici pour le contrôle des ressources naturelles, des routes commerciales importantes et pour l’imposition de leurs intérêts géopolitiques (qui sont aussi indirectement l’expression de leurs intérêts économiques). Une matérialisation concrète de cette concurrence capitaliste dans la région, c’est l’engagement militaire de l’Iran en Syrie et en Irak ainsi que les investissements dans l’extraction du pétrole, du gaz et d’autres ressources naturelles et dans les infrastructures de transport dans les territoires « libérés » (ces projets sont gérés et réalisés par des entreprises appartenant souvent directement à l’armée iranienne ou aux « Gardiens de la Révolution ») ; et son objectif économique, c’est de relier les installations de production de pétrole et de gaz de l’Iran à la mer Méditerranée.
Nous voyons les tentatives d’attaque de ce complexe militaro-industriel partout dans la région, en continuité avec les actions militantes de la précédente vague de lutte de classe en Iran et en Irak dans les années 2017-2018. En Irak, plusieurs commandants militaires ayant un statut de « héros de guerre » suite au conflit avec Daech, devenus des hommes politiques et des hommes d’affaires locaux, ont été attaqués par la foule dans les rues. Au Liban, il y a eu de multiples cas de soldats du Hezbollah qui, après être revenus de Syrie, ont déserté et refusé d’y retourner ; et lorsque leurs commandants ont essayé de les forcer, certains d’entre eux ont riposté, ce qui a coûté la vie à deux officiers. En Iran, les casernes des « Chiens de Garde de la Contre-Révolution Islamique » ont été prises pour cible et incendiées. Les manifestants réclament également le retrait immédiat des troupes iraniennes de Syrie, du Yémen et d’Irak et la fin des dépenses militaires à l’étranger. Nous voyons clairement les limites de ces revendications, empoisonnées par le nationalisme et souffrant d’illusions sur la réorientation « équitable » par l’État des dépenses militaires au profit des « dépenses sociales ».
La limite de ces revendications, c’est qu’elles s’inscrivent dans la fausse dichotomie entre la satisfaction des besoins humains « immédiats » du prolétariat, de ses moyens de survie physique (nourriture, logement, etc.) et son besoin « historique » de détruire le système de classes, ce qui rend impossible l’existence d’une humanité unifiée, à travers l’action révolutionnaire centralisée du prolétariat mondial. Une des raisons de cette situation, c’est le fait que les militants de classe les plus avancés, qui ont pu exprimer les positions du défaitisme révolutionnaire de manière intransigeante, comme par exemple les étudiants radicaux de l’Université de Téhéran, ont été spécifiquement et brutalement visés par l’État après l’écrasement de la rébellion de 2017-2018. Néanmoins, ces expressions représentent un maillon essentiel de la résistance prolétarienne active contre le fait d’être transformé en chair à canon ou en fabricant de canons.
Au vu de ce qui précède, nous voudrions souligner l’importance de ce mouvement prolétarien, qui attaque directement la capacité de l’État à mener une guerre capitaliste sanglante. Dans la tradition des éléments les plus avancés du mouvement prolétarien à l’époque de la « Première Guerre mondiale », de la « guerre du Vietnam » et de la « guerre du Golfe » (même s’il n’est pas encore au même niveau de généralisation et d’expression « théorique »), il sape la base économique de la machine de guerre et il tente de fraterniser par-delà les frontières nationales et confessionnelles. Sa position centrale par rapport au plus grand champ de bataille de notre temps en fait un point de centralisation pour le reste du prolétariat mondial dans la lutte pour transformer la guerre entre des fractions bourgeoises en une guerre de classe contre le Capital ! C’est notre tâche révolutionnaire en tant que communistes, de mettre en évidence la nature prolétarienne de ce mouvement contre toutes les manigances bourgeoises. C’est aussi notre tâche de mettre en avant les expressions de la résistance prolétarienne dans les armées et les affaires militaires par-delà la frontière aux USA, en Russie, en Israël, en Turquie, etc., aussi peu claires et limitées soient-elles, et de lutter avec nos camarades dans ces pays pour les aider à se défaire de leur encadrement social-démocrate et à clarifier leurs objectifs de classe et tendre à leur généralisation.
