Photos et vidéos en manifest’action
Publié le , Mis à jour le
Catégorie : Local
Thèmes : Anti-répressionMédiasRépression
Lieux : Sarthe
P : Les gens n’ont qu’à pas casser, y’aurait pas de répression.
A : Si tu comprends ou cautionnes pas cette façon de lutter, c’est quand même pas une raison pour aider la police contre les militantes. Et puis y’a pas du tout besoin de casser pour se manger la répression.
P : T’as qu’à mettre une cagoule et des vêtements noirs.
A : Grave, c’est une protection mutuelle contre l’identification et c’est solidaire avec les manifestant-es les plus réprimé-es. Mais du coup en prenant des photos/vidéos tu forces les personnes à encourir le délit de dissimulation du visage. Puis une personne masquée peut quand même être identifiée et reconnue par sa voix ou en se faisant appeler (prénom).
P : De toute façon je prends pas d’images de la casse et j’empêche même les personnes qui en font (des images) !
A : C’est super mais avec le recoupement d’images la police et la gendarmerie utilisent les images « innocentes » pour identifier fringues et gabarits et mettre en taule. Puis certaines personnes commettent un délit juste par leur présence comme les interdites de manif ou de département, les sans-pap’ et celles recherchées. Y’a aussi les employeurs, parents, personnel éducatif, fascistes, pôle emploi, et ça peut compromettre le dossier de régularisation d’une personne sans-papier.
P : Oui bah tu me préviens et je fais attention de pas te photographier/filmer.
A : Ça me paraît plus logique dans l’autre sens, que ça soit toi qui demandes mon accord avant de prendre des images de moi. Et il y a beaucoup trop de gens qui prennent des images, même si j’y passais tout mon temps (et j’en ai pas envie) je pourrais pas demander à tout le monde de faire attention. Puis comment je fais avec les gens qui publient en live ?
P : Je filme pas en live car y’a pas de maîtrise sur ce qui est publié et je floute les visages. D’ailleurs je publierai pas sauf si je suis sûre que toutes les personnes apparaissant sont d’accord.
A : C’est cool mais la gendarmerie utilise aussi les images avec les visages floutés ou sans visage, c’est hyper dur d’avoir la maîtrise totale sur ce qui peut être compromettant. Aussi, ils peuvent récupérer les images non publiées en te piquant ton appareil ou en mouchardant ton smartphone. Et puis on peut pas se sentir en sécurité avec tous ces gens qui nous prennent en photo/vidéo sans savoir ce qu’ils en font, ce qui dissuade les personnes de manifester ou de faire des gestes de rupture.
P : J’ai le droit de prendre des images en manif, y’a des lois là-dessus.
A : On s’en fout de leurs lois, on est là pour les contester. Moi je veux pas qu’on prenne d’images de moi sans mon consentement (intimité, sentiment d’être espionné.e)
P : Les images sont importantes pour avoir des infos sur nos luttes et pour l’histoire.
A : Déjà y’a bien assez d’images sans toi et est-ce que ça vaut le coup de ne respecter ni notre consentement ni notre sécurité ? Si on va toutes en prison il va rien se passer et y’aura pas d’histoire (à part celle des dominants).
P : Mais si tu fais chier tout le monde y’aura plus aucune image !
A : Aujourd’hui vu le nombre de personnes qui prennent des images oui je te demande juste
d’arrêter mais si y’en avait moins y’aurait moyen de faire ça correctement. Genre on demande à une personne qui a un mégaphone de prévenir avant pour que les gens qui veulent partir puissent, et on évite de prendre les visages. Si on prenait juste quelques images à chaque fois, ce système serait envisageable. Et en faisant comme ça on pourrait publier des images et dire où on les publie pour que tout le monde les ait et n’ait pas envie d’en prendre d’autres. D’ailleurs si tu veux des images au lieu d’en prendre tu peux en demander à des gens qui en prennent pour réduire déjà. (Si tu veux un selfie franchement t’es pénible.)
P : J’fais pas de photo/vidéo pour me la péter, c’est des souvenirs / de l’art.
A : Encore une fois, est-ce que ça vaut le coup de ne respecter ni notre consentement ni notre sécurité en imposant ta philosophie de l’image (permanente) ou de la militance ?
P : Et comment les journalistes font leur métier ?
A : J’emmerde les gens qui gagnent des sous en utilisant ma lutte alors qu’en plus ce ne sont pas des militants. Même des médias indépendants propagent l’intox de l’État, discréditent et mentent sur nos luttes (radicales), j’me bats contre eux aussi. Et même pour celleux militant-es, ma sécurité et mon consentement sont plus important-es que leur taf.
P : De toute façon y’a déjà plein d’images, y’a les caméras de surveillance, les drones (même s’ils ont plus le droit depuis le 18 mai 2020) et les flics qui filment.
A : Bah justement ils multiplient les images et tu les aides avec d’autres angles de vue et prises de sons.
P : Bref arrête, t’es agressive, je fais ce que je veux.
A : Ça n’a rien d’excessif de venir t’emmerder pour que tu respectes mon consentement et ma sécurité, c’est de la défense et c’est toi l’agresseuse. Ça n’a rien d’excessif de t’insulter, de t’empêcher physiquement, de te prendre ton appareil ou/et ta carte mémoire si tu refuses de supprimer, voire de l’exploser si tu ne le permets pas. Notre liberté de vivre notre manif et nos actions militantes comme on le décide et de ne pas se faire incarcérer à cause de toi vaut plus que ton envie de prendre des images.
P : Ouais j’avoue… ok j’suis d’accord, je vais faire attention aux caméras et téléphones puis je vais même me masquer, la solidarité avant tout.
Fait en juillet 2020
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Dialogue imaginaire avec une défenseureuse de l’image photographique d’individus
https://www.infokiosques.net/IMG/pdf/Dialogue_imaginaire-fil.pdf