Le journal « Le Monde » et le réveillon du « 1er mai ».

Dans le supplément « Des livres » du journal « Le Monde » daté de vendredi 25 février 2005, on lit une brève mention du Réveillon du 1er mai.

Il s’agit de la chronique critique de trois ouvrages parus dernièrement, tels que « L’Altermondialisme en France », « Radiographie du mouvement altermondialiste », etc.

On connaît bien depuis plusieurs années ce genre de publications savantes et les articles assez semblables qui leur sont consacrés dans la grande presse parisienne :

Non pas dépourvus d’intérêt comme aide-mémoire, ces ouvrages n’apprennent pas grand-chose aux acteurs impliqués directement dans ces mouvements sociaux, en restent souvent à une approche scolaire ou superficielle, et négligent généralement ce qui serait le plus novateur dans ces mouvements, soit comme critique radicale, soit comme nouvelles perspectives alternatives.

Ainsi Jean Birnbaum rend compte de ces livres dans « Le Monde » et il y ajoute une interview de l’historienne Danielle Tartakowsky, laquelle déclare entre autres :

« Et puis les défilés « alter » continuent aussi d’emprunter aux répertoires nationaux. Ainsi, en France, où l’espace manifestant est saturé de longue date, l’hégémonie syndicale sur le 1er mai a rendu son appropriation par les altermondialistes plus ardue que dans les pays anglo-saxons. D’où le rapide déclin du « Réveillon anticapitaliste » organisé à la fin des années 1990 place de la Bourse, à Paris […] »

Cette remarque n’est pas entièrement exacte. Préparé depuis la province par l’association non subventionnée « Nantes Est Une Fête » (N.e.u.f.), le Réveillon nocturne de la veille du 1er mai, tenu place de la Bourse, était une sorte de « street-party » et de « zone d’autonomie temporaire », rassemblant plusieurs centaines de personnes chaque année à partir de 1997.

Dès la seconde année, l’association nantaise a mis délibérément ce rendez-vous dans le domaine public, en proposant à quiconque(s) de le reprendre à condition de respecter le concept d’origine, l’anticapitalisme financier, et le style festif tenant en trois points : « Sans argent, sans publicité, sans organisation dirigeante ».

Sans avoir aucunement connu un « rapide déclin » (bien qu’ignoré soigneusement par les organisations militantes traditionnelles, petites et grandes, sur la place de Paris), le 7ème Réveillon a auto-programmé sa dissolution-transformation en 2003, pour deux raisons compréhensibles :

1- Son objectif politique d’origine était désormais amplement atteint : Mettre dans le domaine public le thème de la « taxe Tobin » et de la résistance aux paradis fiscaux et au capitalisme financier (ATTAC et les mouvements dits « Alter » étant apparus entre temps.)

2- Il était désormais donc nécessaire d’embrayer sur une nouvelle revendication, encore plus radicale et nécessaire, et encore moins défendue : l’instauration d’un smic mondial, pour combattre à la source la cause directe ou indirecte de toutes les principales souffrances sociales, ici et ailleurs.

A partir de 2003, donc, les Réveillons du 1er mai ont donc cessé d’être des rendez-vous « physiques » place de la Bourse à Paris ou à l’étranger, pour devenir des rendez-vous « immatériels » (véhiculés notamment par internet) sur le thème principal du smic mondial (quitte à revenir dans le domaine physique des occupations non-violentes de rues ou de palais, lorsqu’il le faudra).

Dans ce cadre, chaque Réveillon du 1er Mai reste l’occasion d’une nouvelle étape.

La date du 8ème Réveillon, l’an dernier, a été celle du lancement d’un nouveau chantier collectif : La rédaction interactive de « Dix nouveaux droits universels » entièrement originaux (à partir d’un brouillon interactif soumis à l’attention du public, intitulé provisoirement « DécaPol », voir plus bas.)