(graffiti sur le mur d’une banque saccagée à Hong Kong)
Les provinces du sud du royaume du Parti Capitaliste Chinois ont connu des mois d’émeutes, entraînant l’économie de Hong Kong dans la récession. L’étincelle initiale du mouvement fut le « projet de loi sur l’extradition » qui faciliterait, légaliserait et intensifierait la pratique consistant à envoyer les prisonniers dans des camps de concentration en Chine continentale.
En tant que « vitrine » du capitalisme, Hong Kong et, par extension, le Delta de la rivière des Perles dans son ensemble, représentent un énorme pôle d’accumulation du Capital. Pendant des décennies, Hong Kong a été le plus grand port à conteneurs du monde ainsi qu’une plaque tournante pour le commerce transocéanique, le tourisme et un super centre financier. Cela a commencé il y a longtemps, alors que ce territoire faisait encore partie de l’Empire britannique et cela a continué et s’est même accéléré après le transfert de son administration à la Chine. Et la grande agglomération du delta de la rivière des Perles a fourni pendant plus de trente ans une base manufacturière produisant des marchandises à exporter par le port de Hong Kong dans les ateliers clandestins souvent détenus par les sociétés cotées en bourse.
Ce dispositif, protégé par l’énorme système répressif de l’État bourgeois chinois, a produit des conditions de vie cauchemardesques pour le prolétariat dans la partie continentale du Delta. Le « compromis social » préexistant de l’époque des « communes villageoises » de Mao, qui permettait aux travailleurs faisant partie de ces collectifs de production de compléter indirectement leur salaire par de la nourriture provenant des champs et des jardins « qui leur sont loués », a été violemment démantelé et les terres ont été transformées en nouvelles zones industrielles et en projets immobiliers. Cela ne leur a laissé d’autre choix que de prendre les emplois dans ces nouvelles usines des multinationales, rejoints par des travailleurs migrants de l’intérieur du pays ainsi que par des prisonniers, pour faire face à des taux d’exploitation extrêmes, à des conditions de travail détruisant la santé et menaçant la vie et à un contrôle social brutal. À Hong Kong, le même processus a conduit à la plus intense marchandisation de la vie sociale au monde et aux prix de l’immobilier et des loyers les plus élevés au monde – forçant de nombreux prolétaires, par exemple, à vivre dans des appartements tristement célèbres de type « cage » ou « cercueil » de quelques mètres carrés seulement, avec salle de bain et cuisine partagées par plusieurs familles.
Bien sûr, le progrès capitaliste dans le Delta (et en Chine en général) ne s’est jamais déroulé aussi facilement que la bourgeoisie le souhaiterait ou que ses médias le présentent. Chaque année, des centaines de grèves sauvages dans les usines, les centres commerciaux, les centres d’appel ainsi que des protestations contre l’aménagement du territoire, la pollution et la violence d’État éclatent dans le Delta, se transformant souvent en batailles de rue avec la police et des unités de l’armée, en pillages et en attaques contre des sièges d’entreprises et des bâtiments gouvernementaux. Le dernier exemple en date est une manifestation contre la construction d’un énorme crématorium à Wenlou, dans la province de Guangdong, qui s’est terminée par l’attaque de tout un village contre les forces de répression, avec des pavés et des feux d’artifice, et par le passage à tabac de nombreux manifestants par les flics. Cela se produit parallèlement au mouvement de protestation à Hong Kong même.
Le mouvement initial contre « le projet de loi sur l’extradition » a été d’une ampleur considérable depuis le début, atteignant jusqu’à deux millions de participants. Bien qu’il ait commencé par des marches « pacifiques », les tactiques d’autoprotection avec des masques, des parapluies, des casques et la pratique de base de la confidentialité conspirative ont été présentes dès le début comme une leçon partagée des précédents mouvements de protestation au cours des années 2012 et 2014. En se radicalisant, en partie en réaction à la violence brutale de l’État et à son utilisation « à la chinoise » des technologies modernes pour l’espionner et le réprimer, le mouvement s’est transformé en un véritable laboratoire de tactiques insurrectionnelles innovantes dans la mégapole capitaliste moderne. Il est également formidable de voir l’interaction avec les mouvements prolétariens ailleurs, car certains de ces éléments tactiques se répandent au Chili, en France, au Liban… L’économie locale a été massivement perturbée par ce mouvement, avec le blocage de stations de métro, des grandes routes, du port et de l’aéroport international, avec une énorme grève sauvage dans les transports publics en août, l’incendie des bureaux du parti au pouvoir, le pillage et l’incendie de magasins, restaurants et banques « pro-Pékin », l’occupation des universités et d’énormes batailles de rue avec les flics.
Dans le mouvement, les minorités les plus avancées sur le plan programmatique ont pu dépasser les aspects purement tactiques de la lutte insurrectionnelle, en appelant explicitement à la lutte contre le capitalisme dans sa totalité. Nous pouvons le voir dans des slogans et des graffitis qui reconnaissent clairement que le capitalisme est la racine de toute la misère, contre laquelle le mouvement se révolte, identifiant et dénonçant la nature capitaliste de la Chine continentale, appelant à la fraternisation avec le prolétariat en lutte sur le continent, ainsi qu’en Europe, exprimant le besoin d’une réponse centralisée à la répression technologique…
Dans ce contexte, nous devons malheureusement dire que ces minorités sont vraiment minuscules et avec peu d’influence visible, que nous constatons une forte dissonance entre la nature radicale du mouvement et l’impact considérable des idéologies nationalistes, localistes et libérales profondément intériorisées, au point qu’elles constituent un obstacle et exercent une influence désorganisatrice contre le fait d’assumer la tâche historique de généralisation de la lutte des classes. Même si, jusqu’aux nouvelles élections de novembre 2019, l’impact direct des partis politiques bourgeois, des ONG et des syndicats sur le mouvement ait été très limité, l’identité « hongkongaise », les illusions sur la démocratie parlementaire et la confusion entre le régime politique de la Chine continentale et le communisme dominent le mouvement et ont empêché tout rapprochement massif avec la lutte de classe en Chine continentale.
Cependant, le mouvement n’est pas encore terminé et les contradictions sociales qui ont conduit à sa naissance n’ont pas disparu. Au contraire, la leçon tirée de la lutte à Hong Kong est très importante car elle constitue à bien des égards un aperçu de la lutte contre la réalité future de la société capitaliste mondiale.
Rien n’est joué. Les émeutes, les blocages et les grèves qui, depuis des mois, donnent des cheveux blancs à la bourgeoisie mondiale ne sont pas prêts de s’arrêter. De plus, de nouveaux points chauds éclatent en Afrique et surtout en Inde, où des mouvements très contradictoires, mais massifs et militants (dont la plus grande grève de l’histoire), paralysent l’économie et ébranlent toute la société.
La récente vague de lutte des classes est comme une bouffée d’air frais. Sa continuité caractéristique et retrouvée du militantisme prolétarien nous donne de l’espoir. Pendant des années, le mouvement de classe est soit resté largement enfermé dans un cadre légaliste, syndicaliste et partisan et s’est exprimé par le biais de « revendications » défensives minimalistes, soit a pris la forme d’une éruption violente et sauvage, mais éphémère et rapidement réprimée, qui n’a pu créer un espace pour le développement de minorités radicales.
Aujourd’hui, cette séparation est en train de fondre sous les yeux ébahis des bourgeois.
Il est de plus en plus difficile pour les forces répressives et les médias de désigner « les fauteurs de troubles » car le reste du mouvement n’applaudit plus cette tactique et se manifeste au contraire en exprimant solidarité et unité. Cela se répète sans cesse – en France, au Chili, en Irak et ailleurs.
Tout comme lors du soulèvement prolétarien de 2011, qualifié de « printemps arabe », les forces propagandistes de notre ennemi de classe (les médias bourgeois mainstream ou « alternatif » et les diverses structures de la social-démocratie – ces organisations bourgeoises pour les travailleurs) tentent de dissimuler la nature de classe de la lutte – en brandissant la « bonne vieille carte raciste » – et de la présenter comme quelque chose qui se produit en raison de « circonstances locales exotiques ».
C’est seulement maintenant que cela devient de plus en plus difficile car la même scène se déroule dans « la France développée et démocratique », « l’Iran théocratique », « Hong Kong la dynamique », « le Venezuela socialiste », « Haïti la pauvre », « le Liban confessionnel », « l’Irak déchiré par la guerre », « le Chili de l’après-Pinochet »,… « Ces protestations ont-elles quelque chose en commun ? »… c’est pour la forme qu’on se pose une telle question chez Deutsche Welle, Russia Today, Al Jazeera,…
En fait, bien sûr, les prolos n’ont rien en commun avec la bourgeoisie de leur « propre » pays et au contraire, ils ont tout en commun avec leurs frères et sœurs de classe dans le reste du monde, car nous sommes confrontés partout au même système d’exploitation, de misère et d’oppression.