Conclusion provisoire : Comme il semble donc, d’après « Le Monde » daté de ce vendredi, qu’il faille un délai d’à peu près neuf années pour que certains docteurs es-altermondialisme s’aperçoivent que le Réveillon a bien existé à Paris, nous supposons qu’il faudra encore neuf années-lumières pour que l’apparition du projet « Décapol » soit porté à la connaissance des commentateurs autorisés. Nous leur donnons donc rendez-vous dans neuf ans, en 2014. Ou peut-être plutôt, nous l’espérons !

Amicalement, Luc

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Document :

Date : DIM 30, MAI 2004 10:37
Objet : [DecaPol] – “Dix nouveaux Droits humains et politiques pour le siècle qui vient”

A l’occasion du récent huitième “Réveillon du 1er mai” de l’année 2004, (…) une initiative de réflexion pour un Appel international à “Dix nouveaux Droits humains et politiques pour le siècle qui vient”. (“DecaPol”). Cet Appel programmatique pourrait être lancé pour les échéances symboliques des 1er mai 2005 et 2006.

Si vous souhaitez participer à cette élaboration collective, vous pouvez amender, approuver ou bien corriger ce projet de texte, notamment en formulant vous même votre propre hiérarchie dans la priorité de création de nouveaux Droits de l’Homme et de la Femme. Avez-vous d’autres utopies réalistes à défendre ?

Ces dix idées seraient portées dans les mouvements sociaux, centre de recherches et les forums sociaux et politiques, afin de créer progressivement un rapport de force rendant nécessaire et incontournable leur adoption dans les enceintes souveraines, telles que l’ONU et les unions inter-étatiques.

Préambule.

Nous voulons de nouveaux Droits humaines universels. Après 1789 et 1948, une troisième génération de Droits viendra illustrer les avancées nécessaires face aux nouvelles menaces, aux nouvelles contraintes, et aussi aux nouvelles opportunités techniques et démocratiques pour l’Humanité. Cet appel à la définition collective de nouveaux droits s’inspire à la fois des acquis culturels de l’humanisme révolutionnaire/utopique et réformiste/uchronique, et des expériences démocratiques et sociales issues des Libérations post-fascistes en Europe (telles que le programme français du “Conseil national de la Résistance” de 1944).

DecaPol

1 –> DEMOCRATIE PARTICIPATIVE
La transparence numérique des comptabilités publiques, (Etat, collectivités locales et institutions para-étatiques), en ligne et en temps réel, comme outil élémentaire de connaissance, de contrôle, et d’initiative citoyenne.

2 –> DEMOCRATIE DIRECTE
Tirage au sort de certains collèges de magistratures politiques (comme dans la Démocratie grecque antique) : spécifiquement des collèges citoyens d’expertise, de contrôle et d’alerte, mais aussi certaines magistratures de gestion ou de co-gestion des affaires publiques. Nécessité pour chaque citoyen “éligible au sort” de s’éduquer en permanence et de se préparer à gouverner, dès l’enfance. Représentativité intégrale et automatique des parités, minorités et autres composantes du corps électoral.

3–> DEMOCRATIE REPRESENTATIVE
La démocratie issue des Lumières connaît sa seconde grande crise, après celle des totalitarismes léninistes et fascistes, c’est la perte de substance de la politique représentative face au poids croissant des marchés financiers mondiaux, qui tendent à occuper directement ou indirectement l’ensemble des trois fonctions exécutives, législatives et judiciaires, dans tous les pays. Il faut proclamer la Séparation de la Finance et de l’Etat. Pour émanciper la politique de l’argent, l’ “antifascisme économique” doit instaurer une série de lois fiscales contraignantes (de type Tobin et autres) visant explicitement à la mise hors d’état de nuire des marchés financiers mondiaux, et notamment à l’éradication définitive des paradis fiscaux.