Il sera primordial que les différents mouvements prolétariens dans le monde atteignent ce niveau de compréhension afin d’identifier clairement notre ennemi de classe commun, de dépasser la fausse dichotomie entre nos besoins « immédiats » et « historiques », et malgré et contre de nombreuses fractions sociales-démocrates qui attendent une opportunité de saisir nos faiblesses pour nous coopter, de prendre la direction vers notre unification organique en tant que classe consciente d’elle-même dans la lutte pour l’abolition du capitalisme.
Les tâches les plus importantes des communistes en ce moment sont :
# Dénoncer et attaquer activement toutes les falsifications et structures sociale-démocrates, quelle que soit leur prétention « radicale », « anarchiste », « marxiste », « communiste », « anticapitaliste », qui essayent de déformer les objectifs du mouvement prolétarien mondial, de renforcer et de consolider ses limites, faiblesses et illusions, de le maintenir séparé selon les frontières nationales ou idéologiques afin de le coopter, de le stériliser, et de le mener finalement à sa défaite.
# Insister sur la nature de classe de ce mouvement mondial, contre le voile des identités localistes et particularistes.
# Participer à la lutte contre « notre propre bourgeoisie », contre « nos propres exploiteurs », contre « notre propre patrie »,… et diriger cette lutte en tant que partie organique la plus avancée de la classe. Les communistes ne sont en effet jamais une bande d’intellectuels extérieurs à la classe, mais au contraire ils en font partie intégrante, ils sont le produit de la véritable lutte des classes et il n’y a aucune différence entre leurs objectifs historiques et les objectifs historiques de la classe dans son ensemble !
L’attaque contre « notre propre bourgeoisie » est la forme la plus efficace de la solidarité prolétarienne internationaliste, car elle paralyse la capacité de la classe dominante mondiale à concentrer ses forces répressives contre les éléments les plus avancés du mouvement.
# Aider au regroupement, à la protection et au soutien de nos camarades, partout dans le monde, confrontés à la répression d’État. Aider à organiser des structures défensives et de soutien pour notre communauté de lutte mondiale.
Allons de l’avant, vers l’ère de la lutte prolétarienne mondiale contre la catastrophe capitaliste et pour le communisme – la communauté humaine mondiale !
Hiver 2019/2020
La « guerre contre le virus » est la continuation de la guerre permanente exercée contre nous
Tout au long de ce présent bulletin, nous n’avons pas épilogué sur la gravité ou non de l’épidémie de Covid-19, transformée en pandémie par nos maîtres et qui selon les chiffres officiels (c’est-à-dire ceux de nos ennemis de classe : l’État des capitalistes et sa médecine) aurait infecté déjà plusieurs millions d’individus à travers la planète et entrainé directement ou indirectement la mort de plusieurs centaines de milliers de malades. Nous on se contrefiche de tous ces pseudo-débats sur les masques ou sur le confinement qui ne touchent qu’un aspect superficiel de la question du Covid-19, c’est-à-dire sa gestion par les divers gouvernements (bourgeois, par définition), et dont l’unique obsession c’est la croissance du Capital et son taux de profit. D’autre part, nous savons pertinemment bien que l’efficacité du confinement généralisé s’avère plus intéressante pour la classe dirigeante en termes de contrôle et de domestication des « classes dangereuses » (pour reprendre l’expression de nos ennemis), en termes de mesures contre-insurrectionnelles (même à titre préventif) contre une classe exploitée qui a été plus que grandement remuante ces derniers mois.
Ce que nous savons très bien aussi, c’est que la bourgeoisie et son État sont en guerre permanente contre nous, contre l’humanité, contre le prolétariat en lutte. Nous savons depuis trop longtemps, pour l’avoir directement et historiquement subi dans notre chair, que le capitalisme s’est bâti sur des monceaux de cadavres, et qu’il n’y a aucune raison qu’il s’arrête de le faire. Depuis que le capitalisme s’est affirmé mondialement comme le rapport social dominant, en tant que synthèse et dépassement dialectique de tous les rapports sociaux précédents, il n’a fait que s’affirmer et asseoir sa domination par la guerre. Et ce, d’autant plus en période de crise majeure, qui n’est qu’un moment de la crise permanente du mode de production capitaliste, de ses multiples contradictions internes et mortelles, dont la plus importante est évidemment l’existence du prolétariat en tant que classe exploitée et donc révolutionnaire, sans même parler de la baisse tendancielle de son taux de profit qui pousse le capitalisme à pressurer toujours davantage la classe des exploités, à lui faire la guerre.
Et dans ce sens, nous pourrions aisément paraphraser le stratège militaire Clausewitz pour qui « la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens » en affirmant à notre tour que la « guerre contre le virus » est la continuation, pour la classe des capitalistes et son État, de la guerre permanente exercée contre nous, contre le futur fossoyeur du Capital.
Bien sûr, les centaines de milliers de morts officiellement recensés et attribués au Covid-19 (sans compter ceux qui pourraient très bien l’être également du fait des mesures de répression et d’isolement imposées) ne représentent pas suffisamment de force de travail excédentaire à éliminer, ce n’est pas avec cette « petite » saignée que le capitalisme retrouvera le droit chemin des profits qu’il croit illimités. Non, ce dont le capitalisme a toujours besoin (et plus que jamais), c’est d’un véritable choc, d’un « nettoyage » sans aucune commune mesure avec ce qu’on a connu dans l’histoire de l’humanité, tant les contradictions de ce rapport social mortifère sont de plus en plus chauffées à blanc et menacent de faire éclater la chaudière du profit et donc de notre exploitation si de la pression n’est pas lâchée très rapidement. Ce dont le capitalisme a besoin, c’est d’un massacre, d’une destruction rapide et efficace d’un nombre important de forces productives : tant de travail mort (de machines) que de travail vivant (de prolétaires).
Bref, si nous sommes appelés et mobilisés sur le front de la future guerre militaire qui, comme toutes les guerres, sera une guerre contre notre classe, donc une guerre de classe, il est du ressort du prolétariat de ne plus se laisser embrigader docilement comme chair à canon après avoir tout aussi docilement été chair à usine, ou tout simplement chair à travail… et chair à démocratie !
En tous les cas, au-delà des causes sanitaires, médicales, économiques, sociales de la pandémie (et donc de son origine), ce que cette « crise sanitaire » a révélé ou confirmé au monde, c’est le monde totalement anxiogène dans lequel nous plonge le capitalisme qui ne peut vivre et se développer qu’en produisant de l’anxiété (ici face à la maladie), de la peur, de la terreur… et cela a été de tout temps ainsi. Il suffit de remonter ces 75 dernières années (c’est-à-dire le temps de trois générations qui se connaissent et se côtoient et peuvent partager souvenirs, pensées et critiques) pour trouver traces de la permanence de ce climat anxiogène : après les massacres des deux guerres mondiales (qui de fait ne constituent qu’un seul et unique cycle guerrier interrompu momentanément par des éruptions révolutionnaires), on nous a promis la paix et le bonheur, après les « vallées de larmes » ce serait enfin le temps des « vallées de miel », certes au prix du travail harassant de la reconstruction. Puis, ce fut la bipolarisation du monde, la « guerre froide » et les menaces d’utilisation de l’arme atomique durant quatre décennies (le « feu nucléaire »), « l’occident » était sous la menace « des rouges » tandis qu’à l’Est, on fustigeait le « complot fasciste » contre « la patrie socialiste ». Une fois l’ère mythique des « Trente Glorieuses » désarticulée, dont l’existence matérielle a été surfaite par l’idéologie et la propagande, ce fut « la crise » qui devint le leitmotiv permanent des discours, ainsi que la pollution, les maladies (le sida, la vache folle, les cancers, etc.) et maintenant « l’apocalypse » du réchauffement climatique, de la destruction de la planète, la montée du niveau des océans suite à la fonte des glaciers, la disparition de milliers d’espèces vivantes, le tout « à la vitesse d’un cheval au galop »…
Comment après toutes ces joyeusetés ne pas se bourrer de neuroleptiques ou se suicider ou se laisser massacrer dans l’une ou l’autre guerre capitaliste !? Le capitalisme suinte la mort et la destruction et la terreur…
Maintenant, d’autres questions continuent également de nous hanter à propos de cette « guerre contre le virus », questions auxquelles nous sommes loin d’avoir toutes les réponses. Par exemple, nous ne pouvons pas nous empêcher d’exprimer notre mépris face aux discours lénifiant de la classe dirigeante qui nous assomme avec la réalité « incontestable » de la pandémie, alors que nous savons tous très bien que l’état d’urgence sanitaire est une forme plus raffinée de l’état d’urgence sécuritaire « classique » : toute résistance est assimilée à une atteinte à la vie des autres, des plus vulnérables, à la survie de la « communauté », comme un refus égoïste de se « solidariser ». D’autre part, les divers gouvernements ont au début du moins eu cette tendance à sous-estimer les événements car le contraire les aurait poussés à mettre un frein à la normalité du système, cette normalité qui s’exprime par cette sordide réalité que certains « gilets jaunes » en France ont dénoncée par la triade « Travaille, Consomme et Ferme ta Gueule ! ».