4 –> EGALITE ECONOMIQUE ET SOCIALE MONDIALE
Au lieu de s’affronter en vain aux conséquences de l’inégalité croissante des revenus (misère, esclavage sexuel, esclavage des enfants, anaphabétisme,épidémies, immigration sans-droits, délocalisations industrielles et chantage à ces délocalisations) il faut s’attaquer réellement à la cause en garantissant un smic mondial (salaire minimum garanti), une homogénéisation internationale progressive, mais absolue, des revenus minima du travail salarié et paysan, inscrite dans le Droit international. Généralisation obligatoire du commerce dit “équitable”.

5–> EGALITE LINGUISTIQUE & PLURALISME CULTUREL
Droit garanti à l’initiation aux phonèmes, prononciations et accentuations des grandes familles de langues universelles, dès le plus jeune âge. Egalité matérielle et morale des langues et dialectes pratiqués, garantie dans chaque localité, pays et région. Dispositifs d’échanges interculturels et antiracistes de type “Fête et Forums des langues”.

6–> DROIT A L’EDUCATION POLITIQUE
Droit à des P.I.C. (projets d’intérêt collectif) à l’école. L’éducation à la responsabilité, à l’initiative individuelle ou collective, au travail en petite équipe, ne se transmet plus par les mouvements de jeunesse, tandis que la société de consommation prive les jeunes de la connaissance de leurs propres virtualités créatives et politiques. Il faut que l’éducation par les P.I.C. fasse l’objet d’unités d’apprentissage obligatoires dans les établissements scolaires, afin que personne ne soit citoyen analphabète (apprendre à prendre la parole, à utiliser des ressources documentaires et informationnelles, à monter un projet d’intérêt collectif, à l’évaluer à posteriori, etc.)

7–> LIBERTE DE CONSCIENCE
Droit de retrait, droit inaliénable de chaque individu, garanti légalement, à être protégé des excès de la communication, de la publicité, à bénéficier d’espaces et de temps préservés de la pollution mentale permanente et des codes culturels véhiculés par la télévision marchande.

8–> LIBERTE D’EXPRESSION
La concentration capitaliste met les médias du monde entier sous l’influence d’intérêts particuliers, souvent liés d’ailleurs à la commande publique et des cercles étatiques dirigeants consanguins et homogènes (marchés boursiers, marchés publicitaires, marchés de vente d’armes, etc). Ce qui serait considéré comme inacceptable pour une association spirituelle, philosophique, ou pour un syndicat, est accepté couramment lorsqu’il s’agit de l’appropriation privée d’un journal ou d’une chaîne de télévision. Il faut garantir comme un Droit constitutionnel que les médias importants puissent rester sous le contrôle de l’intérêt général, notamment par des propriétés sociales de type coopératif, et par des mesures facilitant le contrôle populaire, l’indépendance et la santé économique du secteur informatif, et la création périodique de nouveaux médias concurrentiels et viables.

9–> SEPARATION DES POUVOIRS
Instauration d’une Cour internationale, ou Tribunal pénal permanent, destiné à réprimer la grande Criminalité économique et écologique contre l’Humanité, sur le modèle du Tribunal de la Haye chargé de réprimer et de prévenir les Crimes de guerre et Crimes contre l’Humanité. Définition d’un Droit pénal international adapté à la prévention des crimes économiques et écologiques.

10–> SURETE ALIMENTAIRE & ECOLOGIQUE
Droit de chaque peuple à se nourrir par soi-même. Protection du dumping et abolition des subventions à perte pour l’exportation. Paiement réel des coûts écologiques et sociaux. Droit à une agriculture et à une industrie alimentaires écologiques. Généralisation obligatoire des filières biologiques. Préservation des ressources en eau potable. Interdiction, limitation radicale et/ou reconversion urgentes de l’ensemble des activités polluantes à caractère cumulatif ou gravement toxique (moteurs à hydrocarbures, nucléaire, polluants persistants, usage impropre de substances pharmaceutiques tels qu’antidépresseurs et antibiotiques.)
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Donc, 10 Droits politiques pour le siècle qui vient, ou “DecaPol”.

Qu’en pensez-vous ? Peut-on formuler cela mieux ? A vous de jouer.

Luc Douillard (à Nantes)