D’aucuns affirment (ce faisant ainsi, qu’ils le veulent ou non, les idiots utiles dont le capitalisme a le plus besoin) que l’État a été contraint par le développement et la gravité de la pandémie d’imposer le confinement et donc de mettre à l’arrêt des secteurs entiers de l’économie afin de « sauver des vies humaines », au titre du « contrat social » et de « sa mission » qui consiste à « protéger » ses citoyens… D’abord rappelons que dans un premier temps les divers gouvernements ont imposé aux capitalistes que le télétravail soit de rigueur dans les secteurs d’activité (tertiaire, services…) où cela était possible. Alors que la quasi-totalité des secteurs industriels jugés « non-essentiels » continuaient de tourner « à plein rendement » (“business as usual” !!!), une importante minorité de prolétaires combattifs qui ne voulaient pas risquer de se faire contaminer au travail a mené de nombreuses grèves sauvages, principalement aux USA et en Italie mais aussi un peu partout dans le monde. Ensuite, et plus fondamentalement, les capitalistes n’en ont jamais rien eu à foutre de la vie humaine, surtout si celle-ci est abondante, surnuméraire et excédentaire (selon leurs critères). Toute l’histoire de l’humanité est la preuve de cette tragédie.
Et enfin, la soi-disant « mise à l’arrêt de l’économie » telle que nos exploiteurs l’ont initiée, bien qu’accentuant dans un premier temps le problème systémique dans l’accumulation immédiate des profits, ne constitue néanmoins pas un obstacle incontournable et antagonique avec l’affirmation des besoins globaux et historiques de paix sociale et de valorisation du capitalisme. La « crise du Covid-19 » n’est pas la crise du capitalisme en tant que tel, celle-ci lui est bien antérieure ; le Covid-19 n’a fait que l’accentuer et révéler l’ampleur des failles de ce système totalement inhumain. En période de crise, les capitalistes n’ont pas d’autre alternative que de « dégraisser », de licencier, de fermer des entreprises non-rentables, de détruire… afin de relancer un nouveau cycle de valorisation. Au plus bas l’économie peut chuter, au plus fort elle peut remonter et remplir ainsi les poches des capitalistes de nouveaux et juteux profits.
Enfin, nous voudrions aborder ici un ultime point, celui des « théories complotistes » qui se déclinent en au moins deux versions : d’une part, ceux qui prétendent qu’on nous cache tout, qu’il y a bien plus de morts que ce qu’on veut bien nous dire, que le virus se propage par des voies encore plus insidieuses que ce qui est admis… A l’autre extrême de l’échiquier des « théories complotistes », on trouve ceux qui prétendent que toute cette histoire de Covid-19 n’est qu’un « grand mensonge », que « la pandémie n’existe pas » et que « ce n’est pas le virus qui tue mais le capitalisme », ce qui se révèle être une tautologie qui poussée à l’absurde permettrait d’affirmer que les prolétaires ne se font pas massacrés durant les guerres mais par le capitalisme « en général » !
Fondamentalement, les capitalistes ne nous mentent pas, au contraire ils disent la vérité, leur vérité de classe car la vérité n’est pas neutre en soi. Il y a deux classes, deux langages, deux vérités, la leur contre la nôtre… Mais pour certains, tout cela ne serait qu’un complot ourdi par les capitalistes pour « organiser un génocide contre l’humanité »…
Pourquoi le capital aurait-il besoin d’un « faux » virus, pourquoi aurait-il besoin de créer artificiellement une « fausse » pandémie afin de préparer la guerre et le « génocide » contre l’humanité alors qu’un simple virus réel et authentique serait beaucoup plus efficace à toutes ces fins. La guerre est le meilleur moyen de tuer massivement le surplus de prolétaires mais avec de nouveaux progrès et techniques comme la guerre chimique, la guerre bactériologique, les bombardements au phosphore, etc. ad nauseam, l’efficacité de la capacité de destruction du Capital est bien plus exponentielle…
Nous voudrions ici tordre le cou une fois pour toutes, si cela était possible, à ces théories conspirationnistes, qui ne sont finalement qu’une nouvelle version plus spectaculaire de l’éternelle vision policière de l’histoire d’un État omnipotent et omniscient, vision policière qui également ne voit dans les rangs des prolétaires les plus combattifs que des « provocateurs » qui servent objectivement les intérêts du Capital, alors que ce sont ceux-là même qui s’insurgent et montent aux barricades (tout en sachant que celles-ci, bien qu’étant nécessaires, ne suffisent pas à renverser l’histoire). Ce que nous voulons dénoncer ici, c’est la fonction sociale du complotisme et son alter ego l’anti-complotisme : l’un comme l’autre sont les deux mâchoires du piège bourgeois qui vise à nous faire quitter notre terrain de classe au profit de cette vision policière de l’histoire. Les uns veulent tout expliquer par le complot et la machination de la classe dirigeante, les autres refusent d’envisager que des complots puissent exister ! Notons aussi au passage que l’État a une fâcheuse tendance à utiliser l’étiquette « complotiste » comme une arme idéologique afin de contrôler la situation et de discréditer toute critique sociale de sa dictature…
Alors, quid des capitalistes qui « complotent contre nous », par exemple via leur très secret Club Bilderberg !? L’État mondial des capitalistes (qui n’a rien à voir avec le vulgaire « gouvernement mondial » que les adeptes des « théories du complot » mettent en avant) organise, planifie, coordonne, centralise toujours plus efficacement toutes les mesures de contre-insurrection nécessaires au maintien de l’ordre social qui est le leur. Et si cela se déroule à l’abri des feux de la rampe, dans une certaine discrétion, et même dans des structures autres que le Club Bilderberg ou le Club de Rome : c’est « l’ordre normal des choses », c’est l’avant-garde de la classe des exploiteurs qui défend son ordre. Le problème avec les « théories complotistes », c’est qu’elles fonctionnent comme une vieille horloge cassée : elle donne toujours l’heure exacte, mais seulement deux fois par jour !
Et contre cela, contre cet ordre normal des choses, le prolétariat révolutionnaire, les minorités communistes (qu’elles se soient dans le passé appelées ainsi ou « socialistes » ou « anarchistes » ou autre chose encore), bref l’humanité, a de tout temps toujours chercher à conspirer contre ses maîtres, à organiser des conjurations (bonjour Babeuf et Buonarroti), des sociétés secrètes (bonjour Blanqui, Bakounine, Marx), à monter des complots pour appuyer des processus insurrectionnels, bref à faire œuvre de parti. « Conspirer, c’est respirer ensemble » (Radio Alice, Bologne, Italie 1977), et c’est bien ce que des minorités organisées tentent de faire au Liban ou au Belarus, ou encore aux USA depuis quelques semaines (dans l’antre du colosse aux pieds d’argile que constitue « la première puissance au monde ») à la suite des vagues de luttes qui ont touchés presque tous les continents ces derniers mois… Plus que jamais, en ces temps de remontée des luttes et de résurgence de l’initiative prolétarienne dans la guerre de classe permanente, nous revendiquons la nécessité d’organiser la lutte, de la développer, en-dehors et contre la légalité des exploiteurs, et donc de comploter et de conspirer afin de mener à son terme l’œuvre de destruction du capitalisme, de son État et donc de sa démocratie !!!
Pour finir, les communistes ne nient pas l’existence de la maladie, ils ne prétendent pas que la pandémie soit un mensonge, mais au contraire les communistes combattent l’État et sa médecine en tant qu’ennemis de classe. Et puisque le capitalisme est la cause fondamentale des maladies, nous nous devons d’utiliser la maladie comme une arme et de la retourner contre la société capitaliste.
« Vivre libre ou mourir ! »
Guerre de Classe